L’utilisation de navires de pêche pour le chargement de drogues a triplé au cours des huit dernières années, pour atteindre environ 15 % de la valeur mondiale au détail des drogues illicites, selon une nouvelle étude canado-américaine.
En se servant des registres de circulation des navires entre 2010 et 2017, les chercheurs Dyhia Belhabib (Ecotrust Canada), Philippe Le Billon (University of British Columbia) et David J. Wrathall (Oregon State University) ont conclu que le commerce mondial de drogues illicites repose de plus en plus sur les navires de pêche.
Dyhia Belhabib, l’auteur principal du document, a déclaré qu’il y a en fait un manque flagrant de données sur le trafic de drogue dans le secteur de la pêche. Cette étude vise à combler ce manque.

385 kg de cocaïne, d’une valeur de près 38,3 millions de dollars, ont été saisis à bord d’un voilier au large de l’île de Guadeloupe, dans les Caraïbes. (Photo : PATRICE COPPEE/AFP via Getty Images)
Pour étudier la relation entre le commerce de la drogue et la pêche mondiale, Mme Belhabib et ses collègues ont rassemblé toutes les données disponibles sur 292 cas mondiaux signalés de 2010 à 2017.
Ils ont utilisé des techniques d’estimation pour compléter les informations manquantes.
Par exemple, lorsqu’ils disposaient de la quantité de drogue, mais pas du prix, ce dernier était calculé à partir de la base de données de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC).
Les auteurs de Narco‐Fish : Global fisheries and drug trafficking disent que l’accès aux données a été particulièrement difficile.

La photo prise le 25 février 2008 montre le cargo panaméen « Junior » qui est arrivé dans le port de Brest, dans l’ouest de la France. Plus de 3 tonnes de cocaïne ont été trouvées à bord du navire qui a été saisi et fouillé début février par la Marine française dans les eaux internationales du golfe de Guinée. (Photo : FRED TANNEAU/AFP via Getty Images)
Les résultats suggèrent que la taille des cargaisons de drogue par bateau diminue au fil du temps, même si le flux total de drogue augmente.
La lutte contre la drogue intensifie cet effet, ce qui suggère que les réseaux de trafic de drogue s’adaptent aux efforts d’interdiction en utilisant des bateaux plus petits pour réduire le risque de se faire prendre.
Les petits pêcheurs risquent de se tourner vers le commerce de la drogue pour lutter contre la pauvreté, notamment dans un contexte de concurrence croissante pour les stocks de poissons en déclin ou de conservation marine stricte.
En même temps, croient les chercheurs, les capitaux illicites provenant du commerce des stupéfiants et destinés à la pêche peuvent entraîner une surcapitalisation des pêcheries et une utilisation non durable des ressources, au détriment, en fin de compte, des communautés côtières et des écosystèmes marins tributaires des ressources.

Cette photo prise le 16 juillet 2017 montre des policiers indonésiens montant la garde après l’arrestation de cinq membres d’équipage taïwanais (en bas) d’un bateau nommé « Wanderlust », qui aurait transporté une tonne de cristal de méthamphétamine, à Batam.
(Photo : SEI RATIFA/AFP via Getty Images)
Alors que la plupart des navires de pêche transportant de la drogue ne semblent pas être impliqués dans d’autres crimes comme la pêche illégale, les trafiquants de drogue peuvent réinvestir leurs profits dans des activités de pêche illégale, ce qui pourrait entraîner l’effondrement des pêcheries et la destruction de l’environnement.
Les chercheurs sont particulièrement intéressés par les effets que la pandémie peut avoir sur le commerce illégal des drogues dans les réseaux de pêche.
À leur avis, la pandémie pourrait intensifier le problème particulièrement sur les petits propriétaires de bateaux de pêche en raison du stress économique mondial, et des routes maritimes plus accessibles que les routes terrestres.
En complément :
- Le Canada s’en prend à la vente libre de six produits chimiques dans sa guerre au trafic du fentanyl
- Trois Canadiens en croisière arrêtés en Australie pour trafic de cocaïne dans leurs bagages
- 10 000 morts au Canada en 3 ans : l’association des utilisateurs de drogues en croisade contre les surdoses
Pour des raisons indépendantes de notre volonté et, pour une période indéterminée, l'espace des commentaires est fermé. Cependant, nos réseaux sociaux restent ouverts à vos contributions.