La version saoudienne selon laquelle le journaliste serait décédé parce que l’interrogatoire a dérapé semble fausse, car il s’agirait, selon des indices rapportés par plusieurs médias, d’un meurtre crapuleux. Le journaliste aurait été assassiné de sang-froid.
Photo Credit: Reuters/Courtoisie/Amir Levy

Affaire Khashoggi : que cachent les réactions tièdes du Canada et des États-Unis?

La disparition du journaliste Jamal Khashoggi continue de retenir l’attention dans le monde. Le flou persiste toujours en ce qui a trait à la responsabilité de l’Arabie saoudite, mais le Canada et ses alliés disent continuer d’explorer les indices pour rétablir les faits. De nombreux médias internationaux indiquent que ces indices semblent placer le régime du prince héritier Mohammed ben Salmane au centre de cette affaire.

RCI avec Radio-Canada

Une réaction trop prudente de la part du Canada?

Dans une entrevue avec Alain Gravel, animateur de l’émission matinale Gravel le matin, sur ICI PREMIÈRE, dans le grand Montréal, la ministre des Affaires étrangères du Canada, Krystia Freeland, a fait part de la détermination du pays et de ses alliés à poursuivre les investigations pour tenter de comprendre ce qui s’est réellement passé.

La ministre a souligné l’importance d’établir les responsabilités et de punir les coupables dans ce dossier qu’elle juge très grave.

Plusieurs indices décortiqués par la presse montreraient que le journaliste aurait été assassiné au consulat de l’Arabie saoudite à Istanbul, avant d’être transféré au domicile du consul où son corps aurait été démembré et dissous dans de l’acide.

Les nombreux photographes de presse photographient les enquêteurs médico-légaux turcs, qui sortent des véhicules pour entrer dans le domicile du consul saoudien en Turquie.

Les enquêteurs médicolégaux turcs à leur arrivée au domicile du consul saoudien. Photo : Reuters/Osman Orsal

Ce qui a été présenté au départ comme un interrogatoire qui aurait mal tourné s’apparente désormais à un crime crapuleux.

Il est à présent question de savoir qui a donné l’ordre d’assassiner le journaliste.

La ministre Freeland n’a pas voulu accuser sans preuve concrète le régime du prince héritier, mais a tenu à rappeler que les coupables ne resteront pas impunis. Une position jugée plutôt tiède par le journaliste Alain Gravel, qui croit que la prudence affichée par la ministre Freeland viserait peut-être à éviter de jeter de l’huile sur le feu des relations déjà fragilisées ces derniers temps entre le Canada et l’Arabie saoudite.

« J’ai parlé lundi avec le ministre des Affaires étrangères de la Turquie et nous sommes très au courant de la situation », a expliqué Mme Freeland.

« Une enquête transparente est absolument nécessaire », a-t-elle ajouté, soulignant que le « Canada est prêt à soulever des enjeux concernant les droits de l’homme avec tout le monde, y compris l’Arabie saoudite. »

Le secrétaire d'État américain Mike Pompeo discute avec le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane.

Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo s’est entretenu avec le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane, le 16 octobre. Photo : AFP/Getty Images/LEAH MILLIS

Les États-Unis cherchent-ils à protéger l’allié stratégique saoudien?

La disparition du journaliste saoudien le 2 octobre soulève la colère de ses confrères partout dans le monde et de personnalités de haut rang. C’est ainsi que des représentants de plusieurs grands médias, notamment aux États-Unis et en Europe, tout comme ceux de certains pays et organisations internationales ont décidé de boycotter la grande conférence économique prévue en à Riyad du 23 au 25 octobre.

Cette conférence qualifiée de « Davos saoudien » présente un enjeu stratégique pour le prince héritier. Il compte s’en servir pour attirer des investisseurs étrangers, nouer de nouveaux partenariats et promouvoir la croissance économique dans son pays. Parmi les personnalités qui ont décidé de boycotter le sommet figurent Christine Lagarde, la présidente du Fonds monétaire international (FMI), et Laurence D. Fink, le PDG de BlackRock, le plus grand gestionnaire de portefeuilles du monde.

Si certains journaux américains de grande influence ont aussi boycotté le sommet, la position de la Maison-Blanche semble des plus ambiguës.

Il y a certes un doute qui plane toujours sur les responsabilités de l’Arabie Saoudite dans ce dossier. Et la tiédeur de la rencontre entre le secrétaire d’État américain Mike Pompeo et le prince Mohammed ben Salmane, pour tenter de faire la lumière sur le crime, fait dire aux experts politiques que les États-Unis ont fait preuve de « complaisance » et chercheraient plus à protéger l’allié saoudien qu’à véritablement élucider les circonstances de la disparition de M. Khashoggi.

Donald Trump parle au micro.

Le président Donald Trump a demandé à la Turquie de produire les enregistrements qu’elle détiendrait sur l’assassinat de Jamal Khashoggi, s’ils existent. Photo : Reuters/Yuri Gripas

À l’issue de sa rencontre avec le prince saoudien et le président Recep Tayyip Erdogan, ainsi qu’un chef des services secrets de Turquie, Mike Pompeo a présenté un compte rendu au président Trump.

Il indique notamment que le prince a affirmé qu’il ouvrirait une enquête transparente pour que chacun puisse comprendre ce qui s’est réellement passé. Ce n’est qu’après cette enquête que les États-Unis pourront prendre une décision.

Certains soupçonnent les États-Unis de vouloir maquiller le crime ou de passer l’éponge dans le but de protéger son partenaire politique et économique dans la région. Ces soupçons sont davantage entretenus par les propos suivants du président Trump, tenus il y a quelques jours :

« Les ventes d’armes à Riyad chiffrées à plus de 100 milliards de dollars sont trop précieuses pour qu’on risque de les compromettre en punissant Riyad trop sévèrement […] Les États-Unis ont absolument besoin de l’Arabie saoudite dans la lutte contre le terrorisme. Particulièrement s’il s’agit d’affaires impliquant l’Iran! »

L’Arabie saoudite maintient qu’elle ignore ce qui est arrivé au journaliste lorsqu’il est entré dans son consulat le 2 octobre, et elle demande un délai supplémentaire pour mener son enquête à terme.

Donald Trump aurait approuvé cette demande. Parallèlement, plusieurs médias turcs mentionnent qu’une équipe d’enquêteurs, tous des Turcs, a mené de nouvelles investigations au consulat de l’Arabie saoudite à Istanbul pour chercher de nouveaux indices. De plus, elle envisage de publier des images compromettantes pour l’Arabie saoudite dans les prochains jours.

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