Barkerville, la ruée vers l’or des Chinois

Une rue de Barkerville

Par Li Zhao

Barkerville est une petite ville historique située au centre est de la Colombie-Britannique. Bien que peu connue, elle a néanmoins marqué la glorieuse épopée de la ruée vers l’or, au début de l’histoire canadienne. Les pionniers originaires de Chine y ont laissé leurs empreintes.

Membre du conseil d’administration de Barkerville, où elle siège depuis de nombreuses années, Mme Lao Xiaohong a fait beaucoup de travail bénévole pour préserver les traces historiques et artefacts de la présence des Chinois dans cette ville aurifère et leur contribution économique et culturelle.

Lao Xiaohong nous a accordé une entrevue pour nous parler du passé et du présent de Barkerville.

D’où vient le nom de la ville?

Barkerville est située à environ 750 km au nord-est de Vancouver, soit un trajet de 8 h 30 par la route. L’intérêt de vous y rendre en voiture, souligne Mme Lao, est qu’il vous sera possible de traverser une nature sauvage grandiose et d’y longer en cours de route de nombreux sites historiques.

Cependant, si la conduite automobile ne vous semble pas indiquée pour un si long trajet, vous pourrez également prendre un vol jusqu’à la petite ville de Quesnel, à 80 km à l’ouest de Barkerville, puis louer un véhicule ou encore trouver un taxi, cette dernière option étant plus onéreuse.

Pour écouter l’entrevue en chinois

Mme Lao indique que Barkerville a vu le jour à la fin des années 1850 et que sa naissance était attribuée à la ruée vers l’or.

À l’époque, 30 000 prospecteurs et chercheurs d’or venus d’un peu partout avaient frénétiquement envahi la vallée du fleuve Fraser, où l’on avait découvert le précieux métal en quantité mirifique, pensait-on. Cependant, les dépôts aurifères s’épuisant, cette ruée a été de courte durée et le rêve s’est estompé.

Ceux qui en avaient les moyens ont déménagé pénates et richesses à la recherche de nouveaux gisements. Quant aux plus pauvres et à ceux qui étaient ruinés, ils ont disparu tout simplement de la petite histoire.

En 1862, dans la zone montagneuse de Cariboo (vaste région au centre de la Colombie-Britannique), le prospecteur britannique William Barker (1817-1894) a soudainement acquis une grande notoriété pour avoir, disait-on, extrait 2 kg d’or en quelques heures.

L’allégation était certes exagérée, mais il n’en demeure pas moins que William Barker est devenu riche du jour au lendemain. En très peu de temps, de nombreux chercheurs d’or se sont installés en amont et en aval de son excavation.

En seulement quelques mois, tous se sont entendus pour attribuer à la collectivité de ce champ aurifère le nom de famille du prospecteur britannique. C’est ainsi qu’est né Barkerville.

On raconte que le richissime William Barker a prêté à perte d’énormes sommes d’argent à des amis prospecteurs d’or, qui ont été moins chanceux que lui. Sa générosité et son dispendieux train de vie dans les hôtels et les « saloons » de Victoria et de Barkerville l’ont obligé quelque temps plus tard à retourner prospecter. Mais en vain. Barker est mort sans le sou et enterré à Victoria dans un carré du cimetière réservé aux pauvres.

Ruée vers l’or, les Chinois étaient nombreux

Des touristes à Barkerville

Mme Lao Xiaohong précise qu’en devenant célèbre du jour au lendemain, cette petite agglomération a attiré des gens du monde entier, y compris un grand nombre d’explorateurs chinois. Évidemment, tous ces nouveaux arrivants espéraient trouver de l’or, faire fortune ou, du moins, s’insérer d’une manière ou d’une autre dans l’économie locale pour y gagner leur vie.

En 1863, constatant qu’un nombre important de Chinois s’étaient établis à Baskerville, la très ancienne organisation sociale chinoise Hong Men y a fondé une succursale. Cette franc-maçonnerie chinoise avait pour mission publique d’aider matériellement et spirituellement la communauté chinoise locale.

La chance a souri à un certain nombre de Chinois qui ont pu trouver de l’or et s’enrichir à Barkerville. Mais les résultats n’ont pas été de même ampleur pour tous. D’un côté, les concessions étaient en nombre limité. Puis, les dépôts aurifères avaient été épuisés par les fouilles des exploitants successifs. Les premiers arrivants s’étaient servis. Les autres pouvaient toujours espérer trouver un peu de poudre d’or sur les planchers des « saloons ».

Le premier Chinatown dans l’ouest de l’Amérique du Nord

Un restaurant de Barkerville

Mme Lao Xiaohong raconte que Barkerville était la ville aurifère la plus prospère de toutes. À son apogée, elle comptait 5600 habitants, dont la moitié était composée de Chinois venus de Californie ou ayant migré directement de Chine.

À Barkerville, les Chinois œuvraient individuellement dans les domaines des services et de soutien : épiceries, restaurants, hôtels et motels, salons de thé et de repos, magasins généraux, emballage, transport, etc. Certains étaient propriétaires de ranchs et de petites entreprises agricoles.

La compagnie chinoise Kwong Lee & Co., disposant d’entrepôts et d’un réseau de subsidiaires dans plusieurs villes aurifères, a acquis à Barkerville en 1866 des permis de commerce de détail et de gros. Cela lui a permis de créer et d’approvisionner nombre de magasins généraux en riz, thé, cigares, allumettes vêtements, couvertures, bottes… et même des préparations pharmaceutiques à base de substances analgésiques et antispasmodiques.

La ruée vers l’or à Barkerville a créé une forte demande pour les affaires et entraîné une augmentation rapide de la population.

Pour écouter l’entrevue en chinois

Mme Lao poursuit en précisant que de nos jours, un nombre de 3000 Chinois semble peu de chose, mais à l’époque c’était un nombre important.  Barkerville avait ainsi son Chinatown, le plus ancien quartier chinois de l’ouest de l’Amérique du Nord, avec entre autres ses restaurants.

À la fin de la vague de la ruée vers l’or, environ le quart des Chinois sont retournés en Chine. En grande majorité, les autres ont quitté Barkerville et se sont dispersés partout ailleurs.

Barkerville est un parc historique

Le temps a passé et l’or s’est épuisé. L’histoire de l’extraction aurifère à Barkerville s’est terminée après des décennies de gloire.

Barkerville est devenue un vestige d’une époque révolue.  Ce grand parc historique offre aux touristes un aperçu de l’atmosphère de la ruée vers l’or du 19e siècle et permet de comprendre l’histoire.

Il n’y a plus d’habitants à Barkerville. Tous ceux qui y résidaient se sont relogés dans les villes avoisinantes.

À travers le temps et l’espace

Vue de Barkerville

En tant que membre du conseil d’administration de Barkerville, Mme Lao Xiaohong s’est rendue à plusieurs reprises dans cette ville historique. Chacune de ses visites a créé en elle de grandes émotions.

« Chaque fois que j’y vais, raconte-t-elle avec émotion, j’ai un fort sentiment d’appartenance, comme si j’étais au 19e siècle. »

C’est comme entrer dans un film. L’histoire y est bien conservée. Les panneaux du Chinatown sont toujours là ainsi que les boutiques et les restaurants exploités à cette époque. Les visiter donne aux gens le sentiment d’être en affaires.

Et puis, comme souvenir de la vie culturelle de l’époque de la ruée vers l’or, on trouve le théâtre de Barkerville avec sa scène en bois et, dans la salle, des mineurs qui regardent le spectacle…

Mme Lao Xiaohong a poursuivi en expliquant que l’histoire des Chinois de Barkerville est étroitement liée à celle de tous les autres chercheurs d’or. Les Chinois font intimement partie de ces chercheurs. C’est donc un endroit très diversifié, riche en reliques chinoises et européennes.

Bref, lorsqu’on arrive à Barkerville, on a le sentiment de traverser le temps et l’espace.

Site historique

Le théâtre de Barkerville

En 2007, ajoute Mme Lao, le gouvernement canadien a désigné comme établissement historique le Chee Kung Tong Building (pavillon de la franc-maçonnerie chinoise). Ce bâtiment illustre le sentiment d’appartenance des travailleurs immigrés et commerçants chinois. On y tenait des cérémonies et des célébrations traditionnelles pour maintenir la connexion entre la diaspora et la Chine. Il servait aussi de lieu de réunion pour traiter les affaires de la communauté.

En 1868, Barkerville a célébré le premier anniversaire du Dominion du Canada, appellation rarement utilisée, mais employée pour la première fois lors de la Confédération en 1867.

En 1880, à son apogée, Barkerville comptait 5600 habitants, dont la moitié était d’origine chinoise.

En avril 2008, le Chinatown de Barkerville accédait au statut de lieu historique national du Canada, une étape importante pour l’histoire des Chinois au Canada.

« Membre  multiculturel » de Barkerville

Mme Lao Xiaohong fait ressortir que le conseil d’administration de Barkerville en Colombie-Britannique, responsable de la gestion de cette ville historique, avait créé en 2005 un poste de « membre  multiculturel ». Cela témoigne de l’importance attachée à l’histoire des Canadiens d’origine chinoise.

Vestiges ancestraux

Scène de vie touristique à Barkerville

Un grand nombre d’artefacts et de reliques, retrouvés dans les ruines des bâtiments ancestraux chinois de Barkerville, ont montré qu’à cette époque, 75 % des résidents chinois étaient originaires du sud du fleuve Yangzi Jiang (autrefois appelé en français fleuve bleu, c’est le premier grand fleuve de l’Asie, et le troisième en importance au monde).

Barkerville abrite également un cimetière chinois. Ces dernières années, des organisations chinoises ont fait une collecte de fonds afin de le restaurer.

2018, année touristique Chine-Canada

Mme Lao Xiaohong rappelle en terminant que 2018 était l’année touristique Chine-Canada, et que la ville historique de Barkerville est assurément un endroit passionnant à visiter.

Un grand parc provincial, avec  de nombreuses installations de loisirs, permet aux visiteurs de profiter de nombreuses activités en plein air.

Ville historique et parc de Barkerville

Résumé

  • Ville et parc : 457 hectares
  • Visiteurs annuels : de 50 000 à 60 000 personnes
  • Nombre de collections : plus de 200 000 pièces (dont 18 500 sont des artefacts chinois)
  • Bâtiments historiques : 107
  • Grands événements organisés chaque année : de 15 à 18
  • Nombre de campings : 161
  • Membres du conseil d’administration de Bakerville : 14, et un président d’honneur
  • Employés à temps plein : 17
  • Employés à temps partiel : 4
  • Employés temporaires : 11
  • Licence commerciale : 15
  • Guides touristiques professionnels : 7
  • Contribution à l’économie locale : de 20 à 25 millions de dollars par an
  • Frais d’exploitation annuels : de 3 millions à 3,5 millions de dollars

Pour plus d’informations, visitez www.barkerville.ca ou appelez le numéro sans frais 1 888 994-3332.

(Li Zhao / RCI)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *