Dans la foulée des protestations qui fusent depuis la semaine dernière, la direction de la multinationale canadienne Bombardier a annoncé dimanche soir le report jusqu’en 2020 de plus de la moitié de la rémunération que devaient recevoir les six membres de sa haute direction pour l’année 2016.
Initialement, les sommes visées devaient être versées à compter de 2019. Bombardier a décidé de reporter d’un an le versement de ces paiements, en les rendant conditionnels à l’atteinte des objectifs du plan de redressement de M. Bellemare, dont la réalisation est prévue pour 2020.
« Ce geste continue de démontrer l’engagement à long terme de la direction envers la transformation réussie de Bombardier », souligne dans un communiqué son président et chef de la direction, Alain Bellemare.
Vendredi, le président exécutif du conseil, Pierre Beaudoin, avait renoncé à son augmentation pour 2016. Cela n’avait toutefois pas été suffisant pour calmer la grogne, puisque quelque 200 personnes ont manifesté dimanche pour dénoncer les augmentations de salaire chez Bombardier.
Initialement, M. Bellemare devait recevoir un salaire global de 9,5 millions $ US, en hausse de 48 %. Il touchera plutôt 4,2 millions $ US.

Protestations populaires et pressions politiques

Par l’entremise de son compte Twitter, le premier ministre du Québec Philippe Couillard a dit, en soirée dimanche, qu’il avait transmis ses préoccupations « et celles des Québécois » plus tôt la semaine dernière au grand patron de la multinationale. Dans un autre message, il s’est dit « satisfait de la décision annoncée par Bombardier », ajoutant que l’entreprise « offre des milliers d’emplois de qualité ».
Au sein de la population et au coeur de la classe politique québécoise, plusieurs jugeaient que le montant global de 32,6 millions de dollars US – en hausse de 50 % sur un an – octroyé d’une main aux six plus hauts dirigeants du constructeur d’avions et de trains était indécent, alors que Québec a dû de l’autre main injecter 1,3 milliard dans la mise en marché des avions C Series.
Le gouvernement canadien vient lui aussi de consentir à la compagnie un prêt de 372,5 millions. De surcroît, Bombardier devrait avoir éliminé quelque 14 500 postes à travers le monde d’ici la fin de l’année 2018 dans le cadre de son plan de redressement.

Mea culpa du grand patron
Le président et chef de la direction, Alain Bellemare, reconnaît que l’entreprise a fait une « mauvaise job » à la suite de la controverse provoquée par la rémunération de ses hauts dirigeants, mais il croit néanmoins que le lien de confiance avec les Québécois n’a pas été brisé.
« Nous avons sous-estimé la réaction de la population et mal expliqué la rémunération, a affirmé M. Bellemare, au cours d’une entrevue téléphonique avec La Presse canadienne, dimanche soir. Je pense que les gens ont compris, ou que nous avons laissé sous-entendre, que nous allions toucher ces montants immédiatement. »
Rappelons toutefois que samedi le président du Comité des ressources humaines et de la rémunération de Bombardier avait tenté de« rétablir les faits » sur la hausse de salaire consentie à des membres de la haute direction de l’entreprise.

Jean C. Monty
Dans une lettre ouverte, Jean C. Monty expose que « la capacité de Bombardier à livrer concurrence et à gagner dans un marché mondial très compétitif dépend de sa capacité à attirer et à retenir une équipe de hauts dirigeants de calibre international ».
Les politiques de rémunération doivent refléter la nature internationale de l’entreprise, de même qu’« aligner le salaire sur la performance », soutenait M. Monty, qui a aussi tenu à souligner que plus de la moitié des 32,6 millions de dollars américains initialement annoncés étaient conditionnels à l’atteinte de certaines cibles.
M. Monty, ex-président du conseil et chef de la direction de Bell Canada Entreprises, concluait sa lettre intitulée « La compensation de Bombardier est entièrement conçue pour créer de la valeur » en se disant « convaincu » que les pratiques de rémunération de la multinationale sont « saines ».
Une leçon de bonne gestion?

Le directeur général de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP), Michel Nadeau, qui s’était montré très critique à l’endroit de Bombardier, a évoqué un « dénouement heureux » pour une crise qui a été très mal gérée.
« Le capital de sympathie de l’entreprise a fondu parce que les gens ont été choqués par le manque de sensibilité de la direction, a-t-il dit. Il aura fallu des pressions politiques et publiques pour obtenir un changement. »
La réaction a été bien différente du côté du Parti québécois, où le porte-parole en matière d’économie, Alain Therrien, a souligné que la haute direction de l’entreprise devait déjà recevoir une partie de sa rémunération au cours des prochaines années.
RCI avec La Presse canadienne et Radio-Canada
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