Une femme enceinte dépressive. Crédit : Istock.

Traiter ou non les femmes enceintes avec des antidépresseurs?

C’est la question controversée qui préoccupe la communauté des scientifiques, en l’absence de toute possibilité de tester les médicaments sur des femmes enceintes, et en raison des effets secondaires possibles des antidépresseurs sur la santé de la mère et de l’enfant.

La professeure et chercheuse Cathy Vaillancourt Crédit : INRS

« La dépression est associée à un grand risque de suicide chez les mères », souligne Cathy Vaillancourt, professeur à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). Elle met ainsi en exergue la complexité de la situation, en ce qui a trait à cette condition qui touche environ 1 femme enceinte sur 10 au Québec. (Source : communiqué)

Il est important de prendre en charge rapidement les femmes enceintes avec un tel problème de santé mentale, car il y va de la survie de deux êtres. Tous les antidépresseurs ont des conséquences pour le développement du fœtus (risque de malformations cardiaques et pulmonaires, troubles du développement cognitif chez l’enfant, autisme, etc.).

Cathy Vaillancourt et son équipe pensent néanmoins qu’il faut privilégier les médicaments moins dommageables, en tenant compte de la classe des antidépresseurs et des types de médicaments. C’est pourquoi il est important de poursuivre les études pour trouver de meilleurs traitements pour les femmes touchées, souligne-t-elle.

Son équipe a travaillé en collaboration avec celle des professeurs J. Thomas Sanderson et Nicolas Doucet de l’INRS.

Grâce à cette collaboration, ces chercheurs ont « modélisé pour la première fois l’interaction des antidépresseurs avec l’œstrogène, plus précisément avec l’enzyme qui produit cette hormone : l’aromatase ».

Les chercheurs considèrent que leur découverte est une « avancée importante ».

Dans l’entrevue qui suit, Cathy Vaillancourt nous explique pourquoi.

« On voulait voir comment les antidépresseurs qui ont été développés pour bloquer le transporteur de la sérotonine agissent également sur l’aromatase. Avec des modèles moléculaires, on a constaté que tous les antidépresseurs que nous avons analysés semblent pouvoir se lier directement à l’enzyme et réguler son activité. Ceci reste à confirmer et le mécanisme précis reste à approfondir », relève Mme Vaillancourt, l’auteure principale de l’étude.

Écoutez

Selon les chercheurs, la prise de certains antidépresseurs peut entraîner des naissances prématurées et causer des malformations chez le nourrisson. Crédit : iStock

Tester plusieurs antidépresseurs et choisir les moins dangereux

Compte tenu de l’importance de l’œstrogène dans le développement de l’enfant et de l’adaptation physique de la mère pendant la grossesse, les chercheurs ont testé plusieurs types d’antidépresseurs sur des échantillons de placenta obtenus après l’accouchement.

Ils ont procédé ainsi en raison de la cible de ces médicaments qui est la sérotonine, une hormone qui est produite aussi bien par le cerveau que par le placenta.

Prescrits aux femmes enceintes en traitement contre la dépression, ces médicaments ciblent aussi l’œstrogène. C’est ainsi qu’en procédant au test, les chercheurs ont pu observer les effets des antidépresseurs sur le système hormonal des placentas, ce qui leur a permis de déterminer les risques d’extension de ces effets sur le fœtus.

« Selon sa forme, la molécule n’aura peut-être pas la même interaction avec l’œstrogène et pourra ainsi être moins dommageable pour le développement du fœtus », relève la professeure Vaillancourt.

L’étude intitulée Serotonin reuputake inhibitors alter placental aromatase a été publiée dans la revue The Journal of Steroid Biochemistry and Molecular Biology.

Elle met en exergue l’importance de tester plusieurs antidépresseurs pour déterminer lesquels sont moins dommageables pour la santé de la mère et de l’enfant, avant de les administrer en traitement chez la femme enceinte.

Avec des informations de l’INRS.
Catégories : Santé, Société
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