Pensions alimentaires non payées au Canada : plus de 3,7 milliards

Pensions alimentaires non payées au Canada : plus de 3,7 milliards
Photo Credit: IS / iStock

Pensions alimentaires non payées au Canada : plus de 3,7 milliards

En anglais, on les appelle « deadbeats », la traduction est difficile. Il s’agit en fait des personnes qui ne respectent pas les conditions de versement de pensions alimentaires telles que décrétées dans des causes de divorce.

Au Canada, ces mauvais payeurs doivent plus de 3,7 milliards de dollars.  En fait, près des deux tiers des parents qui se sont vu imposer des conditions de paiement de pension alimentaire, pour enfant ou pour ex-conjoint(e) sont en arriéré de versements.

Rien qu’en Ontario, cette statistique passe à 80% des cas, et ce, même si le gouvernement de la province affirme avoir remplacé un système informatique désuet et que les agents ont réussi à récupérer 6,9 milliards de pension alimentaire depuis 2003.

Tant les experts que ceux et celles qui reçoivent ces paiements de pension alimentaire affirment qu’il n’y a pas assez de personnel pour bien faire le travail de monitorage des quelques demi-millions de dossiers en cours d’un bout à l’autre du pays.

En Saskatchewan, un débiteur doit près de 580 000$ en arriéré de pension alimentaire. Le plus délinquant à l’Île-du-Prince-Édouard est en défaut de paiement pour 240 000$, alors que dans les Territoires du Nord-Ouest, le fautif avec la plus élevée doit 238 000$.

Selon le professeur Rollie Thompson de l’Université Dalhousie à Halifax, ce problème doit être pris de front et réglé.

Professeur Rollie Thompson de la faculté de Droit de l’Université Dalhousie

Professeur Rollie Thompson de la faculté de Droit de l’Université Dalhousie

« Il est important de se rappeler que tous les programmes au Canada sont dans un triste état, peu importe la province ou le territoire. Il n’y a aucun programme solide. »

D’un bout à l’autre du pays, il y a à peine 1 600 postes à plein temps pour gérer les 470 000 cas actifs.

​Le nombre de dossiers par conseiller va de 233 au Québec à 725 en Colombie-Britannique.

« Les politiciens qui vantent les vertus de la famille sont ceux-là mêmes qui ne font rien pour améliorer l’embauche du personnel  requis pour la gestion des programmes de suivi des obligations légales des payeurs de pension alimentaire, » d’ajouter le professeur Thompson.

Les programmes coercitifs d’obligation de respect des conditions entourant les pensions alimentaires ont vu le jour au Canada au cours des années ’80. Ils ont été conçus comme des outils pour récupérer les sommes non payées. L’essentiel de ces sommes concernait les pensions alimentaires pour enfants.

Les « Deadbeats » sont des personnes techniquement divorcées. Selon les experts en la matière, ils sont à 97% des hommes.

Il n’y a que trois provinces qui rendent publiques les sommes dues; deux d’entre elles affichent les photos des mauvais payeurs sur Internet. Les autres provinces ne rendent pas publics les sommes dues ni les montants les plus élevés non payés.

Une honte, du gaspillage

Au Manitoba les arrérages des pensions alimentaires ont dépassé les 58 millions de dollars.

Lianna Anderson

Lianna Anderson

Lianna Anderson, une mère divorcée de 47 ans vivant à Leaf Rapids affirme que son ex-conjoint lui doit des milliers de dollars.

Elle croyait, à tort, que ce serait facile de récupérer les sommes qui lui sont dues, après s’être inscrite au programme d’exécution des ordonnances alimentaires du ministère de la Justice de la province.

« Rapidement, je me suis aperçu que c’est très beau sur papier. Je trouve tout ceci désolant et quel gaspillage de fonds publics. »

Madame Anderson n’a rien reçu du programme depuis l’année dernière et les montants dus ne cessent de s’accumuler. Sa plainte au bureau provincial du programme d’exécution des ordonnances alimentaires est restée lettre morte des mois durant.

Elle a reçu une lettre d’excuse en août dernier pour la lenteur du service.

« Essentiellement, on ne m’a même pas donné le niveau minimal de service auquel je m’attendais. C’est déroutant. »

Un cauchemar

Tous les services responsables de l’exécution des devoirs de versement de pension alimentaire au Canada ont plusieurs moyens à leur disposition pour que les sommes dues soient effectivement versées. Cela peut aller de la saisie d’une portion du revenu du mauvais payeur à la saisie pure et simple de propriété et jusqu’à l’incarcération.

Mais, pour Alan Little de Sasqualit en Colombie-Britannique, père de trois enfants, le système est trop rigide dans son application et traite tous les parents-payeurs comme des mauvais payeurs, des deadbeats.

Au fil des années depuis son divorce, il a rigoureusement versé les pensions alimentaires pour ses enfants à son ex-épouse, des dizaines de milliers de dollars, dit-il, mais, tout récemment, il a perdu son emploi et se retrouve en arrérages de versement.

Depuis 1997, les lignes directrices établies par le gouvernement fédéral établissent les montants à être versés en pension alimentaire. Monsieur Little souligne que des problèmes se présentent lorsque des changements surviennent dans les conditions de vie des parents-payeurs, comme une perte d’emploi dans son cas, et qu’une demande de modification est faite, même temporairement, afin de refléter la réalité.

Rien à faire. La pension alimentaire qu’il verse pour ses trois enfants a été décrétée par la Cour provinciale de Nouvelle-Écosse. Il doit attendre un an avant que son dossier passe au rôle. Depuis, tout en se cherchant un emploi, il s’est retrouvé à recevoir des allocations d’aide sociale. Il a même perdu son permis de conduire à cause de ses défauts de paiements.

« J’ai vécu un cauchemar, un vrai cauchemar.»

Alan Little s’est depuis trouvé un emploi et il rembourse les sommes dues et peut parler quotidiennement à ses enfants.

Une dette comme nulle autre

La dette encourue dans le contexte d’une pension alimentaire est unique en ce sens qu’elle ne peut être oblitérée ou différée lorsque la situation financière du débiteur change. C’est peut-être la raison pour laquelle les arriérés de paiements sont si élevés.

Reste qu’un enfant continue à vivre et à avoir des besoins. Certaines agences provinciales se penchent de plus en plus sur des moyens à prendre pour arriver à respecter la capacité de paiement du débiteur tout en gardant au cœur de l’exercice l’essentiel de la mission : amener l’argent là où il doit aller, vers la pension alimentaire.

Catégories : Économie, Société
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