Après avoir abaissé la note de crédit triple A du Canada à AA+ en juin, une importante agence de notation de crédit mondiale émet un nouvel avertissement concernant la dette fédérale canadienne, car elle pourrait devenir plus difficile à gérer une fois la pandémie passée. Il y a un risque d’une autre dévaluation de la cote de crédit du Canada.
L’agence Fitch Ratings lance cet avertissement après que Statistique Canada a révélé que l’économie canadienne a enregistré une très forte baisse au deuxième trimestre en raison de l’impact de la pandémie. Le produit intérieur brut réel s’est contracté à un taux annualisé de 38,7 % d’avril à juin. C’est la pire contraction depuis le début de 2009, au plus fort de la crise financière mondiale.
Les inquiétudes de l’agence de notation concernant « la détérioration des finances publiques du Canada » sont basées sur la politique fiscale du gouvernement de Justin Trudeau qui devra faire face aux conséquences d’une croissance galopante du déficit budgétaire. Au début de juillet, le gouvernement a publié une mise à jour des perspectives de dépenses fédérales qui prévoyait alors un déficit annuel de 343,2 milliards de dollars et une dette de plus de 1,2 billion.
Pour mettre les choses en perspective, lorsqu’en décembre dernier le ministre fédéral des Finances d’alors Bill Morneau avait présenté sa mise à jour économique, il prévoyait un déficit de 26,6 milliards pour l’année 2019-2020 et de 28 milliards pour 2020-2021.

Bill Morneau excluait de hausser l’impôt sur le revenu. Que fera la nouvelle ministre des Finances Chrystia Freeland? (REUTERS / BLAIR GABLE et Adrian Wyld/The Canadian Press)
Les milliards s’additionnent pour se transformer en billion
Au mois d’août, la situation est devenue encore plus fluide et incertaine lorsque Bill Morneau a démissionné de son poste et a été remplacé par Chrystia Freeland. Elle a rapidement annoncé de nouvelles mesures de dépenses.
La semaine dernière le gouvernement libéral de Justin Trudeau a ainsi pris la décision de dépenser 37 milliards de dollars supplémentaires pour réorganiser les programmes de soutien au revenu pour les travailleurs durement touchés. Et il a annoncé une contribution de deux milliards aux provinces pour faciliter le retour en classe.
« La récente annonce de dépenses supplémentaires importantes du gouvernement fédéral canadien [en réponse à la pandémie] soutiendra la reprise économique du Canada, mais elle creusera également le déficit », dit l’agence Fitch.
« Ces mesures, ainsi que l’estimation du gouvernement fédéral de 343 milliards de dollars pour le déficit budgétaire accru en 2020-2021, annoncée dans l’aperçu budgétaire de juillet, laissent entrevoir un déficit public général supérieur à 21 % du PIB en 2020, soit plus que notre estimation de 16,1 % du PIB au moment de la révision à la baisse de la note de crédit du Canada », ajoute-t-elle.
Autrement dit, la dette publique brute représente 121 % de la production économique canadienne, ce qui est « nettement plus élevé » que la médiane pour un pays qui profite d’une note de crédit double A comme c’est maintenant le cas depuis juin pour le Canada. Si cette note de crédit devait être abaissée une nouvelle fois, cela aurait des conséquences de plus en plus sévères sur la capacité du Canada de gérer et de financer sa dette.
Ottawa à la croisée des chemins : des décisions politiques difficiles à venir

Le premier ministre Justin Trudeau répond à une question à la Chambre des communes le mardi 28 janvier 2020. (Adrian Wyld/THE CANADIAN PRESS)
On s’attend à ce que le gouvernement minoritaire de Justin Trudeau expose bientôt un plan de relance économique (de nouvelles dépenses budgétaires) qui obligerait les libéraux à obtenir le soutien d’un nombre suffisant de députés de l’opposition pour gagner un vote de confiance et rester au pouvoir. Dans le cas contraire, cela provoquerait le déclenchement d’élections.
L’agence de notation Fitch affirme qu’il n’est pas certain que les libéraux et le premier ministre Justin Trudeau redeviennent majoritaires. Le nouveau chef du Parti conservateur, Erin O’Toole, élu lundi dernier, « présente une nouvelle dynamique », écrit l’agence, qui note que son programme électoral comporte une promesse d’équilibre budgétaire.
« Quel que soit le parti au pouvoir après 2020, le gouvernement sera confronté à des défis et des risques importants en matière de politique fiscale et économique […] alors que le chômage reste élevé et l’activité économique faible », conclut Fitch.
La situation n’est peut-être pas si sombre

Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / ADRIAN WYLD
Bien que le PIB du Canada a chuté de presque des deux cinquièmes au deuxième trimestre, les données de Statistique Canada publiées vendredi suggèrent que l’économie est en mode de rebond.
La production économique a ainsi augmenté de 4,8 % en mai, et le mois de juin a enregistré une hausse de 6,5 %. L’estimation préliminaire pour juillet indique une augmentation de 3 % du PIB.
Tiff Macklem, le gouverneur de la Banque du Canada, a déclaré jeudi lors d’un panel virtuel organisé par la Banque de Réserve fédérale de Kansas City : « Nous voyons maintenant des chiffres de rebond très impressionnants alors que l’économie rouvre. C’est une très bonne chose, mais toutes les parties de l’économie ne pourront pas rouvrir avant un certain temps, et nous prévoyons donc qu’après cette première phase, ce sera une phase assez longue et cahoteuse.″
Augmentation des impôts?

Comment va-t-on gérer un déficit d’un billion? (Jonathan Hayward/Canadian Press)
Alors que les dépenses continuent d’augmenter, plusieurs se demandent s’il y aura ou non une augmentation des impôts ou des compressions budgétaires dans certains secteurs.
Sur la question des impôts, on possède peu d’indice. Au mois de mai, questionné à ce sujet, l’ex-ministre des Finances Bill Morneau affirmait que le gouvernement libéral de Justin Trudeau « ne pense pas à augmenter les impôts ». Le déficit annuel budgétaire anticipé n’était alors que de 250 milliards.
M. Morneau disait se concentrer sur la nécessité de s’assurer que l’économie soit en mesure de croître une fois la pandémie terminée « Nous ne pensons pas à augmenter les taxes. Ce à quoi nous pensons, c’est préserver notre économie pour l’avenir, en s’assurant que nous pouvons revenir à un endroit dynamique », disait-il.
Il déclarait que son gouvernement ne songeait donc pas dans l’immédiat à augmenter la taxe fédérale de vente ou toute autre taxe, mais que le Canada devrait faire face à des décisions difficiles sur la manière de payer cette réponse à la pandémie de la COVID-19.
Le Canada a maintenant un nouveau ministre des Finances et un déficit annuel qui semble dépasser les 380 milliards de dollars.
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RCI avec La Presse canadienne et The New York Times
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