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Pressions sur le Canada pour resserrer ses lois sur les armes à feu après l’action rapide en Nouvelle-Zélande

La première ministre néo-zélandaise, Jacinda Ardern, s’est attiré les éloges des défenseurs du contrôle des armes à feu partout dans le monde pour son annonce rapide de nouvelles restrictions sur les armes à feu après le massacre survenu à la mosquée de Christchurch. Aujourd’hui, Ottawa subit de fortes pressions pour suivre son exemple.

Jacinda Ardern, à gauche, s’entretient avec le premier ministre canadien, Justin Trudeau, à leur arrivée pour la deuxième journée de la réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth à Windsor, en Angleterre, le 20 avril 2018. (Frank Augstein/AP Photo)

Possibilité d’interdire les armes de poing et les armes d’assaut? 

Le gouvernement canadien avait annoncé l’an dernier qu’il souhaitait étudier la possibilité d’interdire complètement les armes de poing et les armes d’assaut au Canada, « qui n’entraverait pas l’utilisation légale des armes à feu par les Canadiens ».

La tâche avait été confiée à Bill Blair, ex-chef de police de Toronto. Après ce qui s’est passé en Nouvelle-Zélande, l’échéancier que s’était fixé le ministre de la Sécurité frontalière et de la Réduction du crime organisé pourrait-il être accéléré ou même précipité? Ottawa subit des pressions très fortes pour resserrer les lois sur les armes à feu après l’intervention rapide en ce sens en Nouvelle-Zélande.

Des opposants aux armes à feu en profitent pour demander aux libéraux de Justin Trudeau de non seulement adopter les modifications au projet de loi C-71, qu’ils qualifient de timides, mais de passer à des changements plus controversés, comme l’interdiction pure et dure des armes de poing.

Le projet de loi C-71 comprend des vérifications plus approfondies des antécédents de toute personne qui présente une demande de permis de port d’armes, la tenue obligatoire de dossiers par les détaillants d’armes à feu, des changements aux règles sur l’autorisation de transport et la reclassification de deux types précis d’armes à feu.

Aide-mémoire...
La première ministre Ardern a émis une ordonnance qui interdit aux Néo-Zélandais de posséder des armes à feu semi-automatiques, avec un chargeur amovible contenant plus de cinq cartouches, comme celle utilisée lors de l’attaque terroriste du 15 mars où 50 personnes sont mortes dans deux mosquées de Christchurch.
Ardern tente maintenant d’interdire la vente d’accessoires, comme les protubérances, qui permettent à une arme à feu de tirer plus de munitions plus rapidement. La vente d’armes à feu les plus couramment utilisées par les agriculteurs et les chasseurs – comme les carabines à petits chargeurs non amovibles  demeurera autorisée.

Jacinda Ardern pleine de contrition après l’attentat de Christchurch
CHRISTCHURCH CITY COUNCIL NEWSLINE/KIRK HARGREAVES

Le Canada entre l’arbre et l’écorce

Les défenseurs des armes à feu soutiennent qu’en ciblant les soi-disant « fusils d’assaut », les militants du contrôle des armes à feu se concentrent sur ce à quoi ressemble une arme à feu plutôt que sur ses caractéristiques les plus importantes, comme la puissance de tir.

Les deux parties conviennent toutefois que le système de classification du Canada, qui regroupe les armes à feu en trois catégories – sans restriction, à autorisation restreinte et prohibées –, est désuet et arbitraire.

Au Canada, la longueur du canon, par exemple, différencie une arme de chasse, à utilisation non restreinte, d’une arme d’assaut, interdite. Des fabricants d’armes à feu ont cependant allongé le canon de certains de leurs modèles d’assaut pour pouvoir les vendre plus librement.

Découvrez à quoi pourrait ressembler un contrôle plus restreint des armes à feu au Canada

En juillet 2018, à Toronto, une jeune femme de 18 ans et une fillette de 10 ans ont été tuées et 13 personnes ont été blessées – certaines grièvement – par un homme de 29 ans armé et mentalement instable, identifié comme Faisal Hussain. Photo : CBC

Des appels à un plus grand contrôle s’intensifient

Boufeldja Benabdallah – Photo : Radio-Canada

Boufeldja Benabdallah est le président du Centre culturel islamique de Québec, lieu où le Québécois Alexandre Bissonnette a tué six musulmans il y a un peu plus de deux ans.

Le tueur avait sur lui une arme de poing, un fusil semi-automatique et plusieurs chargeurs complets lorsqu’il est entré dans la mosquée, dans la nuit du 29 janvier 2017.

Selon Boufeldja Benabdallah, sans contrôle plus strict, le Canada risque de revivre ce qui s’est passé dans les murs de sa mosquée. « Les meurtres se produisent parce que nous n’avons aucun contrôle sur ces instruments de mort et, tout simplement, parce que nous n’avons pas interdit ou sérieusement réglementé ces armes de guerre. Qu’il s’agisse d’une arme de poing ou d’un fusil d’assaut, c’est une arme de guerre qui tue », martèle-t-il.

« La grande différence, c’est que la Nouvelle-Zélande agit et que le Canada n’agit pas. Et pourtant, nous avons un gouvernement qui a promis de retirer les armes de poing et les armes d’assaut de nos rues », s’insurge Heidi Rathjen, coordonnatrice du groupe PolySeSouvient.

Le saviez-vous?
Le Canada interdit depuis longtemps la possession d’armes à feu entièrement automatiques.
Tout éventuel propriétaire d’arme à feu au Canada doit se soumettre à une vérification de ses antécédents et suivre une formation complète avant de présenter une demande de permis de possession et d’acquisition (PPA) ou de PPA restreinte et d’acheter une arme.
Le Canada limite aussi le nombre de cartouches qu’un chargeur peut contenir; selon l’arme à feu, les chargeurs sont limités à 5 cartouches sur 10.

Ce que disent les statistiques ou ce qu’on leur fait parfois dire?

De tous les crimes violents commis avec une arme à feu en 2017 au Canada, 59 % concernaient une arme de poing; 18 % une carabine ou un fusil de chasse; 6 % une arme à feu entièrement automatique, une carabine à canon scié ou un fusil de chasse; et 17 % une arme semblable ou un type inconnu d’arme à feu, selon les données présentées par Statistique Canada devant un comité du Sénat qui a étudié le projet de loi C-71.

Il existe toutefois de grandes disparités régionales dans les chiffres. Depuis 2009, par exemple, les armes de poing – dont la plupart sont illégales – ont été en cause dans 83 % de tous les crimes violents liés aux armes à feu à Toronto, comparativement à 52 % dans le reste du Canada.

« Depuis plus de 30 ans, la possession légale d’armes à feu au Canada a augmenté, mais les taux d’homicides ont diminué, a déclaré M. Mauser. Quelle est l’ampleur de la menace pour un propriétaire d’armes à feu titulaire d’un permis? Au Canada, l’orignal tue plus de gens chaque année que les propriétaires d’armes à feu enregistrés et titulaires de permis. »

LISEZ NOTRE DOSSIER SPÉCIAL : Contrôle des armes à feu au Canada : lorsque chaque camp croit avoir raison...

Le contrôle des armes à feu est un sujet qui suscite les passions au Canada et des protestations qui se transportent dans la capitale nationale. Photo : Reuters

RCI avec les informations de John Paul Tasker et Kathleen Harris de CBC News et la contribution de Michel C. Auger, Didier Oti, Claude Bernatchez et Raphaël Bouvier-Auclair de Radio-Canada

En complément

La Nouvelle-Zélande interdit les fusils d’assaut et continue d’inhumer les victimes des mosquées – Radio-Canada 

Ottawa under pressure to tighten gun laws after swift action in New Zealand – CBC 

Armes à feu : Ottawa veut rendre le processus d’achat plus difficile – Radio-Canada 

Catégories : Politique, Société
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