L’organisme québécois d’éducation à l’environnement, ENvironnement JEUnesse, a déposé une demande d’autorisation à la Cour supérieure du Québec afin d’exercer une action collective au nom de tous les jeunes de 35 ans et moins du Québec contre le gouvernement du Canada.
Représenté pro bono par le cabinet Trudel Johnston & Lespérance, l’organisme allègue que le gouvernement du Canada brime les droits fondamentaux d’une génération. Il contrevient aux droits des jeunes d’une part parce que sa cible de réduction de gaz à effet de serre n’est pas suffisamment ambitieuse pour éviter des changements climatiques dangereux, et d’autre part, parce que ses actions ne permettent pas l’atteinte de cette cible pourtant déjà insuffisante.
Si le gouvernement continue dans cette voie, cette génération et celles à venir subiront les conséquences graves des changements climatiques, les privant ainsi de leur droit à un environnement sain et à la protection de la biodiversité, de leur droit à la vie et à la sécurité, et de leur droit à l’égalité.Communiqué d'ENvironnement JEUneusse
Photo animée : ©ENvironnement JEUnesse
Première étape d’une procédure judiciaire de plusieurs années
Pour obtenir l’autorisation de la cour de porter la cause devant les tribunaux, ENvironnement JEUnesse a dû démontrer à la Cour supérieure du Québec qu’il existe une apparence de droit, c’est-à-dire qu’à première vue, les faits allégués, s’ils sont prouvés dans un procès au mérite, peuvent justifier les conclusions recherchées, soit que la cible et les actions insuffisantes pour lutter contre les changements climatiques briment plusieurs droits fondamentaux.
Grandes étapes du processus
- Le délai pour obtenir un jugement sur la demande d’autorisation de l’action collective est d’environ un an. Si la demande d’autorisation n’est pas accueillie, ENvironnement JEUnesse peut faire appel de plein droit.
- Si la demande est accueillie, le gouvernement peut interjeter appel, mais seulement en obtenant la permission de la Cour d’appel. Un appel ajouterait environ un an aux délais.
- Par la suite, le dossier procède comme un dossier normal. Les délais peuvent varier, mais il faut compter quelques années, tout en sachant que nous ferons tout pour aller au plus vite en raison de l’urgence climatique.
L’action collective qui commence à peine inclut automatiquement les jeunes de 35 ans et moins du Québec. En 2030, un enfant de 10 ans aujourd’hui viendra tout juste de démarrer sa vie d’adulte. Ce sont les jeunes qui subiront le plus fortement et de façon disproportionnée les conséquences des changements climatiques. Ce sont les jeunes qui devront vivre avec des canicules plus longues et intenses, de la météo extrême, des inondations, des vagues de réfugiés climatiques. Ce sont les jeunes qui devront payer pour s’adapter aux conséquences. Aujourd’hui, les jeunes prennent la parole et demandent à la cour d’exiger du gouvernement qu’il respecte leurs droits. Il doit agir maintenant pour réduire le fardeau que leur génération aura à porter.
« Le gouvernement du Canada finance et protège une industrie pétrolière dont les activités dégradent l’environnement et libèrent des gaz à effet de serre. Ce faisant, il met en péril la capacité des générations futures de subvenir à leurs besoins et contribue à la souffrance des populations qui subissent déjà les conséquences du réchauffement climatique. Il est temps que mon gouvernement prenne ses responsabilités et cesse de violer les droits des jeunes. » Communiqué d'ENvironnement JEUneusse
«En 2030, les experts nous disent que nous vivrons les impacts des changements climatiques de plus grande ampleur. En 2030, j’aurai 32 ans. J’aurai peut-être un, ou deux enfants? Quel sera leur avenir? Le Canada est parmi les pays les plus polluants de la planète. Nous avons la responsabilité de réduire nos émissions de gaz à effet de serre le plus rapidement possible. Tarder à agir ne fera que rendre les conséquences des changements climatiques plus douloureuses pour moi, pour mes enfants, pour tous les jeunes et pour les générations futures. C’est fondamentalement injuste.»David Morin, 20 ans, étudiant et vice-président politiques et communications d’ENvironnement JEUnesse
Des jeunes du monde poursuivent leurs gouvernements
Plusieurs démarches similaires ont cours dans le monde, notamment aux Pays-Bas, où le gouvernement s’est vu forcé de se doter d’un plan concret pour atteindre sa cible climatique. Ce gouvernement est légalement tenu de réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 25 % d’ici 2020 par rapport aux niveaux de 1990. Des poursuites similaires ont lieu notamment aux États-Unis, en Belgique, en Norvège, en Irlande, en Nouvelle-Zélande, en Suisse, en Colombie et au Royaume-Uni.
CAS PRINCIPAUX
Urgenda Foundation c. Royaume des Pays-Bas (2013) – L’un des cas les plus réussis et inspirants en matière de recours climatiques est celui de la Fondation Urgenda, qui a poursuivi les Pays-Bas devant les tribunaux au nom de près de 900 citoyens, arguant que le gouvernement avait failli à son devoir de les protéger en adoptant des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) insuffisantes. En première instance, la Cour a déclaré en 2015 que le gouvernement avait échoué à son devoir de protéger et devrait avoir un plan pour réduire ses émissions de GES d’au moins 25 % d’ici 2020 par rapport aux niveaux de 1990. Le gouvernement a fait appel de cette décision en septembre 2015, bien qu’il avait accepté de travailler avec Urgenda pour réduire les émissions totales du pays. En octobre 2018, la Cour d’appel de La Haye a confirmé la décision historique de 2015, obligeant le gouvernement des Pays-Bas à élever son niveau d’ambition climatique et à réduire ses émissions de GES pour protéger les droits humains de ses citoyens. Le 16 novembre 2018, le gouvernement a annoncé son intention de faire appel du jugement rendu par la Cour d’appel de La Haye.
Juliana et al. c. États-Unis (2015) –En 2015, 21 jeunes et un climatologue, se faisant le gardien des générations futures, ont poursuivi le gouvernement fédéral américain et son président pour violation de leurs droits constitutionnels à la vie, à la liberté et à une protection égale, ainsi qu’à leurs droits aux ressources naturelles vitales. Our Children’s Trust (OCT) et Earth Guardians – organismes américains à but non lucratif dans le domaine de l’environnement – ont soutenu la poursuite, alléguant que l’échec du gouvernement à agir était une atteinte directe et délibérée aux droits des jeunes plaignants. En 2016, la juge Ann Aiken du tribunal de district de l’Oregon a accueilli l’affaire, déclarant que « les tribunaux fédéraux ont trop souvent fait preuve de prudence et de déférence dans le domaine du droit de l’environnement et que le monde en a souffert ». À la fois Obama et Trump ont cherché à bloquer le procès et, bien que l’affaire ait été autorisée par la Cour suprême, une partie de la suspension demandée par l’administration Trump a été accordée le 8 novembre 2018. Toutefois, les préparatifs du procès se poursuivent. Ce cas historique est en plein développement. Assurez-vous de consulter le site web d’Our Children’s Trust pour obtenir les dernières mises à jour et cet article à jour de Vox.
Pour en savoir plus sur les défis posés par les changements climatiques au Canada :
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