Page couverture du roman « Viral » de Mauricio Segura (sur l'image aussi). (©Les Éditions du Boréal)
Une altercation dans un autobus qui devient virale, comme le virus de l’incompréhension.
Voilà le théâtre du roman Viral dans lequel Mauricio Segura raconte des scènes de la vie de plusieurs Montréalais qui font l’expérience de malentendus culturels, de malaises identitaires, de la discrimination et du racisme, entre autres.
Le nouveau roman, qui malgré son titre évocateur et curieusement ad hoc pendant la pandémie, est paru en février 2020 avant qu’elle ne se déclare au Canada. Il trouve ses origines dans les salles de classes des écoles secondaires et des collèges où Mauricio Segura discute de ses romans avec les élèves.
C’est lors de ces rencontres que l’idée d’écrire de nouveau sur la diversité culturelle – comme je l’avais fait avec Côte-des-Nègres, roman paru en 1998 – a commencé à germer dans mon esprit. Le sujet me semblait particulièrement à propos. Je remarquais depuis une dizaine d’années que les langues s’étaient déliées sur cette question, que les avis étaient devenus décomplexés, notamment dans les réseaux sociaux. Je me suis aperçu qu’un discours anti-immigration avait maintenant droit de cité, était devenu légitime dans certains cercles, était même repris dans des versions plus soft et insidieuses par certains politiciens. Ce changement, ce durcissement de la perception à l’égard des immigrés, c’est ce qui m’a poussé à écrire ce roman. Puis, quand j’ai été témoin il y a quelques années, dans un autobus de la STM, d’une dispute entre un jeune qui portait une djellaba (longue robe portée par les hommes et les femmes) et une chauffeuse d’autobus, incident similaire à celui qui est décrit dans le premier chapitre, j’ai compris que cet évènement pouvait m’aider à raconter la vie de mes six personnages, dont l’âge, le statut social et la provenance varient beaucoup.Mauricio Segura
Ce roman explore plusieurs sujets d’actualité comme l’intégration des immigrés, les stéréotypes liés à certaines communautés culturelles, la maghrébine en particulier, mais aussi la vie privée qui est menacée par le numérique et l’engouement pour la culture américaine chez les jeunes. Nous avons demandé à Mauricio Segura s’il serait adéquat de décrire Viral comme une lecture romancée de l’actualité montréalaise.
C’est un roman en prise directe avec des thématiques contemporaines. Par contre, je n’aborde pas ces sujets comme le ferait un journaliste ou un sociologue. Je les traite avec les outils mis à la disposition par le roman, c’est-à-dire à l’aide de personnages, en variant le point de vue et en installant une temporalité synchronique. Sur ce dernier point, j’entends que le lecteur vivra plusieurs fois certains évènements, puisqu’ils sont relatés selon plusieurs points de vue. Cette caractéristique du roman est cruciale en ce qu’elle oblige le lecteur à suspendre ses jugements de valeur, du moins pendant le temps de la lecture du livre. C’est une des forces et une des spécificités du roman : il permet au lecteur de se glisser dans la peau des personnages, même de ceux dont il ne partage pas la vision du monde.Mauricio Segura
Le titre est suggestif, surtout par les temps (pandémiques) qui courent. Nous avons voulu savoir d’où lui est venue l’idée du titre du roman. L’écrivain raconte que son éditeur et lui cherchaient un titre qui pouvait rendre justice à tous les personnages.
Nous nous sommes aperçus que, pour le meilleur et pour le pire, ce sont les réseaux sociaux qui les lient entre eux, puisqu’au cœur du roman se trouve la vidéo qui montre l’altercation dans l’autobus et qui devient virale. De manière métaphorique, on peut évoquer aussi le virus de la mésentente que le roman examine sous plusieurs angles. Il est à noter que le roman est paru en février 2020, avant que la pandémie ne se déclare au Québec.Mauricio Segura
L’écriture d’un roman est quelque chose d’intense et personnel. Les artistes en général, les auteurs en particulier, semblent s’entendre pour dire que la création artistique surgit quand on ressent un important besoin de partager ce qu’on fait avec les autres. Nous avons demandé à Mauricio Segura quelle est la sensation qui décrit le mieux les moments de création de cet ouvrage.
J’ai écrit ce livre avec un sentiment d’urgence, et c’est sans doute ce qui a prédominé durant sa conception. J’ai pris plaisir à croquer les Montréalais dans leur quotidien, puisque le roman se déroule en une seule journée, par un temps de grande chaleur. Cette ville que j’habite depuis 45 ans me fascine, et on peut lire ce roman comme une sorte d’hommage à sa vitalité et à sa spécificité. Ce qui n’empêche que je jette un regard critique sur la métropole. À l’échelle mondiale, c’est une ville généralement paisible, qui dans sa tradition libérale (au sens large du terme) a préconisé au cours des dernières décennies une « cohabitation à distance » entre sa majorité francophone, sa minorité anglophone et ses communautés culturelles. Mais est-ce suffisant de cohabiter, sans nécessairement dialoguer avec son voisin issu d’un autre groupe?Mauricio Segura
Mauricio Segura dit que cette dernière est une question qui l’accompagne constamment puisqu’à son avis, ce roman offre surtout aux lecteurs un portrait de son Montréal à lui. Il espère que les lecteurs prendront autant de plaisir à lire ce roman qu’il en a éprouvé à l’écrire.
Mauricio Segura
Né à Temuco, au Chili, Mauricio Segura est arrivé au Canada à l’âge de 5 ans. Romancier et journaliste, il fait paraître, à la maison d’édition montréalaise Boréal, Côte-des-Nègres (1998, 2003), Bouche-à-bouche (2003), Eucalyptus (2010) et Oscar (2016).
Il œuvre dans le milieu de la télévision à titre de scénariste et collabore au magazine L’Inconvénient, entre autres.
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