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La colchicine n’est pas le remède miracle vanté par des chercheurs montréalais

Des chercheurs du monde entier réagissent avec déception aux résultats soumis la semaine dernière dans un communiqué de presse de l’Institut de cardiologie de Montréal (ICM).

L’Institut affirmait avoir trouvé une arme efficace contre la COVID-19 : la colchicine. C’est un comprimé oral bien connu et utilisé pour traiter notamment la goutte, une maladie douloureuse des articulations.

Le communiqué de presse citait le Dr Jean-Claude Tardif, qui a dirigé l’étude. Il affirmait que l’utilisation de la colchicine contre la COVID-19 est une « découverte scientifique majeure » à titre de « médicament oral efficace pour traiter les patients non hospitalisés ».

On pouvait lire que l’étude, qui avait porté sur 4159 patients dont le diagnostic de COVID-19 avait été confirmé par un test nasopharyngien, avait noté que la colchicine entraînait une réduction de 25 % des hospitalisations, de 50 % du besoin de ventilation mécanique et de 44 % des décès.

« Nous sommes très heureux de pouvoir l’offrir, depuis le Québec, et pour la planète, déclarait le Dr Tardif dans le communiqué de presse. C’est le premier espoir pour les patients atteints de COVID, qui sont inquiets et qui espèrent qu’ils n’auront pas de complications. » Auparavant, « il n’y avait pas de comprimés qui pouvaient être pris par la bouche et qui réduisaient les risques ».

Vendredi soir, le premier ministre du Québec, François Legault, avait lui-même qualifié l’étude de « grande nouvelle » sur les réseaux sociaux.

Grande déception depuis mercredi

Alors que le communiqué de presse qualifiait l’étude de « découverte scientifique majeure », aucune statistique significative n’avait cependant été fournie pour que les scientifiques comprennent les implications réelles pour les patients. L’étude n’avait pas non plus été examinée par des pairs ni publiée dans une revue scientifique.

Mercredi, une copie d’un manuscrit de l’étude a été publiée en ligne. De nombreux membres de la communauté scientifique internationale réagissent maintenant avec déception et frustration après avoir enfin vu les données.

Elles révèlent l’existence de deux effets secondaires majeurs, soit la diarrhée, qui peut entraîner une déshydratation poussée, et la création de caillots sanguins qui peuvent provoquer des embolies pulmonaires ou des accidents cérébraux vasculaires.

Aussi, l’âge moyen des participants à l’étude étant de 50 ans, les personnes de 70 à 80 ans n’étaient pas bien représentées, alors que celles-ci pourraient être plus vulnérables aux effets secondaires tels que les caillots sanguins.

Autre limite : plus de 90 % de la population de l’étude était de type caucasien, de sorte qu’il n’y a pas beaucoup d’informations sur les effets du médicament sur les personnes de différentes ethnies.

« Nous pouvons confirmer que le résultat principal n’était pas statistiquement significatif », conclut la Dre Emily McDonald, professeure adjointe de médecine à l’Université McGill et membre de l’Institut de recherche du CUSM. La publication des résultats de tout essai clinique uniquement par le biais d’un communiqué de presse avant que la science n’ait été évaluée de manière indépendante est « vraiment un symptôme de la pandémie », affirme la scientifique.

Des données encourageantes, mais préliminaires

Lundi, avant même que les données soient mises en ligne, le Collège des médecins du Québec, le ministère de la Santé du Québec et les scientifiques avaient exhorté les médecins à procéder avec beaucoup de prudence en réponse au communiqué de presse positif de l’Institut de cardiologie de Montréal.

Le Collège des médecins du Québec et l’Ordre des pharmaciens ont envoyé lundi une note de service demandant à leurs membres d’éviter de prescrire de la colchicine pour l’instant.

L’avertissement semblait être une réponse à une phrase du communiqué de presse de l’ICM disant que les patients à risque de complications peuvent être traités à la colchicine « dès que le diagnostic de COVID-19 est confirmé par un test PCR ».

Dans une interview accordée à La Presse canadienne, le Dr Jean-Claude Tardif, directeur de l’ICM, avait déclaré : « Tout médecin, demain, qui lira ceci, pourra définitivement décider de prescrire la colchicine s’il le souhaite ».

Le Collège des médecins avait demandé à ses membres « d’agir avec une grande prudence s’ils envisageaient de prescrire de la colchicine à des patients atteints de COVID-19 jusqu’à ce qu’ils reçoivent des directives claires ».

RCI avec CBC News, La Presse canadienne et CTV News

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