Deux sources primordiales de l’alimentation pour des millions d’oiseaux et de poissons de la baie de Fundy entre les provinces maritimes de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick pourraient avoir involontairement traversé l’Atlantique avec les premiers colons venus d’Europe.
Des chercheurs de l’Université du Nouveau-Brunswick pensent que le corophie tourneur (mud shrimp) et la gravette (mud worm) sont deux espèces invasives venues d’Europe, transportées dans les ballasts des navires, sans doute même des navires de Samuel de Champlain.
« On ne peut pas en être certain à 100%» de dire le chercheur Tony Einfeldt, « mais c’est fort possible.»
Le Dr Einfeldt tire ses conclusions d’analyses génétiques, comparant les gênes de crevettes et de vers côtiers de la baie de Fundy avec des crevettes et des vers côtiers des côtes européennes.
« Nous pouvons aisément supposer d’où viennent ceux et celles d’ici, car les identités génétiques sont les mêmes des deux côtés de l’océan,» affirme le professeur Einfeldt.
Pour comprendre comment ces espèces seraient venues ici, Tony Einfeldt a mis en lien les mouvements de ces invertébrés avec les grandes transhumances historiques.
« Nous savons que ces deux espèces sont de très mauvais nageurs. Elles n’ont pas tendance à bien se disperser. De plus, nous pouvons déterminer, dans certains cas avec certitude, que des espèces invasives ici en Amérique sont venues dans les eaux de ballast des navires qui ont traversé l’Atlantique. »
Les vaisseaux doivent pomper de l’eau de mer et la stocker dans des ballasts ou l’en évacuer afin de bien équilibrer leurs cargaisons. Les créatures marines « avalées » lors des prises d’eau de ballast restent prisonnières jusqu’au délestage, opération qui régulièrement s’effectue très loin de la prise de ballast.
Jamais de ces crevettes et de ces vers n’ont été trouvés dans les eaux de ballast des navires transatlantiques modernes.
Le chercheur Tony Einfeldt de l’Université de Nouveau-Brunswick
Par contre, les premiers navires à traverser l’Atlantique, des nefs à voile, ne se servaient pas d’eau comme ballast, mais de pierres, de bois et de boue.
Et c’est dans la boue que vivent les deux espèces dont il est question ici.
« Et les seuls navires dont nous avons la certitude qu’à bord desquels de la boue servait comme ballast étaient ceux des premières expéditions des explorateurs Samuel de Champlain et Henry Hudson au début du XVIIe siècle, » explique le chercheur.
Selon lui, c’est de cette façon que cette crevette et ce ver sont arrivés de ce côté-ci de l’Atlantique.
Les recherches en génétique du professeur Einfeldt ont permis de localiser plusieurs «introductions» de ces deux espèces le long de la côte Est du Canada et du nord des États-Unis.
« Les crevettes et les vers vivant dans la boue de la baie de Fundy sont venus de France selon toute vraisemblance.»
« Une seconde arrivée apparaît dans le golfe du Maine. Nous croyons que l’origine des invertébrés qu’on y retrouve aujourd’hui est du nord de l’Europe, essentiellement des côtes de Norvège, d’Allemagne ou du Danemark.»
Aujourd’hui, ces invertébrés contribuent grandement à l’écologie des Maritimes, car ils constituent le cœur de l’alimentation de milliers d’oiseaux et de poissons.
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