(Image : iStock/serdjophoto)

Une femme non mariée obtient une compensation de 2,3 M$ de son ex-conjoint

Dans une décision récente, le juge Robert Mongeon de la Cour supérieure du Québec a octroyé à une femme non mariée une somme de plus de 2,3 millions de dollars. À son avis, elle s’est appauvrie en s’occupant de la famille et de la maisonnée, alors que cela avait permis à son ex-conjoint de se concentrer sur ses entreprises et de devenir multimillionnaire.

L’indemnité totale à laquelle la femme avait droit était de 3,4 millions, selon les calculs du juge, mais il a déduit de cette somme certains avantages financiers qu’elle a reçus ou conservés, pour en arriver à ces 2,3 millions que l’homme devra payer.

Rappelons que cette décision marque un point tournant en ce qui concerne les droits des ex-conjoints de fait au moment de la séparation, car contrairement aux autres provinces du Canada, le Québec ne reconnaît pas aux conjoints de fait le droit de demander une pension alimentaire lors de la séparation. Une affaire de la Cour suprême du Canada en 2013 a soulevé beaucoup de débats sur la question. Il s’agit de la décision Éric c. Lola, qui portait sur la séparation de deux conjoints de fait dont l’homme était multimillionnaire

Au Québec, les conjoints de fait ne bénéficient pas de certaines protections réservées aux couples mariés, notamment en cas de séparation ou de décès. Par exemple, un conjoint de fait n’a pas le droit au partage des biens en cas de séparation, pas plus qu’à une pension alimentaire pour lui-même.

Pour qu’on lui accorde la compensation dans le cas actuel, la femme a plaidé la cause de l’enrichissement injustifiée. Dans sa décision, le juge Mongeon a expliqué qu’en 2018, tous s’accordent à dire que les conjoints de fait ont droit à une meilleure protection et à une plus grande reconnaissance de leurs droits de la part du système judiciaire.

L’assouplissement des critères d’octroi d’une compensation entre conjoints de fait n’a qu’un seul but : trouver un moyen de faire coller le droit à la réalité socio-économique du XXIe siècle.Juge Robert Mongeon de la Cour supérieure du Québec
L'histoire du couple dont il est question dans le jugement Mongeon

[Madame] A et [Monsieur] B ont vécu en union de fait pendant 16 ans.  Au début de leur relation, ils étaient tous deux employés, elle auprès de [la Compagnie A], lui dans [le domaine A], chacun gagnant un salaire plutôt modeste, mais leur permettant de bien vivre.  Au début de leur union, ils n’avaient, pour ainsi dire, que fort peu d’actifs nets. Lors de leur séparation, madame A pourra compter sur certains actifs principalement constitués de la moitié indivise de la résidence familiale, d’un régime de retraite, d’une gratification de quelque 160 000,00$ que lui versera monsieur B en plus d’un salaire annuel d’environ 45 000,00 $, tandis que monsieur B pourra constater qu’il est devenu multimillionnaire durant cette même union suite à la création d’une société qui a révolutionné [le secteur A].  Cette société (dont il était propriétaire à 40%) a été vendue en 2011 pour un montant de plus de 60 millions $.  Monsieur B a donc reçu au début 2012 un capital important de 17 millions $ qu’il a su faire fructifier et qui valait, en date du début de l’instruction, environ 25 millions $.  Trois mois après avoir touché le produit de la vente de l’entreprise, il a informé madame A qu’il la quittait.  Aujourd’hui, B est totalement indépendant de fortune et n’a plus besoin de travailler. 

Le juge Mongeon pose aussi posé la question suivante dans son jugement :

Doit-on y voir une évolution normale des choses alors que, traditionnellement, on ne pouvait penser à de telles obligations qu’entre gens liés par les liens sacro-saints du mariage, et qu’aujourd’hui force est de constater que la majeure partie des unions entre personnes évoluent à l’extérieur d’un cadre marital ou d’une union civile?  Cela est fort possible.

Ce sont des questions que la société québécoise devra se poser. Pour l’instant, ce jugement du juge Robert Mongeon crée jurisprudence dans la province francophone.

RCI avec des informations de la Presse canadienne et de la Cour supérieure du Québec. 
Catégories : Société
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