La pandémie de la COVID-19 semble avoir creusé un fossé entre le ministère de l’Éducation du Québec et les enseignants et autres acteurs du réseau, ce qui aurait des implications négatives, y compris pour les élèves les plus vulnérables, soutient la Fédération autonome de l’enseignement qui représente près de 45 000 enseignantes et enseignants de la province. Crédit : Istock

Gestion COVID-19 au Québec : enseignants et élèves en difficulté sacrifiés?

À en croire le président de la Fédération autonome de l’enseignement, Sylvain Mallette, et le professeur en faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval et chercheur en santé mentale, Simon Vivier, le gouvernement du Québec aurait géré de manière chaotique la crise de la COVID-19 dans le secteur de l’éducation.

Cette mauvaise gestion se caractérise, selon les deux spécialistes, par des décisions unilatérales du ministère de l’Éducation, sans concertation avec les acteurs du milieu.

Par ailleurs, ils déplorent un certain cafouillage dans la mise sur pied des camps pédagogiques pour les élèves en difficulté. Ces camps ont d’abord été déclarés obligatoires, puis facultatifs par la suite.

Simon Vivier et Sylvain Mallette soutiennent que de tels tâtonnements ont des effets néfastes aussi bien sur les élèves que sur les enseignants.

« Les professeurs et les élèves ne sont pas des pions », souligne M. Mallette dans un communiqué. Il estime qu’en raison des bouleversements néfastes au bon fonctionnement du réseau des écoles au Québec, à l’apprentissage pour les élèves jeunes et adultes, à la sérénité du personnel, le gouvernement devrait rapidement prendre des mesures pour rectifier le tir.

Voici quelques-uns des griefs rapportés :

les femmes et hommes des commissions scolaires se sentent déshumanisés,

ils estiment que leurs efforts ne sont pas reconnus à leur juste valeur et que leur travail n’est pas valorisé,

cela se traduit par de la détresse psychologique,

la crise de la COVID-19 a creusé des inégalités et du désordre dans leur milieu de travail,

les travailleurs et le personnel enseignant soutiennent qu’il y a une absence de leadership bienveillant en éducation,

cela leur donne l’impression qu’ils sont sous la dictature d’un système organisationnel qui les oppresse, les décourage et crée un environnement peu propice à leur épanouissement.

« L’école publique est traumatisée et il faut de nombreuses années pour s’en remettre », observe M. Vivier.

Des parents avaient plaidé pour l’instauration d’écoles d’urgence pour les enfants en difficulté d’apprentissage, en raison du fait qu’ils n’étaient pas concernés par le plan de réouverture des écoles le 11 mai. Ils ont réagi au micro de Radio-Canada à la mise sur pied de camps pédagogiques dès ce lundi. Ils ont notamment soutenu que c’était « trop peu trop tard » avec un service minimal. Crédit Istock

Les plus vulnérables laissés de côté?

Les deux spécialistes ont également mis de l’avant les conséquences de cette gestion pour les élèves les plus fragiles du réseau.

« La dernière trouvaille mise de l’avant par le gouvernement, soit des camps pédagogiques, est arrivée alors que personne ne le demandait et que les professeurs avaient pourtant réussi à mettre en place une organisation qui contribuait à assurer un minimum de stabilité dans un réseau qui en a grandement besoin. » –  Sylvain Mallette

Le président de la FAE estime qu’il aurait suffi que le gouvernement œuvre de concert avec les enseignants et autres acteurs du milieu scolaire pour créer d’un commun accord des plans bénéfiques, surtout pour la catégorie des élèves classés vulnérables en raison de leurs difficultés d’apprentissage.

« En situation de crise comme celle que nous vivons, les professeurs s’attendaient à ce que le gouvernement protège les plus vulnérables, surtout les élèves en difficulté comme il prétend le faire pour les personnes âgées. Pourtant, ce sont les élèves qui sont passés en dernier, puisque ce gouvernement a plutôt fait le choix de satisfaire certains lobbys, en multipliant les annonces et les directives, dont plusieurs se contredisent, sans tenir compte des réalités provoquées par la crise sanitaire et par les pertes de repère qu’elle a engendrées dans l’ensemble du réseau ». – Sylvain Mallette.

La fin de l’année scolaire arrive à grands pas et le président de la FAE lance un appel au gouvernement provincial afin que les efforts soient recentrés sur la préparation de la prochaine rentrée scolaire et sur les services aux plus vulnérables.

« En s’appuyant sur des vérifications faites auprès des neuf syndicats de la FAE la semaine dernière, et malgré ce que certains peuvent en penser, le gouvernement n’a pas reculé, puisque certains décideurs locaux qui tentent de lui plaire à n’importe quel prix continuent d’exercer des pressions pour que cette mauvaise idée prenne forme, même dans les zones les plus durement touchées par la pandémie, alors qu’il ne reste qu’une quinzaine de jours d’école, avant la fin de l’année scolaire », a-t-il déclaré.

M. Mallette invite le gouvernement à changer d’attitude et à se libérer du joug de certains réseaux d’influence qui font feu de tout bois pour que l’idée des camps pédagogiques pour élèves en difficulté se concrétise, alors que les professeurs se sont prononcés contre.

« C’est comme si le gouvernement considérait les professeurs et leurs élèves comme des pions et qu’il s’amusait à les déplacer sur un échiquier dont il est le seul à connaître les limites », constate-t-il.

Les enseignants, qui éprouvent un sentiment de « désarroi, de colère et de désinvolture », ont besoin d’une plus grande reconnaissance de leurs efforts fournis depuis le début de la crise. C’est ce qui leur permettra de retrouver leur sérénité et de poursuivre leur travail auprès des élèves, conclut M. Mallette.

Le ministre de l’Éducation du Québec, Jean-Francois Roberge Photo : Radio-Canada

Approche concertée au ministère de l’Éducation?

Répondant aux parents qui estimaient que leurs enfants en difficulté d'apprentissage avaient été lésés parce qu'ils n'étaient pas  concernés par la réouverture des écoles le 11 mai, le ministre de l’Éducation avait spécifié que les écoles secondaires allaient accueillir, dès le 9 juin, des camps pédagogiques pour les élèves vulnérables. Tous les jours de la semaine, des groupes de dix élèves devraient suivre principalement des cours de français et de mathématiques, une demi-journée pendant deux semaines. Près de 1000 enfants ont reçu une invitation à y participer.

Il faut mentionner qu’en ce qui a trait aux préparatifs en vue de la prochaine rentrée scolaire, le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge avait fait connaître, le 22 mai, son plan en deux volets.

Dans un premier temps, tenant compte d’un scénario dans lequel la progression de la COVID-19 ralentirait, M. Roberge avait spécifié qu’il n’y aurait pas de raison à ce que certains enfants continuent d’être scolarisés à la maison, et qu’il était impératif que tous retrouvent le chemin de l’école en septembre.

En ce qui concerne le deuxième scénario, à savoir celui dans lequel il y aurait quelques préoccupations en raison d’une reprise de la propagation du virus, les élèves seraient scindées en deux groupes et iraient en classe en alternance, entre présence effective en classe et travaux en ligne.

Démontrant que l’approche concertée et participative est privilégiée dans son processus de prise de décision, M. Roberge avait alors spécifié qu’il bonifierait son plan en tenant compte de l’avis des experts, de la santé, des cadres, enseignants, professionnels et autres acteurs du secteur.

Avec des informations de la FAE et du ministère de l’Éducation du Québec.

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