Avec la pandémie, les Canadiens ont tendance à passer de plus en plus de temps sur les écrans et cela pourrait, à terme, altérer leur vision.
Les élèves et étudiants suivant un enseignement à distance sont d’autant plus à risque, prévient Langis Michaud, directeur de l’École d’optométrie de l’Université de Montréal.
« Je crois que le gouvernement est sensible à cette question, mais qu’il a eu plusieurs urgences à gérer avant de s’y attaquer », explique-t-il.
À plusieurs reprises, le gouvernement fédéral et certains gouvernements provinciaux ont souligné leur inquiétude quant à la santé mentale des étudiants durant la pandémie de COVID-19.
« Ça m’inquiète de savoir que la pandémie a provoqué ou empiré des problèmes de santé mentale chez plusieurs d’entre vous », avait écrit le premier ministre du Québec, François Legault, en parlant de la situation des étudiants dans une publication sur Facebook samedi.
Les enjeux de la vision dans la population ont aussi été considérés par le gouvernement Legault. En février 2020, Langis Michaud avait participé à un forum sur le sujet organisé par le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux du Québec, Lionel Carmant.
« Nous attendons la suite », dit toutefois le professeur qui parle notamment du « syndrome de la vision sur ordinateur » (SVO) comme problématique à venir.
Cela comprend « l’ensemble des problèmes de vision qui touchent ceux et celles qui font usage d’un écran sur des périodes prolongées », peut-on lire dans un communiqué de l’UdeM.
« Bien que les études sérieuses ne pleuvent pas sur ce sujet, un article intéressant cite une enquête, effectuée auprès de 10 000 personnes, établissant la prévalence du SVO à près de 65 % de la population qui travaille sur écran », écrivait le directeur le 17 décembre dernier dans un article de la revue en ligne La Conversation.

Langis Michaud est docteur en optométrie, directeur de l’École d’optométrie de l’Université de Montréal et spécialiste de la santé oculaire. (Photo : Amélie Philibert)
Faire des pauses plus souvent
Avec l’arrivée de la pandémie et l’annulation des cours en présentiel, notamment dans les universités, les établissements ont dû s’adapter.
Elles se sont alors lancées en urgence dans l’enseignement en visioconférence.
Le professeur Michaud est conscient du caractère inédit de la situation, mais il pense que certaines pratiques doivent être plus adaptées.
« Il m’apparaît inconcevable d’imposer des cours de trois heures sur Zoom avec une pause de 15 minutes, souligne l’expert. Pour la santé oculaire, il serait nettement préférable de prendre de courtes pauses chaque demi-heure, le temps de laisser reposer nos yeux. »
Les conséquences se font d’ailleurs déjà ressentir à la clinique d’optométrie de l’UdeM, par exemple, qui est encore ouverte à 75 % de sa capacité en raison de son statut de service essentiel.
L’université explique que les employés constatent une augmentation soutenue de cas de myopie précoce, « résultant entre autres d’une surutilisation des écrans ».
En partie génétique, la myopie est « exacerbée par les comportements et l’environnement », rappelle le communiqué. Le professeur Michaud explique d’ailleurs qu’avec la « scolarisation précoce et l’exposition aux écrans » et le fait que les enfants ont tendance à moins jouer dehors, « les problèmes apparaissent plus tôt qu’il y a seulement 20 ans ».
« C’est très préoccupant quand on sait que la forte myopie est un facteur de risque des affections causant la cécité », indique l’expert.
Une influence différente selon les appareils
Langis Michaud explique que les dangers des écrans sont différents selon les appareils utilisés.
L’écran des téléphones portables est le plus dangereux. Portés à environ 18 cm, ils forcent à concentrer le regard sur un objet très rapproché, amplifiant des dérèglements d’alignement de la vision binoculaire.
« À petite dose, le système visuel peut compenser. Mais si une telle exposition se prolonge, petit problème deviendra grand », résume l’expert.
Pour les tablettes, le problème est identique, mais un peu moins aigu, car elles sont utilisées avec plus de recul. L’ordinateur est le moins risqué des trois, car il reste en moyenne à 30 ou 40 cm de distance.
Cependant, un autre problème commun aux écrans est la lumière qu’ils émettent. Elle empêche les yeux de se reposer, ce qui a tendance à leur faire perdre de leur efficacité, surtout si la lumière ambiante est atténuée.
Le problème intervient également dans les classes d’école où de plus en plus d’écrans sont installés et souvent accompagnés de peu de lumière ambiante.
Selon le professeur Michaud, la meilleure solution pour aider les enfants est celle de sortir dehors.
« Allez jouer dehors! C’est là qu’on trouve les plus beaux écrans », écrit-il.
L’activité extérieure offre tout ce dont les yeux ont besoin, explique l’expert, une vision à distance, panoramique, sans délaisser les observations rapprochées.
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