Tant Québec qu’Ottawa se félicitent de la prise de contrôle de la division C Series de Bombardier par le géant européen Airbus. Les partis d’opposition à l’Assemblée nationale du Québec sont déçus, tandis que les travailleurs de Bombardier sont soulagés.
Le syndicat Unifor a été l’un des premiers à réagir au rachat de la C Series par Airbus. Unifor représente près de 10 000 membres dans le secteur aérospatial au Canada. Parmi eux, plusieurs milliers chez des sous-traitants de la C Series comme Avior et surtout Pratt & Whitney qui fabrique les moteurs de cet avion.
Si Unifor se réjouit d’une association qui peut contribuer à consolider les emplois de qualité au Canada, le syndicat déplore le passage sous contrôle étranger d’un fleuron de l’ingénierie québécoise, dit Renaud Gagné, directeur québécois d’Unifor.
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Déception de l’opposition à Québec
Le Parti québécois, la Coalition avenir Québec et Québec solidaire ont dénoncé en choeur, mardi, l’acquisition par Airbus d’une participation majoritaire dans la C Series de Bombardier.
Pour le chef de l’opposition officielle, Jean-François Lisée, maintenant qu’Airbus devient l’actionnaire majoritaire de la C Series, le premier ministre Philippe Couillard a perdu le contrôle du plus beau produit de génie québécois. En 2015, a-t-il rappelé en point de presse, lorsque le premier ministre annonçait une prise de participation du Québec à hauteur de 1,3 milliard de dollars dans la C Series, ce devait être pour que Bombardier entre dans la cour des grands de l’aéronautique mondiale.
Cela n’a pas été le cas. « Comment a-t-il pu dire oui à ça? », s’est-interrogé M. Lisée, constatant que la transaction indiquait à quel point Bombardier était placée dans une situation de vulnérabilité.

Et cette faiblesse tire son origine dans le fait que Québec a choisi de miser uniquement sur la C Series au lieu d’investir dans Bombardier dans son ensemble, une erreur stratégique selon le chef péquiste.
« C’est Airbus qui va tout décider de ce qui va arriver avec la Série C désormais », a renchéri le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault. Le premier ministre Couillard a fait un pari risqué en investissant massivement des fonds publics dans la C Series et il a perdu son pari. »

Dans ce contexte, le maintien du siège social au Québec n’est que de la poudre aux yeux, car dorénavant « toutes les décisions importantes vont être prises par Airbus », prédit M. Legault. Le Québec vient donc de perdre encore une fois un centre de décision, le siège social de la C Series étant promis à devenir une « coquille vide », selon lui. « C’est un jour triste pour le Québec », a ajouté M. Legault, disant souhaiter que le vérificateur général fasse le point sur la valeur actuelle de la participation gouvernementale de 1,3 milliard.
Le député de Québec solidaire dans Mercier, Amir Khadir, conclut pour sa part que la participation des Québécois servira « à subventionner des jobs d’Airbus en Alabama ».
Son de cloche différent
À Ottawa, pendant ce temps, le ministre de l’Innovation Navdeep Bains s’est dit modérément optimiste quant aux retombées canadiennes de cette entente de principe. Il devra décider si elle est dans l’intérêt national en vertu de la Loi sur Investissement Canada.
Bains a souligné que la production de la C Series destinée au marché international demeurera à Mirabel, ce qui permettra de conserver des emplois bien rémunérés au Canada à long terme. La propriété intellectuelle de l’avion de Bombardier demeurera également au pays et l’entreprise sera en mesure de rembourser la totalité des sommes consenties par Ottawa.

Le gouvernement fédéral avait volé au secours de Bombardier en février avec un prêt de 372,5 millions, dont 120 millions pour les appareils de la C Series. Ce prêt s’ajoutait aux 350 millions déjà accordés par le gouvernement conservateur de Stephen Harper en 2008.
L’entente entre Bombardier et Airbus réjouit le ministre des Transports Marc Garneau. « Ça va nous donner accès à un marché global et c’est bon pour les emplois, pour le Québec et pour Bombardier », a-t-il dit mardi avant-midi.
Une bonne affaire selon les principaux intéressés
À la Bourse de Toronto, l’action de Bombardier s’est envolée pour atteindre un sommet annuel de 2,79 $. En milieu de séance, le titre se négociait à 2,76 $, en hausse de 40 ¢, ou 16,95 %.
« C’est un accord gagnant-gagnant pour tout le monde, a déclaré le PDG d’Airbus, Tom Enders, dans un communiqué commun. Je n’ai pas de doute que notre partenariat avec Bombardier va gonfler les ventes et la valeur de ce programme énormément. »
« Airbus est le partenaire parfait pour nous », a de son côté déclaré Alain Bellemare, le PDG de Bombardier.
Ce partenariat constitue en quelque sorte une riposte à la plainte déposée par Boeing au printemps et ayant permis à Washington d’imposer des tarifs préliminaires d’environ 300 %.
« Nous allons continuer à nous opposer à cette plainte de Boeing et nous estimons que la démarche est injustifiée », a affirmé M. Bellemare.

Si plusieurs ont déploré une perte de contrôle québécois de la C Series, la majorité des analystes financiers ont estimé que d’un point de vue politique, Bombardier avait marqué des points.
« Puisqu’il y aura une ligne de production aux États-Unis, tout ce qui entoure la plainte de Boeing devrait se dissiper puisque la C Series ne sera plus exportée au sud de la frontière pour les clients américains », a écrit Cameron Doerksen, de la Financière Banque Nationale, dans une note.
L’accord va renforcer le programme de Bombardier sur le plan commercial, alors que la C Series, le premier monocouloir de conception entièrement nouvelle depuis plus de 25 ans, tarde à rencontrer le succès commercial.
Ce partenariat intervient deux ans après une première tentative de rapprochement entre les deux groupes.

Grâce à cette opération, Airbus se renforce sur un segment dont il était absent, sa gamme moyen-courrier de la famille A320 allant de 140 à plus de 200 sièges dans sa version remotorisée.
Il bénéficie aussi du fait que l’appareil, entré en service à l’été 2016, a déjà obtenu sa certification et ne nécessite pas d’importants investissements à l’avenir.
Selon un analyste, un tel rapprochement pour Airbus est une « belle opportunité pour renouveler sa gamme sur le segment des 100 à 150 places » à moindre coût et lui permet « de conserver un pied dans ce marché » qui ne représentait plus son coeur de marché.
(Avec La Presse canadienne et l’AFP)
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