Le Canada remporte une autre manche dans son conflit avec les États-Unis au sujet des exportations de bois d’œuvre canadien, conflit qui dure sous une forme ou sous une autre entre les deux pays depuis près de 40 ans. (Drew Angerer/Getty Images)

L’OMC accepte en bloc les arguments du Canada dans le conflit du bois d’oeuvre

L’administration Trump a essuyé un échec cuisant dans son différend commercial avec le Canada sur le bois de construction. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) a déclaré lundi que le département américain du Commerce et la Commission américaine du commerce international avaient eu tort en 2017 lorsqu’ils ont imposé des droits compensateurs sur les exportations canadiennes.

Grumes dans la cour du moulin Interfor à Grand Forks, sur la côte ouest canadienne(Dominique Arnoldi/CBC)

L’OMC affirme qu’en imposant l’équivalent d’une surtaxe de 24 % sur le bois canadien vendu aux États-Unis, Washington a violé plusieurs articles d’un important accord international.

Rappelons que le geste protectionniste avait été fait par l’administration Trump qui estimait que l’industrie canadienne du bois d’oeuvre profitait d’avantages financiers injustes.

Les producteurs américains soutiennent depuis longtemps que le système canadien de réglementation provinciale des droits de coupe, qui sont versés à la Couronne en échange du droit de récolter du bois, subventionne injustement une industrie qui est détenue et exploitée par des intérêts privés aux États-Unis, avec des prix fixés par le marché concurrentiel.

(Jonathan Hayward/Canadian Press)

Au cœur du litige est l’affirmation américaine selon laquelle l’industrie canadienne du bois est injustement subventionnée par les gouvernements fédéral et provinciaux, étant donné que la majeure partie des forêts au Canada appartiennent aux provinces. Les prix facturés pour la récolte du bois (droits de coupe) sont fixés administrativement, plutôt que par le biais du marché concurrentiel, ce qui est la norme aux États-Unis. Aux États-Unis, les lots de bois d’œuvre sont de propriétés privées.

Les États-Unis affirment que la façon de faire canadienne représente une subvention indirecte aux producteurs de bois, et que le bois canadien est donc soumis aux lois américaines sur les recours commerciaux, selon lesquelles le commerce extérieur bénéficiant de subventions peut être soumis à un droit de douane compensateur, afin de ramener le prix du produit aux taux du marché.

L’OMC se range du côté du Canada

Après l’échec des consultations avec les États-Unis en janvier 2018 pour tenter de résoudre la dispute, le Canada avait réclamé l’intervention de l’OMC, ce qui avait suscité la colère de l’administration américaine.

Le secrétaire au Commerce Robert Lighthizer avait alors évoqué une « attaque massive » contre le système américain de commerce international.

L’OMC a cependant accepté les explications du gouvernement du Canada selon lequel son ministère du commerce avait commis un certain nombre d’erreurs non préméditées dans la détermination des prix de référence du bois canadien qu’il a ensuite utilisés pour établir les montants des droits de coupe que devaient verser les producteurs de bois d’oeuvre du pays aux provinces qui sont propriétaires des forêts.

Le Québec affirmait pour sa part que le bois collecté dans les forêts publiques est vendu à sa juste valeur marchande et qu’il n’est pas subventionné.

Dans sa décision de 257 pages rendue publique lundi, l’OMC donne en fait raison à la plupart des prétentions canadiennes.

Le Canada a produit environ 5 813 400 mètres cubes de bois d’œuvre en janvier 2017. Les principales provinces produisant du bois d’œuvre sont la Colombie-Britannique (au moins 2 606 000 mètres cubes en janvier 2017), le Québec (1 467 300 mètres cubes), l’Alberta (798 800 mètres cubes) et l’Ontario (476 400 mètres cubes). Bois flottant à Vancouver. (Tony Hisgett)

Les producteurs canadiens et québécois de bois d’œuvre applaudissent

« Depuis plus de trois ans, notre industrie a payé des milliards de dollars en droits compensatoires (aux États-Unis) qui n’auraient jamais dû être payés en premier lieu », a déclaré la présidente du B.C. Lumber Trade Council, Susan Yurkovich.

La décision de l’OMC, selon elle, est « un réquisitoire cinglant contre les conclusions du département américain du Commerce sur les subventions et le processus biaisé qu’il a suivi pour les obtenir ».

Se réjouissant de la décision, le Conseil de l’industrie forestière du Québec estime qu’elle donne à Ottawa des « arguments de poids » pour demander aux États-Unis de cesser leurs « mesures protectionnistes contre-productives ».

Le gouvernement du Québec estime pour sa part qu’il s’agit d’une « victoire importante » qui confirme ses prétentions que le régime forestier de la province respecte les règles du commerce international et qu’il ne devrait pas être assujetti à des droits compensateurs américains.

Les tarifs américains sont une véritable « injustice » et Washington devrait « mettre fin définitivement au conflit du bois d’œuvre » en retirant les freins au libre-échange entre les deux marchés, estime le ministre québécois de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, dans un communiqué.

Les États-Unis s’insurgent

Robert Lighthizer (AP)

Robert Lighthizer, qui a longtemps critiqué le système de règlement des différends de l’OMC, dénonce la décision de lundi comme étant injuste et partiale.

« Ce rapport imparfait confirme ce que les États-Unis disent depuis des années : le système de règlement des différends de l’OMC est utilisé pour protéger des pratiques non commerciales et nuire aux intérêts américains ».

Le secrétaire américain au Commerce estime que l’OMC protège injustement le Canada des représailles américaines contre ce qu’il qualifie de subventions « massives » au bois au nord de la frontière.

LISEZ AUSSI : Prix records du bois et bond de 8000 $ et plus du coût des maisons neuves

Le prix record du bois d’œuvre vient ajouter des milliers de dollars aux coûts de construction des maisons. Il pousse les entreprises du secteur du bois au pays vers de nouveaux sommets sur les marchés boursiers. Tout cela vient ajouter de la pression sur les épaules des constructeurs et des acheteurs.(Seth Wenig/The Associated Press)

RCI avec La Presse canadienne et CBC News

EN COMPLÉMENT

Le premier ministre Trudeau avertit Trump qu’il défendra le bois d’oeuvre canadien

Plainte formelle du Canada contre les États-Unis à l’OMC

Colombie-Britannique : le soutien fédéral de 867 millions $ bien accueilli par l’industrie du bois d’œuvre

Catégories : Économie, International, Politique
Mots-clés : , , , , , ,

Vous avez remarqué une erreur ou une faute ? Cliquez ici !

Pour des raisons indépendantes de notre volonté et, pour une période indéterminée, l'espace des commentaires est fermé. Cependant, nos réseaux sociaux restent ouverts à vos contributions.