Les producteurs laitiers du Canada, organisme national qui défend les intérêts des producteurs canadiens, souhaite que le nouvel accord de libre-échange Canada–États-Unis-Mexique (AÉUCM) soit réexaminé afin de préserver les intérêts des producteurs canadiens. C’est ainsi que le président Pierre Lampron invite à une analyse scrupuleuse qui permettra de « l’adapter sur différentes dispositions touchant le secteur laitier sans compromettre son intégrité », par des moyens à la disposition des parties. Crédit: Istock.

Accord Canada–États-Unis–Mexique : la souveraineté du Canada aussi concédée?

Oui, répond Pierre Lampron, le président des Producteurs laitiers du Canada. Il croit qu’il faut faire preuve de vigilance et prendre le recul nécessaire à une meilleure analyse de cet accord qui semble empiéter sur la souveraineté du pays.

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M. Lampron soutient qu’en plus de sacrifier les producteurs d’aluminium partout au pays, et principalement au Québec, l’Accord de libre-échange Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) cède près de 4 % du marché laitier, en plus de limiter les exportations canadiennes vers des marchés mondiaux autres que les marchés américain et mexicain.

« L’accord négocié par le gouvernement Trudeau prévoit également que les seuils très restrictifs seront imposés aux exportations de produits laitiers canadiens. Le dépassement des seuils aura pour conséquence l’imposition d’importantes pénalités qui auront pour effet d’éliminer la compétitivité de ces produits sur les marchés internationaux. Ces seuils s’appliquent non seulement aux produits canadiens à destination des États-Unis et du Mexique, mais à l’échelle internationale. Cela représente un précédent pour les futurs accords commerciaux », indique le communiqué.

Pierre Lampron y voit un biais, car pour ce qui est du choix de ses partenaires commerciaux à l’échelle de la planète et des quantités de produits qui devraient leur être vendus, le Canada ne devrait pas être astreint aux règles de l’accord avec ses partenaires américains et mexicains, mais jouir du pouvoir d’en décider de manière souveraine.

C’est ainsi qu’il considère qu’en plus de sacrifier les producteurs, Ottawa a laissé aller une partie de sa liberté dans cet accord qui empiète sur sa souveraineté.

M. Lampron recommande ainsi aux élus de réévaluer l’accord de fond en comble pour éviter les pièges, et de mieux défendre les intérêts du Canada et de ses producteurs qui risque de voir l’équivalent de « 520 fermes du Québec être transférées aux producteurs américains », si l’ACEUM était ratifiée dans sa forme actuelle.

« M. Legault doit considérer qu’une fois ce précédent en place, d’autres secteurs pourraient être soumis à de telles mesures lors de futurs accords commerciaux. Si les préoccupations des producteurs laitiers et des travailleurs du secteur de l’aluminium ne suffisent pas, la défense des intérêts futurs de l’ensemble de nos secteurs d’exportation devrait donner au premier ministre Legault matière à reformuler sa demande au Bloc. Il en va de l’intérêt des Québécois », souligne Pierre Lampron.

Écoutez

Le secteur de la production laitière au Québec représente 5120 fermes qui génèrent plus de 2,6 milliards de dollars, 83 000 emplois directs et indirects en production et transformation, des retombées fiscales de 1,3 milliard et une contribution de 6,2 milliards de dollars au PIB. Crédit : iStock

Nécessité d’ajourner la ratification  de l’ACEUM?

En raison de la question de la souveraineté et des pertes anticipées dans les secteurs laitiers et de l’aluminium, M. Lampron mentionne que le premier ministre Legault a agi trop vite, en appelant le Bloc québécois à soutenir la ratification de l’accord.

Le président des producteurs laitiers ne voit pas d’un bon œil cette recommandation, et il invite M. Legault à « revoir sa position ».

Le premier ministre du Québec s’est dit en désaccord avec bien des aspects de l’accord qui cède des parts assez importantes du marché de l’agriculture, et qui ne prévoit pas de mécanismes supplémentaires pour protéger le marché de l’aluminium, ouvrant des possibilités à la Chine de tirer avantage de l’accord, à travers ses exportations d’aluminium vers le Mexique, au détriment des producteurs québécois.

« M. Legault n’a certes pas considéré que dans un système parlementaire, les projets de loi, incluant ceux qui visent à ratifier les accords internationaux, sont soumis à une révision afin de permettre de les bonifier, et cet accord gagnerait à l’être, non seulement pour le secteur laitier, mais aussi pour les travailleurs du secteur de l’aluminium », a affirmé M. Lampron dans le communiqué.

Yves-François Blanchet, le chef du Bloc québécois, a clairement mentionné, la semaine dernière, qu’il n’appuiera pas Ottawa pour ce qui est de la ratification de l’ACEUM qui sacrifie les producteurs québécois.

Loin d’entériner toute idée d’abandonner la ratification, Pierre Lampron suggère que des mesures soient envisagées afin que « l’accord soit adapté sur des dispositions clés touchant le secteur laitier sans compromettre son intégrité ».

« Le gouvernement pourrait ainsi adopter l’entente pour les secteurs qui en profiteront, tout en minimisant l’impact pour d’autres secteurs », conclut-il.

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Catégories : Économie, Politique
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