Les systèmes d'enseignement post-secondaire du Canada doivent s'attaquer aux obstacles à la formation et au développement des compétences sociales et émotionnelles, en particulier pour les groupes vulnérables, et fournir des parcours accessibles et inclusifs pour l'apprentissage tout au long de la vie, croit le Conference Board du Canada.(Photo : iStock/Rawpixel)

Au Canada, les compétences émotionnelles deviennent-elles indispensables?

Tout le monde peut se mettre en colère, ça, c’est facile. Mais se mettre en colère contre la bonne personne, au bon degré, au bon moment, dans le bon but et de la bonne manière, ce n’est pas dans le pouvoir de tout le monde et ce n’est pas facile.Aristote

De plus en plus, les employeurs exigent des nouvelles recrues qu’elles possèdent non seulement des connaissances spécialisées et des compétences techniques, mais aussi des compétences sociales et émotionnelles ou « humaines ».

Cependant, au Canada, les employeurs disent pouvoir déterminer systématiquement des lacunes en ce qui concerne les compétences émotionnelles de leurs nouveaux employés.

Le Conference Board du Canada, groupe de réflexion et de recherche, a obtenu ces impressions en demandant à plusieurs employeurs du pays de s’exprimer sur l’intelligence émotionnelle de leurs employés. 

À quoi les compétences émotionnelles servent-elles

(Photo : iStock/TanyaJoy)

Selon le journaliste Daniel Goleman, qui s’est fait connaître par plusieurs en raison de ses ouvrages sur l’intelligence émotionnelle, des études portant sur ce qu’on appelle « des collaborateurs exceptionnels » au sein de centaines d’organisations du monde montrent qu’environ deux tiers des compétences qui distinguent les « vedettes » du reste des employés sont basés sur l’intelligence émotionnelle.

Un tiers seulement sur les compétences étant liées à l’intelligence « pure » et à l’expertise technique.

Le Conference Board du Canada croit que les compétences émotionnelles sont malléables et peuvent être développées tout au long de notre vie, contrairement à la croyance populaire qui soutient que la période pendant laquelle les jeunes acquièrent des compétences émotionnelles et sociales ne va que de la maternelle à la fin du secondaire.

Le groupe de réflexion affirme que les systèmes d’enseignement postsecondaire du Canada doivent s’attaquer aux obstacles à la formation et au développement des compétences sociales et émotionnelles, en particulier pour les groupes vulnérables, et fournir des parcours accessibles et inclusifs pour l’apprentissage tout au long de la vie.

Il faudra pour cela créer de nouveaux outils et ressources pour aider les apprenants à développer ou à améliorer leurs compétences sociales et émotionnelles (CSE). Il s’agira de modifier la façon dont les établissements d’enseignement supérieur enseignent et évaluent les compétences humaines afin de mieux préparer les apprenants à l’avenir.Le Conference Board du Canada

Une question d’équité 

Comment faire en sorte que des jeunes de communautés autochtones ou encore ceux issus des communautés immigrantes aient le même accès aux formations professionnelles que les jeunes à Toronto? Ou que les travailleurs plus âgés dont l’emploi est directement menacé par les technologies puissent faire la transition vers des emplois dans les nouvelles technologies?

Il faut tenir compte des besoins particuliers des personnes vulnérables et des groupes qui sont généralement laissés pour compte dans le marché du travail, croit le Conference Board. Une demande croissante de compétences sociales et émotionnelles pourrait exacerber les inégalités sociales existantes.

Les groupes vulnérables ont tendance à être confrontés aux plus grands obstacles systémiques. L’accès aux formations, aux ressources et aux autres occasions cultive le CSE, améliore l’accès au marché du travail et mène à la réussite professionnelle. Le Conference Board du Canada

Selon les chercheuses canadiennes Yvonne Stys et Shelley L. Brown de la direction de la recherche du Service correctionnel du Canada, l’intelligence émotionnelle est « une variable prédictive de la satisfaction dans la vie, d’une adaptation psychologique saine et d’interactions positives avec ses semblables et avec sa famille ».

En 2004, les deux chercheuses ont eu pour mandat de faire une étude sur la documentation en lien avec l’intelligence émotionnelle et sur ses conséquences dans les milieux correctionnels du pays. 

On a constaté une relation entre un faible quotient émotionnel et un comportement de violence, l’usage de drogues et l’abus d’alcool, et la perpétration d’infractions.Extrait de l'étude sur l'intelligence émotionnelle dans les prisons

Peut-on enseigner à être émotionnellement intelligent?

(Photo : iStock/FatCamera)

La question de savoir si l’intelligence émotionnelle peut être enseignée ou perfectionnée constitue l’un des aspects les plus controversés de cette notion, croient Mmes Stys et Brown. 

Bien que ceux qui croient en la possibilité de développer l’intelligence émotionnelle, comme M. Goleman, soutiennent qu’il est possible à l’aide des programmes appropriés de transformer par exemple un pessimiste en un optimiste en l’espace de quelques semaines. Il existe plusieurs arguments appuyant la notion selon laquelle, logiquement, l’intelligence émotionnelle ne peut être enseignée.Extrait de l'étude sur l'intelligence émotionnelle dans les prisons

Yvonne Stys et Shelley L. Brown expliquent que ces derniers arguments proviennent de la théorie de la personnalité (plus particulièrement la théorie des traits) ainsi que des preuves neurologiques.

Les recherches ont révélé que les traits de personnalité ont une forte composante génétique et qu’ils persistent, de l’enfance jusqu’à l’âge adulte, demeurant statiques avec le temps. Malgré leur permanence et leur durabilité, les traits de personnalité évoluent : entre la fin de l’adolescence et la trentaine, l’instabilité émotive, l’extraversion et l’ouverture d’esprit tendent à diminuer, tandis que l’amabilité et le caractère consciencieux tendent à augmenter. Extrait de l'étude sur l'intelligence émotionnelle dans les prisons

Ces traits, disent-elles, se maintiennent pendant toute la vie adulte, bien qu’il se produise une évolution beaucoup plus graduelle de cette même tendance avec l’âge. 

RCI avec le Service correctionnel du Canada, le Conference Board du Canada. 
Catégories : Économie, Société
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