Les sénateurs viennent d'approuver plusieurs amendements substantiels au projet de loi, dont un qui permettrait aux personnes qui craignent de perdre leur capacité mentale de faire une demande anticipée pour l’aide médicale à mourir. PHOTO BLAIR GABLE, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE 

Aide médicale à mourir : on recueillera des données sur l’appartenance ethnique

Les sénateurs canadiens ont approuvé jeudi un amendement au projet de loi C-7 qui obligera dorénavant le gouvernement canadien à recueillir des données fondées sur l’appartenance ethnique des personnes qui demandent et reçoivent l’aide médicale à mourir.

Pendant leur analyse de l’extension du régime canadien, les sénateurs ont ajouté au projet de loi cet amendement en particulier en raison des craintes exprimées par les personnes handicapées noires, radicalisées et autochtones.

Marginalisées et subissant souvent une discrimination systémique dans le système de santé, ces personnes craignaient que l’aide médicale à mourir puisse dans certaines conditions mettre fin prématurément à leur vie en raison de la pauvreté et du manque d’aide.

Cet amendement garantira que le gouvernement et les responsables de la santé pourront à l’avenir fournir des réponses sur qui exactement a recours à l’aide médicale à mourir et dans quelles circonstances.

La sénatrice Mobina Jaffer, membre du Groupe des sénateurs indépendants qui a proposé l’amendement, a noté qu’aucune analyse fondée sur la race n’avait été effectuée lors de la rédaction du projet de loi.

Son amendement a été largement soutenu et adopté par tous les sénateurs, sauf un qui s’est abstenu.

Plus facile d’obtenir de l’aide pour mourir

Depuis la promulgation de la loi canadienne sur l’aide médicale à mourir le 17 juillet 2016, il y a eu une forte hausse de la demande. Ce sont plus de 7000 Canadiens qui avaient eu recours à ce service en date d’avril 2019.

Le projet de loi C-7 étend l’aide aux personnes dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible.

Il établit des règles d’admissibilité plus souples pour les personnes qui sont proches de la mort, y compris une forme limitée de demande préalable, et des règles plus strictes pour celles qui ne sont pas proches d’une mort prévisible, mais qui soutiennent trop souffrir physiquement et émotionnellement.

Pour les personnes proches de la mort qui ont consenti à une mort assistée et qui ont été approuvées, il dispenserait de l’obligation de pouvoir donner un consentement définitif immédiatement tout juste avant l’intervention médicale. Cette mesure vise à traiter les situations dans lesquelles une personne perd sa capacité mentale après avoir été approuvée pour une mort assistée.

Ce projet de loi s’est avéré l’un de ceux qui ont été les plus fortement débattus et contestés depuis ces dernières années au pays.

Un long débat qui a ses origines au Québec

Nicole Gladu, 73 ans, et Jean Truchon, 51 ans en 2019 (CBC)

Le projet de loi C-7 est la réponse législative à la décision de la juge Christine Baudouin, de la Cour supérieure du Québec, dans le dossier Truchon et Gladu.

À ce moment-là, la Loi québécoise concernant les soins de fin de vie réservait l’aide médicale à mourir aux seules personnes « en fin de vie », alors que la loi canadienne affirmait que l’aide médicale à mourir ne pouvait être offerte qu’aux personnes faisant face à « une mort naturelle raisonnablement prévisible ».

Tout cela a été remis en question devant la Cour supérieure afin que l’aide médicale à mourir soit offerte aux patients qui ne sont pas exclusivement en fin de vie. La Cour a entendu les témoignages de deux Québécois atteints de maladies dégénératives incurables, mais dont la science ne saurait prédire ou garantir la mort à court terme.

Nicole Gladu, qui souffre d’un syndrome post-poliomyélite, et Jean Truchon, atteint de paralysie cérébrale, contestaient le fait qu’on leur ait refusé l’aide médicale à mourir en 2016, sous prétexte que leur mort n’était pas imminente.

Leur avocat plaidait que le critère de mort « raisonnablement prévisible » était contraire aux articles 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui garantissent respectivement le droit à la vie et à la sécurité et le droit à l’égalité.

Nicole Gladu est dans un déambulateur. Jean Truchon est en fauteuil roulant. Photo : Radio-Canada / Geneviève Garon

L’obstruction des conservateurs

Il y a un mois de demi, le ministre canadien de la Justice, David Lametti, avait accusé les députés conservateurs de faire de l’obstruction afin d’empêcher l’adoption du projet de loi C-7.

En décembre, les députés conservateurs avaient pris la parole sans relâche pour s’opposer à certains aspects de son contenu pour des raisons morales, constitutionnelles et religieuses.

Rappelons que le gouvernement canadien était alors sous pression, car il ne disposait plus que de quelques jours pour respecter l’ordre de la cour qui lui donnait jusqu’au 18 décembre pour modifier sa loi.

Le projet de loi est en bonne partie une réponse législative à une décision de la Cour supérieure du Québec, en septembre 2019, qui avait invalidé une partie de la version initiale de la loi canadienne sur la mort assistée adoptée en 2016.

À la Chambre haute au même moment, des sénateurs conservateurs se demandaient si des portions du projet de loi canadien pour élargir l’accès des citoyens à l’aide médicale à mourir étaient vraiment constitutionnelles et si elles résisteraient à l’examen des cours de justice.

Ils estimaient que le projet de loi violait la garantie d’égalité de la Charte des droits et libertés parce qu’il stipulait que les personnes souffrant uniquement de maladies mentales n’auraient pas accès à une mort assistée.

Les sénateurs espèrent conclure leur débat et soumettre le projet de loi à un vote final d’ici mercredi prochain.

Ce calendrier vise à permettre au gouvernement de respecter le délai, trois fois reporté, imposé par le tribunal pour rendre la loi fédérale conforme à la décision de la Cour supérieure du Québec de 2019. Le plus récent délai accordé au gouvernement est celui du 26 février.

Le ministre Lametti n’exclut pas de renvoyer le projet de loi à la Cour suprême pour en vérifier la portée.

RCI avec La Presse canadienne, CBC News et Radio-Canada

Catégories : Politique, Santé, Société
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