Les anciennes ministres Jody Wilson-Raybould et Jane Philpott ont été exclues du caucus libéral. (Adrian Wyld/Presse canadienne)

Expulsion de deux députées du caucus libéral : une atteinte à la participation des femmes à la démocratie canadienne?

La décision du premier ministre du Canada d’exclure Jody Wilson-Raybould et Jane Philpott du caucus libéral, dans la foulée de l’affaire SNC-Lavalin, suscite des réactions diversifiées.

L’opposition fustige un congédiement inopportun

Après sa décision intervenue à la suite d’une concertation avec son caucus mardi, le premier ministre Justin Trudeau souhaite aborder d’autres questions d’intérêt, comme les grandes orientations de son budget présenté récemment et les questions environnementales qui préoccupent au plus haut point les Canadiens.

C’est sans compter avec la détermination d’une opposition dont l’attention demeure focalisée sur l’affaire SNC-Lavalin.

La multinationale est toujours accusée de fraude et de corruption. De nouvelles révélations ont été faites ces derniers jours. si elles étaient fondées, elles viendraient ternir davantage son image, alors que l’option d’un accord de poursuite différée est toujours sur la table, en attendant une décision du nouveau procureur général du Canada.

L’ex-procureure générale, Jody Wilson-Raybould, avait dénoncé des pressions indues de la part du premier ministre et de son entourage pour obtenir cet accord. C’est ce qui a été au centre de l’affaire SNC-Lavalin, avec les multiples rebondissements des huit dernières semaines.

L’un des moments forts de cette affaire est le congédiement de Mme Wilson-Raybould et de Jane Philpott, l’ex-présidente du Conseil du trésor, qui a démissionné en soutien à celle que certains présentent comme étant « son amie ».

Après l’annonce de leur expulsion, l’opposition est montée au créneau pour dénoncer le fait que ces deux femmes aient « été foutues dehors parce qu’elles défendaient un principe fondamental en démocratie ».

C’est le cas des conservateurs qui accusent le gouvernement d’avoir mis à la porte « deux lanceuses d’alerte » qui dénoncent des atteintes au principe de l’indépendance du système judiciaire si cher à la démocratie canadienne.

« Comme premier ministre, je ne me serais jamais ingéré dans une poursuite criminelle », a souligné le chef du Parti conservateur Andrew Scheer.

L’expulsion des deux députées du caucus libéral est également perçue par l’opposition comme une manière de freiner la participation des femmes à l’assainissement des institutions du pays. C’est pourquoi, à maintes reprises, le féminisme de Justin Trudeau a été remis en question.

338 héritières des suffragettes en colère

Ces jeunes femmes sont allées dire leur mécontentement sur la colline du Parlement à Ottawa.

Scandant leur appui aux deux ex-ministres libérales, elles ont réaffirmé leur détermination à encourager les femmes à participer à la démocratie.

Cette question a fait l’objet d’échanges avec le premier ministre et les autres parlementaires qui les ont reçues à la Chambre des communes.

À l’attention des héritières du suffrage, dont certaines lui ont tourné le dos pendant son allocution, M. Trudeau a souligné qu’il est « normal d’avoir une diversité de points de vue dans un groupe », mais qu’il faut qu’il y ait « une relation de confiance ».

« Dans notre cas, cette relation avec les deux femmes était brisée », a relevé Justin Trudeau.

Plus tôt en journée, Mélanie Joly, la ministre du Tourisme et de la Francophonie, avait fustigé cette rupture de confiance, mentionnant que « la loyauté n’est pas une affaire d’homme ou de femme […] mais fait partie de la réalité ».

Un tel argument, venant d’une femme, vient en quelque sorte donner un coup de fouet au féminisme de Justin Trudeau sérieusement mis à rude épreuve par l’opposition et certains journaux, depuis le déclenchement de cette affaire.

Quant aux deux députées exclues, qui siègent désormais comme indépendantes, si elles ne se sont pas prononcées sur le féminisme du premier ministre, elles se sont montrées déçues d’avoir été sanctionnées parce qu’elles ont défendu « ce qu’elles estimaient juste », selon leurs principes.

Jody Wilson-Raybould souligne qu’avant tout, la confiance c’est « quelque chose qui va dans les deux sens ».

« C’est inacceptable de piétiner l’indépendance du procureur. C’est inacceptable de ne pas respecter la règle du droit », a relevé Mme Wilson-Raybould.

Quant à Jane Philpott, elle a mentionné que lorsqu’elle a été élue, c’était pour « défendre la structure même de notre démocratie ».

« Je n’accepterai pas le fait de franchir les barrières éthiques. On ne devrait pas empiéter sur des principes éthiques […] J’ai pris des décisions qui étaient les meilleures chaque fois »,  a affirmé Mme Philpott.

Atteinte ou non à la participation des femmes à la démocratie? La question met dos à dos différentes positions, selon l’appartenance et les calculs politiques, les raisons d’être des regroupements, à l’instar des suffragettes.

Les Canadiens se feront leurs propres idées, en fonction de leurs valeurs et de leur lecture des faits. En attendant, le premier ministre souligne des avancées en ce sens.

« On a une société, un pays qui a des voix diverses, avec différents points de vue, comme ceux des suffragettes qui se exprimées ce matin. Je continue à travailler très fort pour faire avancer la cause des femmes […] Je suis fier que nous ayons mené un combat pour l’égalité […] Le chemin reste long, mais nous avons vraiment fait avancer la cause des femmes », a argumenté Justin Trudeau.

RCI avec Twitter et Radio-Canada

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Catégories : Politique
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