Selon un projet pilote au gouvernement canadien lancé en avril dernier, le fait de cacher les noms à consonance ethnique dans les curriculum vitae n’a eu aucune incidence réelle sur ceux qui ont été sélectionnés parmi les demandeurs d’emploi dans la fonction publique fédérale.
Un rapport publié mardi par la Commission de la fonction publique montre que les candidats appartenant à une minorité visible ont été présélectionnés à peu près au même pourcentage que les autres lors d’un processus de recrutement dit sans nom (46 %) par rapport au processus traditionnel (47 %).
« Pour les minorités visibles, les résultats n’ont indiqué aucun effet significatif sur les décisions de sélection des demandes », conclut le rapport.
Mieux refléter la diversité du pays au sein du gouvernement central

Le président du Conseil du Trésor, Scott Brison – Photo: Radio-Canada
Le gouvernement fédéral canadien annonçait le printemps dernier qu’il voulait découvrir si le fait de cacher les noms des personnes postulant pour des emplois dans la fonction publique améliorerait ses pratiques d’embauche et favoriserait la diversité et l’inclusion.
La nouvelle pratique consistait à retirer des formulaires de demande d’emploi les noms et autres informations permettant l’identification des candidats, comme l’adresse courriel et le pays d’origine, afin de combattre les préjugés à l’endroit des gens de différentes origines, notamment les nouveaux arrivants.
La méthode a été testée sur des offres d’emploi affichées à l’externe par 17 ministères et lors de 27 processus d’embauche externes entre avril et octobre 2017. Elle comptait un échantillon de 2226 demandeurs, dont 685 membres de minorités visibles (un peu moins de 31%).
Dans un communiqué publié cette semaine, le président du Conseil du Trésor, Scott Brison, a qualifié ce projet pilote de «révolutionnaire» et ses résultats d’exemplaires. Une affirmation de nature à faire sursauter certains spécialistes de l’embauche.
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Ce projet pilote mis sur pieds par la Commission de la fonction publique comparait les résultats des processus de sélection traditionnels au recrutement anonyme. © iStockphoto
Des conclusions un peu hâtives ou trop peu critiques?
Bien que les résultats ne révèlent aucun biais, le rapport indique que les examinateurs savaient qu’ils participaient au projet de recrutement aveugle et que « cette sensibilisation aurait pu avoir une incidence sur leur évaluation ».
Étant donné que le nombre de candidats qui se sont déclarés Autochtones (73 % ou 3 %) ou handicapés (102 % ou 5 %) était faible, l’analyse s’est limitée aux minorités visibles.
Les résultats de cette enquête ne semblent pas cadrer avec les conclusions tirées dans le passé par des candidats à l’emploi appartenant à des groupes ethniques.
Une étude menée en 2011 dans la fonction publique australienne a révélé d’autre part que les candidatures dépersonnalisées à l’étape de la présélection ne semblaient pas dans les faits contribuer à promouvoir la diversité.
« En fait, lorsque tous les renseignements sur les candidats ont été rendus disponibles, les évaluateurs ont fait preuve de discrimination en faveur des candidates et des candidats des minorités visibles », peut-on lire dans le rapport australien.
En octobre 2015, la fonction publique du Royaume-Uni a mis en œuvre un recrutement sans aveu pour réduire les préjugés inconscients et stimuler la diversité, mais aucun examen systématique de l’impact n’a encore été effectué.

Youcef ou Saddam est plus souvent chômeur que Joseph au Québec. Photo : Radio-Canada/Thomas Gerbet
Le visage québécois de la discrimination à l’embauche
La discrimination à l’emploi est visible dans les dernières données de Statistiques Canada. Ainsi, dans la communauté magrébine, le taux de chômage est trois fois plus élevé que la moyenne.
Les nouveaux arrivants, hommes ou femmes, dont beaucoup ont été acceptés dans le pays en raison de leurs compétences professionnelles, continuent à être victimes de discrimination sur le marché du travail québécois.
Une étude réalisée en 2012 par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse montre que les chercheurs d’emploi de la région de Montréal ont 60 % plus de chances d’être invités à un entretien d’embauche s’ils possèdent un patronyme franco-québécois plutôt qu’africain, arabe ou latino-américain. La Commission a utilisé le « testing », une méthode de mesure des discriminations utilisée en Amérique du Nord et en Europe depuis plusieurs décennies et qui consiste à envoyer des curriculum vitae fictifs aux employeurs.
Une autre étude l’automne dernier de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) révèle que les immigrants possèdent dans l’ensemble un niveau de scolarité plus élevé que les Canadiens d’origine. Pourtant, en 2012, les immigrants gagnaient moins bien leur vie que les natifs et connaissaient davantage le chômage.
Leur revenu représentait en moyenne 82,9 % de celui des personnes non immigrantes durant la période 1996-2013. Toutefois, les données compilées par l’IRIS montrent que le salaire d’une personne immigrante a tendance à augmenter avec les années pour se rapprocher de celui des natifs. De 2006 à 2015, le taux de chômage s’est élevé à 5,8 % en moyenne pour la population née au Canada, contre 11,2 % pour les immigrants reçus.
RCI avec La Presse canadienne et la contribution de Kathleen Harris de CBC
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