Le ministre des Finances de l’Ontario Chris Selley (à droite) dépose le premier budget de son gouvernement aux côtés du premier ministre conservateur Doug Ford (à gauche). Photo : CP

Aide juridique : les réfugiés abandonnés par l’Ontario sont rescapés par Ottawa

L’Ontario avait annoncé il y a quelques mois une réduction du tiers du budget de son service d’aide juridique offert aux personnes les plus démunies et avait interdit aux responsables de ce service de prodiguer toute aide aux réfugiés.

Voilà qu’à quelques semaines du déclenchement officiel de la campagne électorale fédérale, le premier ministre libéral canadien déclare que son gouvernement prendra la relève cette année et qu’Ottawa effectuera un « investissement ponctuel » de 26,8 millions de dollars dans l’aide juridique aux immigrants et aux réfugiés en Ontario.

Justin Trudeau affirme que cette décision est nécessaire afin de faire face à la hausse du nombre de demandes d’asile, mais aussi aux compressions budgétaires en Ontario. Le nombre de clients d’Aide juridique Ontario qui demandent le statut de réfugié est passé de 5309 à 16 181 en cinq ans.

Une décision partisane et électorale?

Sur un ton partisan, M. Tudeau a établi un lien entre l’abandon par l’Ontario de Doug Ford des services juridiques aux réfugiés et l’annulation dans les années 2012-2015 des services de santé pour les réfugiés qui avaient été imposés par le précédent gouvernement conservateur canadien de Stephen Harper.

« Un autre gouvernement conservateur, celui de Doug Ford, abandonne des services aux plus vulnérables, ce qui est très frustrant », a lancé le premier ministre canadien.

« Dans ce cas spécifique, le gouvernement fédéral peut être présent pour augmenter son appui pour les gens très vulnérables ici en Ontario. Mais […] c’est très important que les Canadiens fassent le bon choix cet automne, pour éviter les coupures aux plus vulnérables. Ce que les conservateurs font à chaque fois », a-t-il ajouté.

Pourquoi Justin Trudeau va-t-il à la rescousse de l’aide juridique ontarienne?

Photo : CBC

Des compressions justifiées selon l’Ontario

Cependant, dans son budget provincial en avril dernier, le gouvernement progressiste-conservateur de Doug Ford a choisi d’éliminer complètement le financement de l’aide juridique de la province pour les réfugiés et les cas relevant de l’immigration dans le cadre d’une réduction globale de 30 % de l’organisme Aide juridique Ontario.

Il a coupé 133 millions de dollars.

Le gouvernement de Doug Ford exigeait qu’Ottawa couvre la totalité des coûts de l’aide juridique apportée aux réfugiés et aux immigrants, soutenant qu’il devait fournir 45 millions de dollars à Aide juridique Ontario pour couvrir ces coûts spécifiques.

L’Ontario soutenait, encore tout récemment, que l’immigration est une responsabilité fédérale et estimait qu’Ottawa devait assumer tous les coûts qui y sont liés, dont l’hébergement.

Un coup de barre contesté de partout

Plusieurs avocats qui représentent des réfugiés et des migrants à Ottawa pressent le gouvernement Ford de revenir sur sa décision de mettre fin au financement de l’aide juridique pour leurs clients.

Me Ronalee Carey (Giacomo Panico/CBC)

« Il n’y a pas eu de délai d’exécution, pas de temps de préparation ou de transition pour que les gens s’y préparent », affirmait, le printemps dernier, Me Ronalee Carey, qui est spécialisée en droit des réfugiés et de l’immigration à Ottawa.

Elle affirmait que la décision du gouvernement de l’Ontario de réduire le financement de l’aide juridique pour les cas de réfugiés et d’immigrants signifie que l’avenir de plusieurs de ces personnes en difficulté dépendra de sa capacité et de celle d’autres avocats à travailler pro bono.

« Nous avions un peu l’impression que quelque chose allait arriver, mais je suis choquée du niveau et de la soudaineté du changement », ajoute Me Carey, qui enseigne également le droit des réfugiés à l’Université d’Ottawa.

Me Jamie Liew (Twitter)

Me Jamie Liew, avocate spécialisée en droit de l’immigration et de la protection des réfugiés et professeure agrégée à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, estime que 85 % de ses clients lui présentent des bons de financement d’AJO.

« Il n’y a pas eu de délai d’exécution, pas de temps de préparation ou de transition pour que les gens puissent se préparer, dénonce Me Liew. C’est très insensible. Ça laisse beaucoup de gens dans le pétrin. »

Me Liew et Me Carey ont toutes deux signé une pétition de l’Association canadienne des avocats spécialisés dans le droit des réfugiés et de la Refugee Lawyers Association of Ontario pour demander au gouvernement de l’Ontario d’annuler sa décision.

Protestations du Barreau de l’Ontario

Malcolm M. Mercer (Barreau de l’Ontario)

Le Barreau de l’Ontario s’inquiétait lui aussi de cette réduction du budget de l’aide juridique. Son trésorier, Malcolm Mercer, considérait qu’une réduction aussi importante sur une si courte période entraînerait une augmentation des retards dans les tribunaux et menacerait de perturber gravement l’administration de la justice.

« En ce moment, nous semblons très protectionnistes. Notre pays devrait, d’une façon ou d’une autre, être capable de s’isoler de ce qui se passe dans le monde. Je ne pense pas que ce soit juste. Ce sont des êtres humains. »

À l’image de ce groupe rassemblé devant le bureau de circonscription de Doug Ford, à Etobicoke, près d’une cinquantaine de cliniques juridiques ont appelé à la mobilisation partout en Ontario contre les coupes du gouvernement à Aide juridique Ontario. PHOTO : RADIO-CANADA / MARGUERITE GALLORINI

RCI avec La Presse canadienne et la contribution de Serge Olivier de Radio-Canada

En complément

Trudeau à la rescousse de l’aide juridique sous-financée par Doug Ford – Radio-Canada 

Aide juridique aux réfugiés : l’Ontario se tourne vers Justin Trudeau – Radio-Canada 

Aide juridique Ontario : 50 cliniques juridiques tirent la sonnette d’alarme – Radio-Canada 

Catégories : Immigration et Réfugiés, International, Politique
Mots-clés : , , , ,

Vous avez remarqué une erreur ou une faute ? Cliquez ici !

Pour des raisons indépendantes de notre volonté et, pour une période indéterminée, l'espace des commentaires est fermé. Cependant, nos réseaux sociaux restent ouverts à vos contributions.