Photo Credit: Associated Press/Judi Botton

Le Canada peut-il se passer de l’ALENA?

La situation se corse entre Donald Trump et Justin Trudeau en ce qui concerne l’éventuelle signature d’un nouvel accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Le premier ministre Justin Trudeau vient d’ailleurs de qualifier son homologue américain de « briseur de règles ». Mais quels sont les risques pour le Canada en cas d’échec des pourparlers? On en discute avec Rémi Bachand, professeur au Département des sciences juridiques de l’UQAM.

Alors que les États-Unis et le Mexique se sont entendus sur un nouvel accord de libre-échange, le Canada est présentement en pourparlers à Washington.

« Ce n’est pas clair encore que l’accord avec le Mexique et les États-Unis soit légal au niveau du droit étasunien, affirme en entrevue Rémi Bachand. Le Congrès américain peut occasionnellement céder certains de ses pouvoirs au président, comme il l’a déjà fait dans le cadre des renégociations de l’ALENA, mais cela concernait une renégociation de l’accord à trois. C’est pourquoi on est en droit de se questionner sur le fait de savoir si un nouvel accord à deux serait légal. »

La ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, est en ce moment à Washington pour faire avancer le dossier. La tension monte puisque Justin Trudeau a qualifié Donald Trump de « briseur de règles ». Une situation inédite.

« En effet, les mots du premier ministre sont forts, souligne le professeur. Toutefois, il était temps que quelqu’un les dise, car il existe une certaine ironie dans le fait que Donald Trump cherche à négocier de nouvelles ententes alors que lui-même ne semble pas respecter celles qui existent. À quoi bon faire des concessions et embarquer dans un nouvel accord de droit international quand on sait que l’autre partie ne respectera pas les règles dès que ce ne sera plus dans ses intérêts. »

Écoutez

Selon M. Bachand, une opposition importante commence à s’organiser contre les politiques de Donald Trump. « Quand il critique l’OMC [Organisation mondiale du commerce] ou l’ALENA, il y a des gens au Congrès qui ne sont pas forcément de son avis. Il y a une forte volonté au Congrès de garder le Canada comme un partenaire économique. Le président peut bien dire ce qu’il veut, mais on verra bien s’il sera capable de faire accepter ses opinions auprès des instances nationales. »

Les réactions épidermiques de Donald Trump montrent une méconnaissance flagrante du droit étasunien, croit le professeur. « La majorité des accords de libre-échange nécessitent des modifications au niveau du droit interne qui doivent être faites par le Congrès. Si le président décide de sortir de l’ALENA au regard du droit international, ce serait sans doute possible, mais pas au regard du droit national. »

À la question de savoir si le Canada peut se passer d’un ALENA, M. Bachand répond qu’en cas d’échec des pourparlers, le pays devra revoir ses politiques en la matière. « Plus d’ALENA signifierait des changements majeurs et une réorganisation de notre économie. Néanmoins, cela pourrait forcer le Canada et le Québec à mettre en place des stratégies alternatives de développement économique. Depuis plusieurs années, on réfléchit en fonction des exportations et en fonction du marché étasunien. Une réorganisation de l’économie nous obligerait à penser davantage en matière de marché interne ou à aller chercher d’autres partenaires. À mon avis, ce serait une bonne chose. »

Rémi Bachand, professeur au Département des sciences juridiques de l’UQAM

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Catégories : Économie, International
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