Le 47e Forum économique mondial s’est ouvert mardi à Davos en Suisse. Au-delà des allocutions et des tables rondes sur les grands enjeux d’actualité, ce rendez-vous annuel est avant tout le lieu indiqué pour faire avancer certains dossiers et multiplier des rencontres privées.
Jusqu’à samedi, quelque 3000 dirigeants politiques, représentants des milieux d’affaires ainsi que des experts des quatre coins de la planète prendront part à plus de 400 ateliers. Les sujets porteront sur la quatrième révolution industrielle, sur la mondialisation et sur la lutte contre la montée du protectionnisme.
Habitué de l’événement, l’ex-premier ministre du Québec Bernard Landry, qui a participé au Forum en tant que ministre des Finances de la province, estime que « c’est un investissement extraordinaire parce qu’avec un seul billet d’avion, on rencontre le monde entier. Pratiquement toutes les années, je suis revenu de l’endroit avec d’excellentes prises ».

« On est à Davos pour brasser des affaires »
S’il se déplaçait de temps à autre pour assister à certains ateliers, M. Landry était, comme plusieurs, plus fervent du travail en périphérie dans le but de convaincre des entreprises étrangères de venir s’installer au Québec ou d’y bonifier leur présence.
L’ancien premier ministre dit qu’il s’est toujours rendu à Davos avec un agenda rempli de rendez-vous afin d’enchaîner les rencontres sur le terrain.
« L’essentiel de mon temps, je le passais dans un petit bureau loué dans l’hôtel où je logeais pour y rencontrer des entrepreneurs, se souvient M. Landry. Mes dossiers étaient prêts et l’endroit était occupé toute la journée. À Davos, les gens sont là pour ça [brasser des affaires] »
Comme le nombre d’accréditations pour accéder à la zone contrôlée du Centre des congrès où se déroulent les conférences est limité, il est difficile d’y envoyer une délégation complète.

Par conséquent, la majorité des rencontres d’affaires ont lieu dans des hôtels de la ville.
Clément Gignac, ancien ministre du Développement économique dans le gouvernement libéral de Jean Charest de 2009 à 2011, se souvient que dans la plupart des cas, les face-à-face de 20 à 30 minutes étaient le fruit de six à neuf mois de travail effectué par les hauts fonctionnaires de l’État.
« Les gens qui connaissent moins l’événement ont tendance à dire : « Ils se sont payé un beau voyage aux frais des contribuables. » Mais ce n’est pas du tout le cas, on ne fait pas le touriste là-bas », précise M. Gignac.
« C’est très rare que l’on puisse rencontrer en peu de temps des dirigeants de multinationales comme Alcoa ou Rio Tinto. »
Tribune extraordinaire pour parler à l’élite mondiale
En raison de la tribune qu’offre le Forum économique de Davos, d’autres acceptent également l’invitation qu’on leur offre de prononcer un discours devant un auditoire international à des fins de relations diplomatiques.
Nommé ministre fédéral des Finances sous le gouvernement libéral de Jean Chrétien en 1993, Paul Martin se souvient d’avoir misé sur son passage dans les Alpes suisses pour « passer un message », alors que les finances publiques du pays étaient marquées par les budgets à l’encre rouge.

« C’était important pour moi d’y aller pour parler aux autres pays afin de leur redonner confiance dans l’économie canadienne et pour leur montrer que nous serions capables d’éliminer les déficits et réduire le ratio de notre dette », se souvient M. Martin, qui a également été premier ministre du Canada de 2003 à 2006.
« Lorsque vous avez quelque chose à dire ou des idées à défendre, c’est une tribune extraordinaire », ajoute-t-il.
Dans la foulée du vote pour le Brexit au Royaume-Uni et l’élection du républicain Donald Trump aux États-Unis, l’ex-premier ministre du Canada croit que cette année, plusieurs intervenants profiteront de la tribune qui leur sera offerte à Davos pour mettre leurs homologues en garde contre les effets du repli sur soi et la montée du protectionnisme.
Davos n’a pas que des amis
Le Forum économique de Davos regroupe les patrons de grandes multinationales et de dirigeants politiques de grandes puissances mondiales. Donc, ce club sélect a forcément de nombreux détracteurs. Les groupes altermondialistes et antimondialistes profitent souvent de l’événement pour dénoncer le capitalisme, son impact, les inégalités sociales, etc.
MM. Landry, Martin et Gignac contestent toutefois les critiques de certains groupes altermondialistes et organisations non gouvernementales.
« Ces critiques sont injustes, estime M. Gignac. Il s’agit quand même d’un endroit où l’on échange des idées et il y a des représentants à la fois de la gauche et de la droite. On ne prend pas de décision à la fin des ateliers. Chacun peut faire valoir ses arguments. »

Bernard Landry a abondé dans le même sens, rappelant avoir croisé des chefs d’État comme l’ex-président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva à Davos.
« Il était loin d’être à droite lui, fait-il valoir. Chez les altermondialistes un peu plus extrêmes, dès que l’on prononce les mots « chef d’entreprise » ou « multinationale », nous sommes suspects. C’est une erreur. »
Le professeur à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa Patrick Leblond estime pour sa part qu’à travers les années, il y a eu différentes tentatives de la part des organisateurs du Forum économique pour faire une place aux représentants de mouvements sociaux.
De plus en plus, souligne-t-il, des thèmes comme l’environnement, la santé ainsi que les changements climatiques sont abordés à Davos, ce qui n’a pas toujours été le cas dans le passé.
« Est-ce que cela veut dire que l’on a vraiment ouvert l’événement à ces gens? Il y a eu une certaine ouverture, mais je ne suis pas certain que cela a eu l’impact espéré », nuance-t-il toutefois.
Si M. Leblond concède que certaines critiques des groupes altermondialistes sont parfois « très justifiées », il précise que ceux-ci ont parfois un discours « dogmatique » qui laisse peu de place à la discussion.
(Avec La Presse canadienne)
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