Les géants du web, tels Amazon, doivent payer leurs justes parts d'impôts, soutient le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Photo : Reuters/Brian Snyder

Amazon annonce plus de 600 emplois à Ottawa : manège pour faire oublier l’idée de taxer ses ventes?

Les nouveaux emplois annoncés par le géant du commerce en ligne seront principalement dans son nouveau centre d’expédition à Orléans, dans la périphérie est d’Ottawa, en Ontario. L’ouverture de ce nouveau centre porte à cinq le nombre de centres d’expédition de produits commandés en ligne vers le client en Ontario. Des emplois sont créés alors que les Canadiens gardent toujours au travers de la gorge la décision d’Ottawa de ne pas taxer les ventes d’Amazon, comme celles des autres géants du commerce en ligne que sont : Google, Apple, Netflix, etc.

Ontario : la plaque tournante des affaires au Canada

Si l’Ontario demeure le lieu d’investissements de rêve pour les opérateurs économiques, c’est parce qu’elle est considérée comme le poumon économique du pays. La ville de Toronto, la plus grande ville du pays, la quatrième en importance en Amérique du Nord, à elle toute seule, a généré le cinquième du PIB du Canada entre 2009 et 2013.

En 2013, soit la dernière année pour laquelle Statistique Canada a analysé les données, Toronto a contribué pour plus de 330 milliards de dollars à l’économie du pays. C’est presque l’équivalent du produit intérieur brut (PIB) de la province de l’Alberta.

Le centre-ville de Toronto vu des bureaux de la compagnie dans la métropole canadienne choisie parmi 238 candidatures pour abriter le 2e siège social d’Amazon. Photo : Radio-Canada/Claudine Brûlé

Amazon semble avoir saisi l’importance stratégique de la province, d’où l’ouverture de quatre magasins, notamment à Brampton, Mississauga, Milton, et l’annonce d’un cinquième à Orléans.

« Pour Amazon, l’Ontario demeure un excellent endroit où faire des affaires et nous nous réjouissons d’ajouter un centre d’expédition dans la région de la capitale nationale . Notre capacité de croître en Ontario et de créer plus de 600 nouveaux emplois résulte de deux choses : une clientèle incroyable et une main-d’œuvre exceptionnelle. Amazon est résolue à offrir d’excellentes possibilités d’emploi ainsi qu’à générer des retombées économiques positives dans cette région. » – » Glenn Sommerville, directeur des opérations canadiennes d’Amazon.

Le géant américain de la vente sur Internet est en train de quadriller les provinces stratégiques du pays, à travers ses investissements qui ciblent, en plus de l’Ontario, le Québec, la Colombie-Britannique et l’Alberta. Les 600 nouveaux emplois, qui seront créés à la suite de l’ouverture de son centre d’Orléans, viendront s’ajouter aux 2000 qui existent déjà dans ses installations de Brampton, Mississauga et Milton. C’est une nouvelle réjouissante pour le tout nouveau premier ministre de l’Ontario Doug Ford, qui vient de prendre les rênes de cette province en proie à plusieurs difficultés d’ordre économique.

« Nous félicitons Amazon d’avoir réalisé cet investissement et nous nous réjouissons d’apporter notre contribution pour aider d’autres employeurs de choix à créer et à maintenir de bons emplois dans notre province. L’Ontario est prêt à faire des affaires » –Doug Ford, premier ministre de l’Ontario.

Une boîte d’Amazon Photo : Radio-Canada/François Joly

Des emplois et des promesses d’avantages sociaux : assez pour faire avaler la pilule amère de la non-taxation des ventes d’Amazon aux Canadiens?

Au Canada, Amazon compte plus de 6000 employés dans des bureaux, des centres de développement et d’autres installations. La compagnie promet des salaires horaires compétitifs, la couverture pour les soins médicaux, dentaires et oculaires, un Régime enregistré d’épargne retraite collectif, un régime d’attribution d’actions et de primes de rendement dès le premier jour de travail de ses employés.

Bien plus, Amazon va jusqu’à promettre de soutenir d’anciens membres des Forces armées qui font la transition de la vie militaire à la vie civile, à la fois au sein de l’entreprise et de la collectivité. L’entreprise a fait du recrutement d’anciens membres de l’armée un objectif avec une équipe d’anciens militaires ayant pour tâche principale de recruter d’anciens soldats pour poursuivre leur carrière dans ses centres.

En bref, Amazon offre de bonnes et généreuses perspectives d’investissements et d’emplois salariés au Canada, pour un chiffre d’affaires qui s’annonce colossal pour ce géant sur le sol canadien. Pourtant, en retour, la part fiscale du pays sur ses ventes demeure à zéro.

Pour le moment, Ottawa traîne toujours les pieds en ce qui a trait à la taxation du géant du numérique, alors que l’Union européenne ne veut laisser de côté aucune possibilité de tirer profit d’une taxation équitable des multinationales en ligne.

À titre d’exemple, Amazon a été contrainte de conclure il y a quelques mois une entente avec les administrations fiscales française et italienne pour payer rétroactivement et de manière progressive ses arriérés de taxes pouvant couvrir jusqu’à cinq années. Ce qui représente une source de revenus substantiels pour ces deux pays.

La ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly Photo : La Presse canadienne/Ben Nelms

Pour ce qui est du Canada, le gouvernement a fait savoir à maintes reprises qu’il ne souhaitait pas imposer une hausse des taxes à la classe moyenne canadienne, d’où l’idée de concéder un avantage fiscal aux multinationales d’Internet. Une idée qui est reçue avec un grain de sel par une bonne partie de la population qui considère que « le gouvernement entretient une injustice commerciale et une iniquité fiscale en permettant aux géants américains du web de faire des affaires au Canada sans exiger de taxes ».

Certains vont même jusqu’à soupçonner le gouvernement Trudeau d’entretenir des relations opaques avec les multinationales en ligne qui lui ouvrent toutes sortes de possibilités pour ses publicités politiques sur Internet, alors que pendant ce temps l’Europe met la main à la pâte pour établir la justice fiscale avec ces grosses compagnies commerciales.

De plus en plus de Canadiens achètent en ligne. En 2014, ils étaient 80 % à privilégier le commerce sur Internet . Photo : Radio-Canada

De son côté, Amazon a toujours considéré que l’idée selon laquelle elle ne paie pas de taxe au Canada est fausse, car c’est à travers son site que la plupart des achats en ligne des Canadiens à l’étranger sont effectués. L’entreprise dit déclarer toutes ces transactions au gouvernement et rembourser toutes les taxes de vente perçues.

Malgré tout, les Canadiens ne sont pas dupes, car ils estiment que si le gouvernement fédéral a conclu une entente secrète avec certains des géants du web à l’instar de Netflix, et que si l’essentiel de ses communications avec les géants du web est dissimulé, c’est parce qu’il y a anguille sous roche, un mystère que bon nombre d’entre eux veulent percer.

RCI avec Amazon et Radio-Canada

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Catégories : Économie, Politique, Société
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