La Presse canadienne

Roméo Dallaire exhorte le Canada à agir contre le « génocide » en Chine

L’ex-lieutenant-général canadien, connu pour avoir mené la mission des Nations unies lors du génocide au Rwanda en 1994, estime que l’intérêt personnel de plusieurs politiciens fédéraux à Ottawa fait obstacle à l’obligation du Canada de défendre les droits de la personne en Chine, notamment dans le dossier du génocide de la minorité musulmane ouïgoure.

Dans une entrevue télévisée sur CBC, Roméo Dallaire a déclaré mercredi qu’il appuyait la conclusion d’un rapport juridique indépendant publié mardi qui conclut que la Chine mène un génocide permanent contre sa population ouïgoure au Xinjiang.

Le gouvernement canadien a dit qu’il allait examiner le rapport, mais il ne semble pas prêt à affirmer que la Chine est coupable de génocide.

Le premier ministre Justin Trudeau et son gouvernement ont été réticents à utiliser le mot génocide, arguant qu’il faut davantage de preuves provenant d’enquêtes indépendantes.

Le Canada aurait une responsabilité, selon Dallaire

L’ex-militaire reproche au gouvernement canadien de ne pas jouer un rôle de premier plan dans la création d’une coalition de pays alliés partageant les mêmes idées pour réagir aux violations présumées du gouvernement chinois.

« Quand il y a des violations massives des droits de la personne par un État […] nous avons tous la responsabilité d’aller les protéger. Nous nous sommes engagés à le faire. Le monde s’y est engagé », a ajouté M. Dallaire.

« L’intérêt personnel et le manque de volonté de prendre le risque de tenir responsables les grandes nations qui font des choses horribles sont toujours prédominants. Soit vous êtes une grande nation qui croit en ses valeurs et en ce que son drapeau représente, et ce pour quoi tant de gens sont morts, soit vous êtes cela, soit vous ne l’êtes pas », a-t-il lancé.

« Je pense qu’il est nécessaire de renforcer le corps diplomatique de ce pays pour qu’il fasse preuve d’innovation, de jugeote, de capacité à aller au-delà de l’appel d’une nation comme la nôtre et […] à se surpasser, car nous ne le faisons pas assez aujourd’hui, voire pas du tout.

« Je pense que nous l’avons fait dans le passé et j’aimerais voir notre corps diplomatique retrouver cette stature et aider à guider les politiciens sur cette voie. »

Des hommes de la minorité ouïghoure travaillent dans une ferme près de la ville de Lukqun dans le Xinjiang (Chine) - 30.10.2013 - Photo : Reuters / Carlos Barria

Des hommes de la minorité ouïgoure travaillent dans une ferme près de la ville de Lukqun dans le Xinjiang. – Photo : Reuters / Carlos Barria

Vote au Parlement sur le génocide des Ouïgours en Chine

Le mois dernier, la Chambre des communes avait voté pour qualifier de génocide la persécution des Ouïgours et d’autres musulmans turcs par la Chine.

Une majorité substantielle de députés, y compris la plupart des députés libéraux du gouvernement de Justin Trudeau, ont voté pour la motion conservatrice affirmant que les gestes de la Chine répondent à la définition de génocide telle qu’énoncée dans la Convention des Nations unies sur le génocide de 1948.

Le ministre des Affaires étrangères Marc Garneau s’était officiellement abstenu de voter, tandis que le premier ministre Trudeau et le reste de son cabinet ne se sont pas présentés.

Pourquoi s’en prendre aux Ouïgours?

Les Ouïgours représentent moins de 1 % de la population chinoise. Pourtant, des documents de Pékin obtenus par le comité de la Chambre des communes montrent qu’environ 80 % de toutes les nouvelles poses de stérilets en Chine ont eu lieu dans le Xinjiang.

Des experts dans le monde et des activistes des Nations unies affirment que plus de 1 million de Ouïgours, de Kazakhs et d’autres personnes ont été détenus arbitrairement dans des centres ressemblant à des prisons pour endoctrinement politique.

Une sous-commission des droits de l’homme internationaux de la Chambre des communes a déposé un rapport en octobre dernier qui conclut que les mauvais traitements infligés par Pékin aux Ouïgours constituent bel et bien une opération politique de génocide.

En janvier dernier, Ottawa avait annoncé une nouvelle réglementation visant à garantir que les entreprises canadiennes ne sont pas complices de violations des droits de l’homme ou de l’utilisation du travail forcé au Xinjiang. Mais ces mesures n’ont pas permis d’imposer des sanctions de type « Magnitsky » aux responsables chinois, ce que réclamaient le comité et les conservateurs.

Un manifestant portant un masque peint aux couleurs du drapeau du Turkestan oriental et une main portant les couleurs du drapeau chinois pour protester contre le traitement réservé par la Chine aux musulmans ouïgours. (Ozan Kose/AFP/Getty Images)

Pékin s’en prend au Canada

Wang Wenbin, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères Photo : VCG

Il y a un peu plus de trois semaines, à la suite du vote des députés condamnant la Chine, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères avait accusé les députés canadiens de dénigrer son pays.

Lors d’un point de presse à Pékin, Wang Wenbin avait déclaré que la motion des Communes ne tenait pas compte des faits et visait à calomnier et à diffamer la Chine.

La Chine affirmait que les centres où sont rassemblés les Ouïgours sont destinés à combattre l’extrémisme et à enseigner des compétences professionnelles, mais d’anciens résidents et des groupes de défense des droits affirment qu’ils visent l’islam et les langues et cultures minoritaires.

« Les faits ont prouvé qu’il n’y a pas de génocide au Xinjiang. C’est le mensonge du siècle inventé par des forces extrêmement antichinoises », a ajouté M. Wang.

Il avait condamné le vote comme une ingérence dans les affaires intérieures de la Chine et a affirmé que le gouvernement chinois avait « déposé des représentations sévères » auprès du Canada.

Il avait également rejeté la partie de la motion qui demandait au gouvernement de faire pression sur le Comité international olympique pour qu’il retire à Pékin les Jeux d’hiver de 2022 si le pays ne change pas de cap.

« Les politiciens canadiens politisent le sport contre l’esprit de la charte olympique et cela nuit aux intérêts du mouvement international et aux efforts de tous les pays », a lancé M. Wang.

RCI avec CBC News et La Presse canadienne

 

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