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Le prix Nobel d’économie 2014, Jean Tirole
Photo Credit: Getty / REMY GABALDA

Le prix Nobel qui dérange les géants de l’Internet

Le prix Nobel d’économie 2014, Jean Tirole a décrypté le pouvoir du marché des géants d’Internet. Il a analysé les mécanismes avec lesquels ces compagnies accumulent ce pouvoir et son impact indésirable sur le consommateur. Des études qui ne devraient pas trop leur plaire.

La logique des « bifaces »

Les compagnies Internet fonctionnent selon une logique « à double face » comme l’a décrit Jean Tirole : les consommateurs d’un côté et les développeurs de logiciels ou les publicitaires/annonceurs de l’autre.

Les géants d’Internet comme Google, Facebook et Twitter offrent leurs services gratuitement dans le but d’avoir un maximum d’utilisateurs. Plus ils ont d’usagers, plus les annonceurs ou acheteurs sont intéressés par les services publicitaires pour les uns et les produits dérivés pour les autres.

Amazon vend son téléphone intelligent, The Fire Phone, au prix dérisoire de 99 cents afin d’obtenir un nombre suffisant de mobinautes et de percer – ultimement — le marché très lucratif des applications (les développeurs ne souhaitent pas créer des applications pour Amazon s’il n’y a pas une demande importante pour les téléphones qui les hébergent).

Amazon pousse à l’extrême le modèle d’affaires emprunté entre autres par Google et Apple. Cette dernière, par exemple, prend une commission de 30 % sur les centaines de milliers d’applications mobiles d’iPhone et d’iPad.

Le bassin phénoménal et le potentiel d’affaire des clients d’Apple ont convaincu les banques de lui offrir des taux d’intérêt très compétitifs pour son nouveau paiement mobile, Apple Pay. C’est une autre application de la théorie « les 2 faces du marché » de Jean Tirole, appliquée sur les cartes de crédit comme l’a expliqué Joshua Gans, professeur de management à l’université de Toronto.

Plusieurs compagnies qui voulaient se lancer dans le paiement mobile ou le micropaiement n’ont pas réussi à obtenir la même coopération de la part des banques, car elles ne disposent pas de cette masse critique de clients.

Une autre illustration de la théorie « Biface» de Jean Tirole : Les organisateurs des événements sociaux payent les vedettes pour leur simple présence -à l’instar de Kim Khardashian ( Photo)- d’un côté et demandent de l’autre côté des prix d’entrées souvent élevés aux autres assistants.

Une autre illustration de la théorie « Biface» de Jean Tirole : Les organisateurs des événements sociaux payent les vedettes pour leur simple présence -à l’instar de Kim Khardashian ( Photo)- d’un côté et demandent de l’autre côté des prix d’entrées souvent élevés aux autres assistants.

Le danger des « monopoles amicaux »

Jean Tirole a démontré dans ses travaux que grâce à cette structure « biface » et la gratuité sous-jacente — ou les prix cassés – de leurs offres,  ces compagnies technos ont développé des monopoles « amicaux » à l’instar de Google dans le domaine de la recherche sur le Web.

Tirole recommande fortement aux pouvoirs publics, qu’ils trouvent parfois complaisants envers les géants des NTIC, de réglementer leurs activités à tendance monopolistiques selon leurs spécificités, pour qu’elles ne soient pas nuisibles à l’économie et aux intérêts des consommateurs. Il leur offre même le cadre conceptuel — en se basant notamment sur la théorie des jeux — qui permet aux régulateurs, notamment, de connaitre le « pouvoir de marché » d’une entreprise, les structures de coûts et de l’information d’une activité NTIC. Ces informations font défaut aux gouvernements.

Le Prix Nobel d’économie 2014 a également envisagé les incitatives que le régulateur peut suggérer aux entreprises pour qu’elles adoptent les réglementations sans entraver leur esprit d’entreprise et d’innovation. Les grandes entreprises du Web ont souvent avancé ces arguments dans leur opposition aux règlements anticoncurrentiels.

Paul Krugman, prix Nobel d’économie 2008 a dénoncé l’immense pouvoir dont dispose Amazon — expliqué par la théorie « biface » de Tirole — qu’il trouve nuisible pour les consommateurs.

Dans un duel qu’elle a engagé avec l’éditeur Hachette, Amazon veut imposer ses conditions notamment le prix et les publications vendues dans la plus grande librairie du monde.

Écoutez Zoubeir Jazi
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