Les plongeurs-démineurs doivent d'abord localiser les engins explosifs en explorant les épaves avant de pouvoir les remonter à la surface. (Photo : Nathalie Lasselin - Aquanath)

Périlleuse mission de déminage au large de Terre-Neuve

Les combats de la Seconde Guerre mondiale ont eu lieu aux quatre coins du monde et même au large des côtes canadiennes. En 1942, des sous-marins allemands U-boat se sont aventurés au large de l’île Bell, à Terre-Neuve-et-Labrador, sur la côte est.

À deux reprises, ils sont entrés dans la baie de la Conception, près de Saint-Jean, où ils ont coulé quatre navires de commerce.

À cette époque, l’île Bell était le site de la plus grande mine de fer de l’Empire britannique.

La mission du Lord Strathcona et du Rose Castle (Canada), du PLM 27 (France) et du Saganaga (Royaume-Uni) était de transporter le minerai de fer jusqu’à l’aciérie de Sydney, en Nouvelle-Écosse, pour être fondu afin de participer à l’effort de guerre.

Le SS Rose Castle en 1942, l’un des quatre navires coulés lors des deux attaques. (Bibliothèque et Archives Canada PA-143173).

Ces transporteurs étaient équipés de canons pour se défendre des attaques ennemies, mais cela n’a pas suffi à arrêter les sous-marins allemands qui ont notamment causé la mort d’environ 70 personnes.

Les épaves sont au fond de l’eau et aussi environ 50 munitions d’explosifs par vaisseau qui restent un danger.

C’est pourquoi une équipe de plongeurs-démineurs militaires a entamé cette semaine la périlleuse mission à trouver et à enlever ces munitions non explosées.

Une mission compliquée

L’emplacement exact de ces explosifs n’est pas bien connu et les plongeurs vont devoir explorer les épaves.

Une partie de la torpille qui a raté sa cible et a explosé contre l’un des quais de chargement lors de la deuxième attaque de sous-marins allemands en novembre 1942. (Bibliothèque et Archives Canada LAC PA-188854)

Pour aider l’armée dans cette tâche difficile, Neil Burgess, président de l’Association de préservation des épaves de Terre-Neuve-et-Labrador, a fourni les quelques plans des bateaux qu’il possède.

« Les munitions étaient probablement gardées dans un casier quelque part sur le pont ou dans une cabine. C’est là où l’équipe espère les trouver », a-t-il expliqué au micro de CBC.

On espère que les obus ne sont pas trop dangereux, mais s’ils ont une mèche, ils sont capables d’exploser et représentent un risque pour quiconque les touche.Neil Burgess, président de l’Association de la préservation des épaves de Terre-Neuve-et-Labrador

Après avoir trouvé ces munitions, les plongeurs devront les sortir de l’eau sans les brusquer. Ils seront ensuite amenés dans un stand de tir afin d’être détruits en toute sécurité et ainsi préserver la beauté de ces épaves sous-marines.

Image de 1943 d’un canon type de 4 pouces utilisé pour armer les navires marchands à des fins défensives. (Bibliothèque et Archives Canada PA-116103)

Un paradis sous-marin

L’Armée canadienne a notamment décidé de mener cette mission de déminage, car ces épaves sont une destination de renom pour les plongeurs.

Après plus de 70 ans sous l’eau, la nature a repris ses droits sur ces géants de métal et un véritable écosystème s’est formé.

Pour mieux comprendre ces vestiges, nous avons parlé à l’exploratrice et cinéaste des fonds marins mondialement connue Nathalie Lasselin.

Elle a plongé près de ces quatre navires il y a quelques années, mais ses souvenirs sont toujours frais, comme elle nous l’explique : 

Nathalie Lasselin nous décrit une plongée dans les quatre épaves au large de l'île Bell. (Photo du transmetteur Marconi dont Nathalie fait référence (Crédit : Nathalie Lasselin - Aquanath))

Lorsque l’on se penche sur les artefacts dans ces épaves, l’exploratrice dit que « parfois ça peut être des choses aussi simples et bêtes qu’une toilette. Mais chaque fois qu’on voit un outil ou un objet usuel, ça nous rappelle que ce n’est pas juste une épave, que c’est un milieu de vie, que c’était quelque chose ou des hommes et des femmes vivaient, travaillaient. Alors tout de suite on a une connexion beaucoup plus humaine, plutôt que de se dire que c’est un gros tas de ferraille qui a sombré dans le fond de l’océan. »

CBC a parlé à Rick Stanley de l’entreprise Ocean Quest Adventures dont Nathalie Lasselin fait référence.

Il mentionne que les liens entre les forces canadiennes, britanniques, françaises et allemandes ainsi qu’avec les familles de l’île Bell qui s’occupaient des survivants attirent des visiteurs d’origines très diverses.

Des proches des deux parties autrefois en conflit sont d’ailleurs venus rendre hommage à leurs défunts. M. Stanley raconte avoir accompagné la fille du chef mécanicien du Saganaga et la fille du capitaine de sous-marin allemand Rolf Ruggeberg, dont l’attaque a coulé le navire britannique. Au cours de ce voyage, Marita Collings a fait don des artefacts nazis de son père au Bell Island Museum.

D’autres missions de déminage au Canada

Cette mission de déminage entreprise par l’Armée canadienne n’est pas la seule au pays.

Plusieurs opérations similaires ont eu lieu, ou ont encore lieu, comme l’affirme Nathalie Lasselin, qui a participé à la réalisation d’un film sur une compagnie de déminage sous-marine.

Nathalie Lasselin parle des autres missions de déminage qui ont lieu au Canada. (Photo : Nathalie Lasselin - Aquanath).

Certaines compagnies ont des contrats s’étalant sur plus de10 ans. Cela montre à quel point ces missions peuvent être compliquées et longues.

Dans le cas des quatre épaves au large de l’île Bell, la mission devrait prendre fin le 24 juillet selon les autorités.

Mais ce n’est peut-être pas la dernière mission de déminage autour de l’île Bell pour les Forces armées. En 2000, des plongeurs locaux ont également trouvé la partie principale d’une torpille allemande au fond de la mer, seule sa tête explosive manquait.

RCI avec CBC

Nathalie Lasselin continue de filmer et d’explorer les fonds marins. Vous pouvez retrouver ses travaux sur son site web et suivre ses aventures sur ses réseaux sociaux (Viméo, Facebook, LinkedIn)

Elle a publié divers ouvrages sur ses expériences, dont Sous le fleuve, l’Odyssée, qui sera offert le 28 août 2019.

Pour écouter l’entrevue intégrale avec Nathalie Lasselin :

Entrevue intégrale avec l'exploratrice et cinéaste Nathalie Lasselin (Photo : Mjee/Pixnat).
Catégories : Environnement et vie animale, International, Société
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