Oie blanche au Cap Tourmente

Oies blanches au Cap Tourmente
Photo Credit: Carl Boivin

Les catastrophes naturelles nuisent-elles à la migration des oiseaux?

L’hiver approche. Comme chaque année, les oies blanches du Québec sont sur le point d’entreprendre leur migration vers le sud des États-Unis en Caroline du Nord. Or, l’État de la côte est vient d’être ravagé par l’ouragan Florence. Quelles sont les conséquences d’une telle catastrophe sur la migration des oiseaux? Et dans un contexte plus général, à quel point les changements climatiques bouleversent-ils les déplacements? On en parle avec Joël Bêty, professeur en biologie à l’Université du Québec à Rimouski.

On le sait. Certaines espèces animales migrent. Un besoin biologique qui permet la survie d’une multitude d’êtres vivants. « Prenons l’exemple de la naissance d’un oiseau, mentionne en entrevue Joël Bêty. Très tôt après sa naissance, il doit se nourrir pour grandir. Après un certain temps, il arrive parfois que l’endroit où l’individu est né ne soit plus propice à sa survie. Dans bien des cas, des espèces sont forcées de se déplacer pour pouvoir survivre. Elles ne peuvent pas rester. Ce sont les modifications de températures dans un habitat ou dans un milieu de vie qui est le déclencheur principal de la migration. »

La migration s’illustre par des déplacements répétés et réguliers d’un endroit à un autre, ajoute le biologiste. « Toujours chez les oiseaux, il y a des espèces qui vont migrer sur quelques centaines de kilomètres et d’autres sur des milliers de kilomètres, de leur lieu de naissance ou de reproduction jusque dans des régions dans lesquelles elles vont passer l’hiver. »

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Parmi les espèces emblématiques du Canada qui migrent, on retrouve les canards ou les oies, dont l’oie des neiges. « Elles sont allées se reproduire au nord des terres de Baffin et passent par le Québec durant leur migration. Elles s’arrêtent ici pour faire le plein d’énergie. Les jeunes qui sont nés dans l’Arctique sont toujours en croissance. Le Québec est donc une halte sur un long trajet en direction de la côte est des États-Unis. Le retour des oies pour aller nicher dans l’Arctique se fait au printemps suivant. »

À ce titre, le biologiste rappelle que les changements climatiques ont des effets sur la migration des oiseaux.

« C’est aujourd’hui assez bien documenté à l’échelle internationale. Avec un réchauffement global des températures, on constate des changements dans le comportement migratoire des oiseaux. Généralement, les espèces qui migrent sur de plus courtes distances vont répondre plus facilement et vont migrer plus tôt dans l’année. Le grand défi pour les oiseaux migrateurs, c’est d’arriver à un endroit au bon moment, c’est-à-dire dans la période où les ressources alimentaires sont disponibles. C’est parfois plus compliqué pour les oiseaux qui migrent sur de longues distances puisqu’ils sont dépendants des transformations en ce qui concerne la durée du jour. Dans un contexte de changements climatiques, ils ne reçoivent pas les informations de changements de températures survenus à des milliers de kilomètres de distance. »

Carte de la migration de la grande oie des neiges (Crédit photo : Radio-Canada)

Selon M. Bêty, on retrouve des cas extrêmes où des espèces vont même arrêter de migrer! « Quand la température atteint un certain niveau, les conditions peuvent être suffisantes pour permettre à une espèce d’être résidente. Les conditions sont devenues assez favorables. Il y a une certaine forme d’adaptation, soit à travers les générations via la sélection naturelle, soit dans l’apprentissage des individus. Mais le problème, c’est souvent la vitesse à laquelle les changements s’opèrent en milieu naturel. Les adaptations peuvent subvenir quand les espèces ont un certain temps pour réagir. Lorsque les changements ou les perturbations sont trop rapides, cela ne laisse pas de temps aux espèces de s’adapter, ce qui peut causer une montée de la mortalité ou une baisse des naissances. »

Les choses se compliquent en cas de catastrophes naturelles. « Parce qu’elles ont accès à moins de réserves que les plus grosses espèces d’oiseaux, les plus petites espèces, tels les passereaux, sont plus vulnérables aux événements extrêmes. Ils peuvent être repoussés dans des zones moins propices à la survie. On sait que les événements extrêmes sont plus importants dans un contexte de changements climatiques. Les oiseaux migrateurs ne sont pas capables de s’adapter. Il y a alors des conséquences importantes sur la survie de ces espèces », conclut le biologiste.

Joël Bêty, professeur en biologie à l’Université du Québec à Rimouski (Crédit photo : Michel Dompierre)

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Catégories : Environnement et vie animale
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