L’adoption de la loi 62 par les députés libéraux à Québec a déclenché une avalanche de critiques, dont celles des groupes musulmans. Ces derniers considèrent le texte québécois comme discriminatoire. Le premier ministre Philippe Couillard, lui, ne s’en formalise pas outre mesure.
En gros, la loi 62 « favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État, et visant notamment à encadrer les demandes d’accommodements religieux dans certains organismes à établir une neutralité religieuse » stipule que les services publics doivent être donnés et reçus à visage découvert.
La nouvelle loi instaure notamment la « neutralité religieuse » de l’appareil d’État québécois. Autrement dit, les employés des organismes publics et parapublics sont obligés d’exercer leurs fonctions à visage découvert pour des questions de sécurité et de communication. Parallèlement, une femme voilée devrait découvrir son visage en montant dans un autobus ou lors d’une consultation à l’hôpital. Et c’est ce dernier aspect qui dérange les groupes musulmans. Ils y voient une restriction des droits des femmes musulmanes, une violation des principes canadiens de liberté de religion et d’expression.
Les musulmans ciblés
Des organisations nationales musulmanes canadiennes estiment que le texte « n’a pas grand-chose à avoir avec la neutralité religieuse et l’égalité ». En revanche, il risque d’isoler un groupe de femmes et les rendre encore plus vulnérables aux attaques et aux crimes haineux. Le texte selon eux « encourage la division, crée des inégalités et viole notre Charte des droits et libertés ».
Pour l’imam Hassan Guillet, bien connu au Québec, la loi 62 est contreproductive et porte sur une réalité inexistante en raison du nombre insignifiant de femmes portant la burqa ou le niqab au Québec.
Écoutez
Les organisations nationales musulmanes canadiennes déplorent la décision de l’Assemblée nationale du Québec « de cibler et de marginaliser davantage les Canadiens musulmans, alors que la communauté musulmane continue à faire face à l’attaque terroriste contre le Centre culturel islamique de Québec, qui a fait 6 morts et 19 blessés le mois de janvier ».
« La différence québécoise »
Interpellé sur les risques de dégradation de l’image du Québec à l’étranger, le premier ministre Philippe Couillard, qui avait pourtant dénoncé la charte de la laïcité du Parti québécois en 2013-2014 sous cet angle, n’a pas semblé préoccupé du tout.
« On essaie de faire des raccourcis et c’est normal, mais je rappellerais qu’en Europe, plusieurs pays sont allés beaucoup plus loin dans les interdictions et ce n’est pas le cas du Québec, pas question de légiférer sur l’espace public », a-t-il déclaré.

M. Couillard a également balayé les critiques formulées par les partis politiques de l’Ontario voisin. « Ça montre qu’il y a des différences dans la façon dont nos sociétés voient ces choses, ou comment ça se passe dans les autres sociétés », a-t-il commenté.
Le premier ministre a soutenu qu’au Québec, une « large majorité » est d’accord sur le fait de se parler et communiquer à visage découvert, particulièrement dans les services publics, et que les demandes d’accommodement religieux doivent être encadrées. « C’est la façon dont le Québec veut développer sa société. Je comprends qu’il peut y avoir des différences, mais le Québec est dans les faits une société différente. »
Pourtant, au Québec même, outre le rejet de l’opposition à l’Assemblée nationale, les municipalités constatent que la loi no 62 est tout simplement inapplicable. L’Union des municipalités du Québec (UMQ) estime que la nature et la grande diversité des services municipaux compliqueraient la mise en œuvre de cette loi et qu’elle « créera de nombreux malaises et problèmes au lieu de favoriser le vivre ensemble ».
Pour le président de l’UMQ et maire de Sherbrooke, Bernard Sévigny : « Ce que l’on souhaite, c’est de trouver des solutions pour une meilleure intégration des immigrants, une meilleure gestion de la diversité et une plus grande inclusion. »
(Avec CP)
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