D’où viendront les sommes d’argent pour sauver les cours en français à l’Université Laurentienne? Cette université bilingue ontarienne est secouée par d’importantes difficultés financières. Bien que difficile à chiffrer, son déficit serait très important. Cela a entraîné la fin d’une soixantaine de programmes, dont 28 en français.
Le fédéral et l’Ontario appelés à collaborer
C’est un préjudice important pour les francophones qui souffrent le plus de la restructuration. L’établissement l’a mise en place pour mettre de l’ordre dans ses finances.
Les 28 programmes visés intègrent des disciplines comme le génie minier, la langue française, l’histoire, la géographie et les sciences.
Au-delà du rôle de premier plan de cette université dans la formation des francophones du nord-est de l’Ontario, elle revêt une signification particulière pour les francophones de la province et de partout ailleurs au Canada.
C’est un objet d’identification sociologique et culturel qui permet de cultiver et d’entretenir l’appartenance à une communauté linguistique minoritaire en Amérique du Nord.
Dans le but de maintenir la vitalité de la langue française dans cette province à majorité anglophone et de permettre aux étudiants francophones de poursuivre leurs études postsecondaires dans leur langue, plusieurs élus à Ottawa ont apporté leur soutien aux Franco-Ontariens.
Inquiets que 28 programmes francophones disparaissent ainsi, ils ont invité la ministre responsable des Langues officielles, Mélanie Joly, à travailler de concert avec la ministre ontarienne des Affaires francophones et des Transports, Caroline Mulroney, pour mettre un terme à cette crise.
Le premier ministre du Canada a affirmé, en point de presse mardi, que la ministre Joly était déjà en contact avec son homologue du gouvernement ontarien pour en savoir davantage sur le plan de protection de cet important établissement.
« Eh oui, le gouvernement fédéral sera là pour aider, mais c’est au provincial d’établir la marche à suivre », a déclaré M. Trudeau.
Les élus sont également déçus de la décision de l’université de procéder au licenciement des enseignants.
Ce sont une dizaine de postes de professeurs qui sont concernés sur la centaine à supprimer. On sait que cette université emploie plus de 1000 personnes, dont 361 professeurs à temps plein et 250 chargés de cours. Au moins 5879 étudiants sont à temps plein en anglais, et 1345 sont dans des programmes en français.
De façon plus générale, plus de 30 000 étudiants sont inscrits dans des programmes en langue française en Ontario, dont une bonne partie à l’Université Laurentienne. Elle se positionne ainsi comme le creuset de l’enseignement en français en Ontario. Les francophones représentent plus du quart de la population dans cette région de la province.
L’Université Laurentienne et son drapeau vert et blanc de la communauté francophone sont aussi un motif de fierté. La décision de mettre un terme à une trentaine de programmes en français amoindrira à coup sûr la vitalité tant culturelle qu’économique de cette localité.
Certes l’élan de solidarité manifesté par les élus à Ottawa apporte un certain renfort aux efforts visant à inverser la donne, mais l’Université a besoin plus que jamais de fonds pour se relancer.
Des programmes sacrifiés au profit des infrastructures d’hébergement?
Déjà dans une crise financière en février, l’Université s’est déclarée insolvable et s’est placée sous la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC).
Elle a émis le souhait de se voir accorder, dans un premier temps, une subvention de 100 millions de dollars. Cette somme servira principalement à payer des indemnités à tous les travailleurs qui ont été licenciés et à gérer les cessations d’emploi.
Selon plusieurs observateurs, le fait que le gouvernement de l’Ontario ait décidé de réduire le financement des universités de 360 millions de dollars est un écueil supplémentaire pour cet établissement.
D’autres croient plutôt qu’il y a eu des erreurs de gestion de la part de la Laurentienne. C’est du moins ce qui ressort de la position de l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université.
Des porte-parole de cette association ont confié à Radio-Canada que l’Université Laurentienne est victime de son manque de transparence et de mauvais choix dans la gestion de ses finances.
Elle aurait privilégié la construction et la modernisation de logements étudiants qui demeurent inoccupés, au détriment du financement des programmes d’enseignement.
Les programmes en français, qui ont moins d’étudiants, se trouvent ainsi sacrifiés.
En raison de l’incertitude qui plane sur l’avenir des étudiants francophones, le président de leur association, Simon Paquette, est frustré par tout le processus.
Il a appelé ses camarades à veiller avant tout sur leur santé mentale. « L’instabilité et l’incertitude à laquelle nous sommes actuellement confrontés en ce qui concerne le processus de la LACC laissent la plupart d’entre nous anxieux », a-t-il observé.
« Bien que l’Association des étudiantes et étudiants (AEF) et de nombreux autres partenaires fassent de leur mieux pour préserver autant de programmes francophones que possible, le processus juridique laisse plusieurs aspects hors de notre contrôle », a-t-il ajouté.
Une université plus subventionnée que les autres?
Une attachée de presse de la ministre des Affaires francophones a affirmé, il y a quelques jours, que la Laurentienne avait près de 80 milliards de subventions chaque année depuis cinq ans, ce qui en fait l’une des plus soutenues dans la province.
Par ailleurs, elle a mentionné qu’il existe une entente bilatérale entre les gouvernements du Canada et de l’Ontario pour répondre aux besoins de plus de 622 000 Franco-Ontariens en matière d’éducation postsecondaire.
Il s’agit d’une entente qui prévoit un investissement fédéral de 63 millions de dollars de 2019 à 2024, et une part égale de l’Ontario de 2023 à 2027.
Selon les propos de l’attachée, en 2019-2020, la Laurentienne aurait reçu plus de 104 millions de dollars du ministère, en plus de la somme de 1,1 million du gouvernement du Canada.
Ces montants étaient destinés en priorité au développement et à l’offre des services et programmes postsecondaires en français, en plus de soutenir l’Université de Sudbury.
« Il est très préoccupant et regrettable que l’Université Laurentienne ait dû prendre des mesures aussi radicales pour mettre ses finances en ordre. Nous suivons la situation de près. Notre priorité est la continuité de l’apprentissage pour les étudiants de la Laurentienne », a affirmé Natasha Tremblay, porte-parole de la ministre Mulroney.
Selon des informations fournies par l’attachée de presse de la ministre des Affaires francophones de l’Ontario, Radio-Canada, l'AEF et des informations issues du Parlement à Ottawa.
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