Le salon bleu de l’Assemblée nationale du Québec (Radio-Canada)

Le fédéral, l’opposition et des groupes sociaux contre le projet de loi de la Coalition avenir Québec sur la laïcité

La Coalition avenir Québec (CAQ) a déposé, ce 28 mars, son projet de loi 21 sur la laïcité au Québec. Ce projet de loi suscite plusieurs réactions, au sein de la société, des partis politiques provinciaux et fédéraux. Le premier ministre, Justin Trudeau, a fustigé un projet de loi qui fait l’apologie de la discrimination.

Un projet de loi contre l’intégration de certains groupes ?

François Legault – Photo : Radio-Canada

Le projet de loi met de l’avant quatre principes fondamentaux

  • Neutralité religieuse de l’État
  • Égalité de droits pour tous
  • Libertés de conscience et liberté de religion
  • Séparation entre l’État et les religions

Selon le premier ministre, François Legault, plusieurs compromis ont été faits pour rendre le projet de loi rassembleur, pourtant certaines commissions scolaires redoutent déjà son impact, s’il venait à être adopté, sur le recrutement de la main-d’œuvre enseignante qui fait défaut actuellement un peu partout au Québec.

Dans une entrevue accordée à Radio-Canada, la présidente de la Commission scolaire English-Montreal a dit sa crainte de voir plusieurs demandes futures d’étudiantes en sciences de l’éducation, qui sont actuellement en stage dans les établissements scolaires couverts par la commission, être rejetées, au motif que les personnes portent un voile ou autre signe religieux.

La liste de personnes qui se voient interdites le port de signes religieux va au-delà du consensus Bouchard-Taylor. Elle s’est élargie aux enseignants, directeurs et directeurs adjoints d’école (écoles publiques), en plus des gardiens de prison, juges, procureur général, agents de la paix, agents de la faune, contrôleurs routiers, entre autres.

Une clause reconnait cependant des droits acquis aux employés portant déjà des signes religieux ( il s’agit de personnes actuellement en postes qui conservent la même fonction dans la même organisation ).

« C’est possible de réaliser son rêve et de devenir policière ou enseignante au Québec, mais ce sera fait sans signes religieux », a affirmé le ministre de l’Immigration, Simon Jolin Barrette.

Des associations, à l’instar du groupe religieux juif, B’nai B’rith, de l’Association des musulmans et arabes pour la laïcité au Québec, ont dénoncé un projet de loi liberticide et antidémocratique, contre la liberté de religion, qui cible des groupes particuliers.

Le premier ministre Justin Trudeau. (LA PRESSE CANADIENNE/Justin Tang)

Nécessité de respecter la charte canadienne des droits et libertés

Au fédéral, le projet de loi de la CAQ est perçu par le premier ministre comme une atteinte à la charte canadienne des droits et libertés.

« Laissez-moi dire que le Canada est un pays laïc, un pays qui respecte la liberté de religion et la liberté de pensée. Il serait étonnant qu’un projet de loi sur la laïcité vienne légitimer la discrimination contre quiconque basée sur la religion », a affirmé Justin Trudeau.

Pour sa part, le chef du Parti conservateur, Andrew Sheer, affirme qu’il revient aux élus du Québec de se prononcer sur la finalité de ce projet de loi, tout en indiquant sa position contre.

« Notre parti va toujours défendre les libertés individuelles. Une société libre doit défendre les droits fondamentaux des citoyens et ne doit pas empêcher au peuple de s’exprimer. Le gouvernement du Québec a fait un choix, et c’est aux élus de déterminer la finalité du choix. Comme premier ministre, je ne présenterai jamais un projet de loi comme celui-là », a déclaré M. Scheer.

L’honorable Jagmeet Singh, député au parlement ontarien, est un des quatre candidats à la chefferie du Nouveau parti démocratique, le NPD. D’après les analystes, il a de bonnes chances de succéder à Thomas Mulcair à la tête d’un des trois grands partis politiques du Canada. La Presse canadienne/Nathan Denette

Jagmeet Singh, chef du Nouveau parti démocratique, le NPD. La Presse canadienne/Nathan Denette

Même son de cloche au Nouveau Parti démocratique du Canada (NPD).

« Ce projet de loi divise la population, et ça me rend triste de voir que des gens ne pourront pas exercer le métier dont ils rêvent. Il faut protéger la culture et l’identité québécoise avec des lois qui font la promotion des artistes et de la culture […] Nous voulons bâtir une société plus juste où chacun peut avoir le droit de se réaliser », relève le chef, Jagmeet Singh qui met de l’avant son expérience personnelle, en tant qu’individu portant un turban, qui a eu à subir de la discrimination liée à son appartenance ethnique et religieuse.

Hélène David, porte-parole de l’opposition libérale en matière de laïcité, a dit espérer que ce projet de loi ne soit pas adopté sous bâillon, car ce qui est en cause, c’est le droit des minorités.

Hélène David. Crédit: Radio-Canada

« Ça fait plus de 15 ans qu’on parle de la laïcité de l’État au Québec », relève Mme David qui mentionne que si les signes ne sont plus ostentatoires, toutes sortes d’accessoires sont désormais concernés par le projet de loi.

« On est face à un grand enjeu de société. Le Québec est une société accueillante […] Le débat doit se faire en fonction de ce qui est en jeu dans notre société […] Il faut un équilibre entre les droits et libertés acquis au cours des dernières années. C’est les droits et libertés des minorités qu’il faut respecter et en même temps qu’il faut respecter l’identité québécoise et la société distincte. Il y a eu des combats terribles pour lesquels les gens ont laissé leur peau et leur santé […]  Le 16 juin 2019, au matin, pensez-vous vraiment qu’on ne parlera plus de l’importance du vivre ensemble et de l’inclusion ? […] Pensez-vous vraiment que la question de la religion va être réglée sur la planète Terre ? C’est la psychologue qui vous parle, la question de la religion, on la porte en nous […] », observe Mme David.

Le chef du Parti Québécois, Pascal Bérubé, souhaite que l’interdiction des signes religieux s’étende aux éducateurs en service de garde dans les écoles, aux enseignants et directeurs d’écoles privées subventionnées. D’un autre côté, le projet de loi devrait prévoir des sanctions punitives en cas de non-respect de la loi.

Le porte-parole de Québec solidaire en matière de laïcité, Andrés Fontecilla, observe qu’il n’y a pas dans ce projet de loi d’éléments justifiant les raisons d’étendre l’interdiction des signes religieux à certains groupes. Il soutient que l’utilisation de la clause dérogatoire doit se justifier par l’importance de défendre l’intérêt public, ce qui n’est pas le cas dans ce projet de loi.

« Je pense à l’impact humain sur les minorités religieuses, si ce projet de loi est adopté. Il y aura un impact sur les possibilités d’emploi pour de nombreuses personnes […] Ce n’est pas un projet de loi de compromis et d’apaisement », conclut le porte-parole de Québec solidaire.

Le ministre de l’Immigration du Québec, Simon Jolin-Barrette. Crédit photo : Radio-Canada.

Une question de neutralité religieuse et de séparation de l’État et de la religion

Le ministre de l’Immigration, Simon Jolin Barrette, voit en ce projet de loi une « avancée considérable ». Il estime que les gouvernements précédents n’ont pas pu avancer sur plusieurs enjeux autour de la question de la neutralité religieuse de l’État au Québec.

« Le Québec est une nation libre de décider de son avenir […] Il veut assumer son caractère distinct et son choix de société qui doit émaner du parlement. Il appartient aux citoyens de définir la manière dont les relations entre l’État et les citoyens doivent être organisées », soutient Jolin Barrette.

Il indique que le projet de loi déposé au parlement vise à inscrire dans la Charte québécoise des droits et libertés la laïcité de l’État comme outil fondamental respectant la séparation de l’État de la religion.

« Ce projet veut faire en sorte qu’au Québec, les services soient donnés et reçus à visage découvert ( lorsque c’est nécessaire ). Il est le résultat d’un parcours historique […] Chaque société avance à son rythme, à son image […] Ici au Québec, c’est la génération de mes grands-parents qui a fait le choix de séparer l’État de la religion », a relevé Jolin Barrette.

Soulignant que le peuple a démontré une volonté de changement lors du vote de l’année dernière ayant porté les caquistes au pouvoir, le ministre de l’Immigration a mentionné que le projet de loi sur la laïcité est une réponse à cette volonté du peuple, et qu’il vise la liberté de conscience et de religion.

La neutralité religieuse de l’État s’applique essentiellement aux fonctionnaires de l’État, précise Jolin Barrette.

« un fonctionnaire ne pourra pas recevoir d’accommodement en fonction de sa religion, il doit avoir le visage découvert en tout temps, lorsqu’il donne des services […] pour les citoyens, l’obligation d’avoir le visage découvert interviendra à des fins d’identification et de sécurité », a ajouté le ministre.

On voit le crucifix dans l’enceinte où siège l’Assemblée législative du Québec. Photo : ©THE CANADIAN PRESS/Jacques Boissinot

Possibilité de retirer le crucifix du salon bleu

Le projet de loi réaffirme que la laïcité de l’État doit respecter le patrimoine historique du Québec, souligne le ministre de l’Immigration, qui mentionne la possibilité que le crucifix soit enfin déplacé du salon bleu, pour être mis en valeur dans l’enceinte du parlement, après l’adoption du projet de loi sur la laïcité.

Alors que le gouvernement Legault était à la recherche d’un compromis sur cette question, une motion de la CAQ pour ce retrait du crucifix a été adoptée à l’unanimité, bien que le Parti libéral ait toujours voulu que cet élément du patrimoine du Québec soit maintenu dans le salon bleu.

Le crucifix est depuis 83 ans au salon bleu pour signifier la relation de proximité entre l’Église catholique et la population du Québec.

RCI avec Radio-Canada
Catégories : Politique
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