Le premier gène responsable de grossesses môlaires à répétition a été découvert en 2006 : c’est le gène NLRP7. Des chercheurs canadiens du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) ont découvert des mutations dans trois nouveaux gènes : MEI1, TOP6BL/C11orf80 et REC114, chez des patientes ayant eu des grossesses môlaires sans chromosomes maternels et des fausses couches à répétition. Cette nouvelle découverte lève pour la première fois le voile sur la genèse de cette anomalie. Rima Slim, professeure agrégée à l’Institut de recherche de ce centre, en parle au nom de ses collègues qui ont contribué à la recherche intitulée : Causative genes and mechanism of androgenetic hydratidiform moles.
Rima Slim et ses collègues ont été interpellés par le supplice des femmes qui présentent des grossesses sans embryons. Ce qu’on appelle des grossesses môlaires, affirme la professeure agrégée.
Mme Slim souligne que le travail de collaboration entre chercheurs de l’Institut de recherche du CUSM, du Centre hospitalier de l’Université de Montréal, et de bien d’autres professionnels en Inde, en Turquie et aux États-Unis, a permis de trouver trois gènes qui seraient responsables de ces grossesses jugées non viables, qui s’implantent dans l’utérus.

Le ventre d’une femme enceinte Photo : iStock
Les résultats de leur étude, publiés dans la revue The American Journal of Human Genetics, ouvrent de belles perspectives en ce qui a trait aux pistes de solution à ces types de grossesses fortement douloureuses pour les porteuses et leurs familles, surtout dans le contexte actuel où les causes génétiques de la plupart des formes de pertes foetales restent très peu connues.
De telles grossesses peuvent devenir subitement une épreuve, voir un fardeau pour les couples, étant donné qu’elles peuvent se transformer en tumeurs bénignes ou dégénérer en cancer dans certains cas.
ÉcoutezAu Québec, environ une grossesse sur 600 est une grossesse môlaire, et la moitié d’entre elles se produisent malgré une absence totale de chromosomes maternels. En raison d’un déséquilibre dans le nombre de chromosomes fournis par la mère et le père, seul le placenta se développe anormalement et forme une tumeur qui, dans 15 à 20 % des cas, peut conduire à un cancer de forme maligne. La grossesse môlaire est la forme la plus courante de toutes les maladies du placenta (ou maladies trophoblastiques).
« Nos découvertes lèvent pour la première fois le voile sur un mécanisme de la genèse de cette anomalie et établissent un lien entre les mutations de trois gènes et les grossesses môlaires et les fausses-couches à répétition, de même qu’avec l’infertilité féminine et masculine, observées chez certaines patientes et leurs familles. Grâce à l’identification de ces trois nouveaux gènes, nous espérons pouvoir procéder à davantage de tests d’ADN pour les patientes afin de prévenir la répétition d’une grossesse môlaire et d’offrir un meilleur conseil génétique et une meilleure prise en charge du couple », explique la professeure Slim, chercheuse au sein du Programme en santé de l’enfant et en développement humain (SEDH) de l’IR-CUSM et professeure agrégée dans les départements de génétique humaine et d’obstétrique et gynécologie à l’Université McGill.
Résolution d’une énigme scientifique qui date de 40 ans
Les impacts de cette étude seront nombreux, relève Rima Slim.
En plus de résoudre une énigme vieille de plus de 40 ans sur les causes réelles des grossesses môlaires, les tests effectués sur les femmes porteuses de ces types de grossesses sans présence de chromosomes maternels s’amélioreront.
Après les tests, les soins prodigués aux femmes seront donnés avec plus de précision, avec une prise en charge personnalisée en reproduction assistée.
En sachant que leurs ovocytes ne peuvent pas permettre des grossesses normales, cela facilitera la prise en charge des femmes qui doivent bénéficier d’un don d’ovocyte.
Toutefois, la professeure indique que dans leur étude, les chercheurs ont analysé un nombre réduit de patientes et elle recommande que d’autres études soient réalisées sur un nombre plus important de femmes pour savoir si un don d’ovocyte leur permettrait de mener à terme une grossesse normale.
Dans leur nouvelle étude, la professeure Slim et ses collègues ont découvert des mutations dans les gènes MEI1, TOP6BL/C11orf80 et REC114 chez des patientes ayant eu des grossesses môlaires sans chromosomes maternels et des fausses couches à répétition. Les chercheurs ont approfondi leurs travaux sur les mutations du gène Mei1 dans un modèle animal, afin de comprendre comment ce gène entraîne la perte des chromosomes maternels dans ce type de grossesses. L’objectif était de voir si une souris porteuse d’un gène Mei1 défectueux produisait des ovocytes (ovules) n’ayant pas de chromosomes maternels. La recherche visait également à découvrir quand et comment ces ovocytes perdaient leurs chromosomes. Des questions demeurées sans réponse depuis que les grossesses môlaires ont été décrites pour la première fois en 1977. « Le modèle animal a joué un rôle très important pour comprendre comment se produisent ces grossesses môlaires sans chromosomes maternels », ajoute la professeure Teruko Taketo, coauteure de l’étude et chercheuse au sein du programme SEDH à l’IR-CUSM, qui a permis à l’équipe de suivre le développement des ovocytes de souris (avec le gène Mei1 supprimé), durant leur maturation in vitro. Photo : iStock Les chercheurs ont suivi le développement d’ovocytes chez des souris chez qui le gène Mei1 avait été supprimé. Chez certaines de ces souris, l’absence de ce gène conduisait à une fécondation avec un nombre anormal de chromosomes maternels, il n’y avait donc pas d’implantation dans l’utérus, et cela entraînait une infertilité. Dans d’autres cas, les ovocytes étaient vides parce qu’ils avaient perdu tous leurs chromosomes. Mais la fertilisation de ces ovules était encore possible. Ces chercheurs ont procédé au séquençage des gènes des 68 patientes. Ces femmes avaient eu des grossesses môlaires à répétition et n’étaient pas porteuses des deux gènes déjà connus pour entraîner ces anomalies. Le séquençage a permis à l’équipe de la professeure Slim de trouver huit patientes chez qui l’un des trois gènes découverts dans l’étude présentait des anomalies. Des partenaires au Québec, ainsi que d’autres en Inde, en Turquie et aux États-Unis, ont participé à l’étude en référant leurs patientes.À lire aussi :
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