Lorsqu’une personne est atteinte de maladies chroniques ou cardiaques, faire des analyses de sang fait rapidement partie de son quotidien afin de s’assurer que tout va bien. Toutefois, cela exige souvent de devoir se rendre dans un hôpital ou dans un établissement médical capable de faire les prélèvements, puis attendre que les résultats soient envoyés à son médecin afin que ce dernier puisse établir un diagnostic.
Une solution à ce processus fastidieux serait de permettre aux patients de faire eux-mêmes leurs prises de sang à domicile et d’envoyer les résultats directement à leur médecin traitant.
C’est une piste que le Laboratoire de biocapteurs et de nanomachines de l’Université de Montréal, en partenariat avec la société montréalaise Nanogenecs Diagnostics, explore depuis quelques années maintenant.
L’équipe gérée par Alexis Vallée-Bélisle, directeur du laboratoire à la Chaire de recherche du Canada en Bio-ingénierie & Bio-nanotechnologie, vient même de recevoir une bourse de 700 000 $ US du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) afin de mettre au point un appareil d’analyse sanguine à domicile pour les personnes atteintes de maladies chroniques.
Écoutez l’entrevue avec Alexis Vallée-Bélisle (10 minutes) :
Comme point de départ, Alexis Vallée-Bélisle nous a expliqué que son équipe s’est basée sur un outil vieux de 40 ans : le glucomètre.
Cet appareil-là [le glucomètre] existe depuis 40 ans. Et depuis 40 ans, il y a plein d’autres maladies qu’on aimerait suivre à la maison, mais les appareils ne sont pas encore disponibles. La technologie n’est pas encore là pour permettre aux patients à la maison de faire son suivi. Donc vraiment les recherches de mon laboratoire se sont intéressées à développer des méthodes de détection moléculaires dans une goutte de sang pour plein d’autres molécules qui nous permettent de suivre d’autres maladies chroniques. »
Son invention ressemble beaucoup au glucomètre en aspect. À la différence de ce dernier, l’appareil va chercher à analyser pas une, mais plusieurs molécules.
Pour détecter des maladies chroniques rénales par exemple, M. Vallée-Bélisle explique qu’il faut » en détecter trois : l’urée, le potassium et la créatine « .
Et c’est là que réside tout le défi, » créer un appareil portatif, peu coûteux qui permet la détection de plusieurs molécules « .
Bientôt un test sanguin maison pour un meilleur suivi de certaines maladies chroniques
Le laboratoire dirigé par le professeur Alexis Vallée-Bélisle a obtenu une subvention INNOV de 700 000 $ du CRSNG pour mettre au point un biocapteur que les patients pourront utiliser à la maison.Pour l’heure, le biocapteur vise la détection de trois biomarqueurs à partir d’une goutte de sang, soit l’urée, le potassium et la créatinine ‒ marqueurs communs aux gens qui souffrent d’insuffisance rénale ou d’insuffisance cardiaque.
Posted by Université de Montréal on Monday, May 27, 2019
Dans cette vidéo, Alexis Vallée-Bélisle explique succinctement son innovation (Crédit : Bruno Girard, Université de Montréal).
Le but de cet appareil est de » donner un instrument qui va permettre au patient de connaître son niveau de santé, de connaître son niveau de fonction rénale « . Les résultats sont ensuite envoyés au médecin, puis le patient peut améliorer son état de santé en modifiant son alimentation ou ses médicaments, soit des facteurs qu’il peut lui-même contrôler.
Alexis Vallée-Bélisle souligne notamment le fait que le médecin, grâce à ces résultats journaliers, peut » voir des signes avant-coureurs de la condition du patient et prendre les actions de manière à éviter que la santé du patient ne se dégrade. «
Afin d’illustrer l’utilité de cet outil, le chercheur prend l’exemple d’une personne faisant un infarctus.
» Dans les six prochains mois, ils ont 50 % de chances d’en faire un deuxième. Donc les gens à la maison, ils n’ont aucun outil pour faire leur suivi. Alors qu’il y a des marqueurs pourtant simples […] qui permettraient à ces patients-là, s’ils faisaient un suivi journalier, de changer leur alimentation – les gens peuvent faire une crise cardiaque en mangeant trop de bananes, trop de potassium – et envoyer de l’information au médecin pour pouvoir prévenir une crise. »
Cela éviterait aussi au patient de devoir se rendre régulièrement à l’hôpital.
Une technologie qui devrait voir le jour d’ici trois ans
Du fait que la technologie ressemble beaucoup au glucomètre, les aspects techniques et matériels ont déjà été réglés.
Le laboratoire est actuellement en train » de développer des tests chimiques à base d’ADN « . Le test d’urée est déjà en phase de validation dans un hôpital de Montréal et d’autres sont encore à venir.
Alexis Vallée-Bélisle compare cet appareil à » une cafetière Nespresso qui permet de faire tous les cafés, toutes les saveurs « . Ainsi, des personnes cœliaques pourraient vérifier leur taux de gluten.
Pour ce qui est d’un appareil pour analyser les maladies rénales, le laboratoire vise un lancement sur le marché d’ici trois ans, sachant que ce délai est aussi en fonction des financements.
Ils ne visent pas seulement le Québec et le Canada, mais aussi l’international.
M. Vallée-Bélisle aimerait donner accès à cette technologie aux personnes résidant dans des endroits dits » déserts médicaux » que l’on retrouve dans les pays développés comme en Amérique du Nord ou en Europe à l’image de petits villages isolés en campagne. Il espère aussi en faire bénéficier les pays en développement qui n’ont pas accès aux analyses de sang.
Un appareil peu onéreux
À l’image des personnes sous traitement pour le diabète, » souvent l’instrument, le glucomètre, va leur être donné et ils vont avoir à payer pour les électrodes pour faire les tests qui reviennent à environ 1 $ « .
Les dépenses peuvent être incluses dans des plans de traitement qui fonctionnent, pour certains, avec des compagnies d’assurance.
» L’appareil en lui-même ne coûterait pas plus cher qu’un glucomètre « , affirme Alexis Vallée-Bélisle.
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