Maquette projet du GNL du Saguenay au Québec qui comprend un gazoduc, une usine et un parc portuaire. https://www.lapresse.ca/actualites/201910/14/01-5245397-40-economistes-sonnent-lalarme-contre-gnl-quebec.php

Projet GNL Québec : « La somme des risques supérieure à celle des avantages »?

Après un prolongement de sa mission jusqu’au 10 mars 2021, au terme d’un mandat qui a débuté le 14 septembre, le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) a déposé son rapport concernant le projet Énergie Saguenay de GNL Québec.

Il s’agit d’un projet qui vise la construction d’un complexe industriel de liquéfaction de gaz naturel sur le site de port Saguenay. Il vise à exporter jusqu’à 11 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié (GNL) sur les marchés mondiaux à partir de terminaux situés dans l’ouest du Canada, notamment en Alberta et en Colombie-Britannique.

Le BAPE a émis des avis concernant les retombées économiques, mais aussi les incidences négatives du projet pour l’environnement aussi bien au Canada qu’ailleurs dans le monde.

En ce qui concerne les gains économiques, on apprend que ce projet sera générateur de près de 6000 emplois directs et indirects au Québec, et ce, seulement pendant la période de construction qui s’étale sur quatre ans.

Par la suite, quand le projet sera opérationnel en 2025, l’exploitation et la commercialisation vont donner lieu à la création de nouveaux emplois, dont plusieurs permanents.

Il faut également compter avec le fait qu’un tel projet est susceptible de donner une certaine vitalité aux collectivités locales qui pourront développer des projets et entreprises connexes tout autour.

Pour ce qui est des enjeux sur le plan environnemental, le BAPE considère qu’en raison du débat « très polarisé » dans le milieu d’accueil et dans l’ensemble du Québec, il n’a pas été en mesure de se prononcer sur l’acceptabilité sociale à l’égard de ce projet.

Ses analyses ont permis d’observer que « la somme des risques afférents au projet dépasse celle des avantages ».

Le rapport met en garde contre les risques pour les mammifères marins du trafic maritime au Saguenay et dans l’estuaire du Saint-Laurent.

Au Fjord du Saguenay, on craint pour les répercussions sur le milieu biologique, sur la faune aquatique, notamment en raison de la précarisation de l’habitat du béluga, une espèce menacée.

Les impacts, sur le milieu marin humide, sur la santé et la qualité de vie des populations riveraines et sur la sécurité des Premières Nations, doivent également être pris en compte dans le processus décisionnel du gouvernement du Québec.

LE BAPE a publié son rapport à la suite d’un processus de participatif qui a permis de recueillir des milliers d’avis à travers le Québec, sur ce projet considéré comme l’un des plus polarisants dans cette province. Crédit IStock

Impacts dans les pays clients

Les considérations environnementales ne concernent pas seulement le Canada et le Québec. Les pays qui vont acheter le GNL en provenance des terminaux de l’Ouest seront également impactés.

Le BAPE mentionne à ce sujet que l’activité de liquéfaction au Québec se fera avec l’usage de l’énergie produite par l’électricité de source hydrique. L’avantage attendu est que cela permette de limiter l’empreinte carbone. Mais, la commission ne confirme pas un tel bilan positif, bien qu’il ait été maintes fois souligné par l’initiateur du projet, GNL Québec.

Elle justifie cette incertitude par le fait que « les émissions de gaz à effet de serre (GES) associées à l’approvisionnement en gaz naturel en amont et la substitution incertaine à des énergies plus polluantes en aval » ne lui permettent pas d’y voir plus clair.

Un tel flou est révélateur des difficultés de la commission à éclairer la décision gouvernementale sur ce projet. Celles-ci sont davantage perceptibles dans la déclaration suivante contenue dans le rapport :

« La commission est d’avis que le gouvernement ne peut escompter les effets nets de GES au niveau mondial. La valeur de référence associée au projet qui devrait être retenu pour la prise de décision gouvernementale serait plutôt un ajout d’émissions de GES, bien que la commission ne puisse l’établir de manière précise. »

Cette décision devrait prendre en compte, par ailleurs, les effets des autres composantes du projet : gazoduc et lignes d’alimentation électriques, entre autres.

Un projet peu compétitif en fin de compte ?

Le projet sera réalisé à hauteur de neuf milliards de dollars. Il comprendra des équipements de liquéfaction, d’entreposage et des infrastructures maritimes.

Bien qu’on anticipe une hausse de la demande de GNL à l’échelle mondiale au cours des prochaines années, ce projet pourrait voir ses fenêtres d’opportunité être réduites à l’horizon 2030.

En réalité, depuis son amorce initiale en 2014, plusieurs projets concurrentiels ont vu le jour. Certains sont en cours de construction et leurs productions viendront en quelque sorte renforcer le potentiel du GNL sur le marché mondial.

De ce fait, GNL Québec aura à faire face à une concurrence qui s’annonce importante à long terme, avec un surnombre de terminaux de liquéfaction anticipé pour 2040 dans le monde.

Il faut également compter avec les réserves qui ont été émises par l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Celle-ci est loin de considérer aujourd’hui le gaz naturel comme un acteur clé dans la transition énergétique.

Les quantités de GES qui découlent de l’exploration et de l’extraction sont jugées trop importantes pour s’inscrire en conformité avec l’Accord de paris.

Gazoduq entend construire et exploiter un pipeline pour relier deux réseaux de transport de gaz naturel : TC Énergie dans le Nord-est de l’Ontario et Énergie Saguenay, le terminal de liquéfaction de gaz naturel de la compagnie GNL Québec. Crédit : Istock

Le gouvernement du Québec prend acte du rapport, GNL Québec conscient de ses devoirs

Le rapport du BAPE a suscité des réactions au Québec et auprès de l’initiateur du projet.

Se disant pas très surpris, GNL Québec souligne que ce rapport pose des questions légitimes. Il marque certes une certaine prudence en ce qui a trait aux questions environnementales, mais il met en lumière les aspects positifs du projet.

Toutefois, il y a des aspects qu’il faut éclaircir davantage que le rapport mentionne aussi. GNL Québec affirme sa lucidité à ce sujet et l’importance de prendre en considération les différents aspects dans les devoirs qui seront les siens.

Le gouvernement du Québec, par voie de communiqué du ministère de l’Environnement et de la Lutte aux changements climatiques, a mentionné que les études d’impacts environnementaux sont toujours en cours dans cette administration.

Les avis du BAPE seront pris en compte dans cette étude, souligne le communiqué. Les experts de ce ministère travailleraient en collaboration avec des collègues des autres administrations pour mieux outiller le gouvernement dans sa prise de décision au sujet d’Énergie Saguenay. C’est ce qui est prévu dans le cadre de la Loi sur l’environnement.

« Nous avons clairement indiqué qu’il revenait au promoteur du projet Énergie Saguenay de faire la démonstration que leur projet apporterait une contribution positive à la réduction des émissions mondiales de GES. Nous invitons donc le promoteur à répondre aux questions soulevées dans le rapport du BAPE et à collaborer dans la suite de l’évaluation environnementale ». – Benoit Charrette, ministre de l’Environnement et de la Lutte aux changements climatiques.

Il faut noter que dans les années 1900, le charbon fournissait 95 % de l’énergie primaire commerciale, en dehors du bois de chauffage. Mais au XXe siècle, l’utilisation combinée du gaz naturel et du pétrole ont permis de ramener à 25 % cette part.

Malgré cela, des pays en Asie (Chine, Inde), en Europe (Russie) et en Amérique (États-Unis) doivent encore réduire leurs niveaux de pollution au charbon utilisé dans la production de l’électricité et dans la sidérurgie.

Les sources de production hydroélectriques seraient davantage privilégiées, le gaz naturel liquéfié étant considéré comme une source de production fossile susceptible de produire des émissions de GES aux phases d’exploration et d’exploitation.

Parmi les réactions au sein de la société civile, il y a celle d’Environnement jeunesse Québec. Cette organisation invite le gouvernement provincial à simplement rejeter ce projet.

On sait que le Québec se distingue au sein du Canada par une mobilisation récurrente contre les projets d’oléoduc en raison des effets environnementaux redoutés. La question de l’acceptabilité sociale du projet Énergie Saguenay a été à plusieurs reprises scandée par les opposants à ce projet.

Selon le rapport du BAPE, des données chiffrées de l'Atlas du Monde diplomatique, un communiqué du ministère de l'Environnement et de la Lutte aux changements climatiques du Québec, une réaction de GNL Québec via Radio-Canada

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Catégories : Économie
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