L’année 2016 aura été, pour le gouvernement Trudeau, celle de la quête d’un point d’équilibre entre développement économique et lutte contre les changements climatiques. En 2017, Ottawa va devoir encore jouer les équilibristes face aux vents contraires. D’un côté, il subira les pressions de ceux qui réclament plus d’exploitation des ressources, et de l’autre, il se fera chauffer les oreilles par ceux qui appellent à plus de réglementation environnementale.
Au cours des derniers mois, le gouvernement libéral a approuvé trois importants projets de développement des ressources naturelles. Il a autorisé l’élargissement de l’oléoduc Trans Mountain de l’entreprise américaine Kinder Morgan. Il a approuvé le remplacement de la canalisation 3 de la pétrolière albertaine Enbridge et le projet de gaz naturel liquéfié Pacific NorthWest dans le nord de la Colombie-Britannique.
Difficile de plaire à tout le monde
On peut s’en douter, l’approbation de ces projets de développement des ressources naturelles a été vivement dénoncée par plusieurs écologistes. Mais Ottawa a aussi donné aux écologistes quelques motifs de satisfaction. Il a développé un cadre pancanadien de réduction des gaz à effet de serre (GES) dont la pierre angulaire est la « tarification du carbone ». Décision critiquée cette fois, par l’industrie des ressources naturelles, l’opposition conservatrice au parlement fédéral et par des provinces comme la Saskatchewan et le Manitoba.
Les deux provinces ont refusé de parapher la stratégie nationale de réduction des GES: la Saskatchewan a dénoncé l’imposition d’une taxe sur le carbone de 10 $ la tonne à compter de 2018. Montant qui grimpera à 50 $ la tonne en 2022. Au Manitoba, le premier ministre Brian Pallistair, s’est opposé à l’entente en guise de protestation contre le manque de financement fédéral en santé.
Quoi qu’il en soit, en entrevue de fin d’année à La Presse canadienne, le premier ministre Trudeau a répété qu’il refusait de choisir entre l’économie et l’environnement. « Il faut faire les deux en même temps. Et ça, ça veut dire qu’avant de pouvoir dire oui à Kinder Morgan, il a fallu qu’on ait un prix sur le carbone à travers le pays »,
Faire des compromis.
Selon le professeur titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal Pierre-Olivier Pineau, M. Trudeau n’a pas le choix de ménager la chèvre et le chou sur ces questions s’il ne veut pas se mettre à dos de nécessaires alliés: les provinces et les Canadiens eux-mêmes.
« Le gouvernement Trudeau cherche un équilibre entre l’impératif de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, mais de préserver aussi une certaine unité et cohésion dans la société canadienne », a-t-il rappelé.
Pour M. Pineau, « Même si ça crée des remous, ce n’est qu’un premier pas extrêmement timide dans la lutte aux changements climatiques. Beaucoup plus reste à faire, mais au moins, le gouvernement fait un pas concret, et ça, il faut l’applaudir ».
Le député conservateur Gérard Deltell en revanche, estime que Justin Trudeau a tort de vouloir plaire à tout le monde. « Quand on a un visage à deux faces, ça fait quatre joues pour recevoir des claques, et c’est en plein ce qui s’est passé cette année ». M. Deltell reproche particulièrement à M. Trudeau d’avoir rejeté le projet de pipeline de Northern Gateway et d’avoir imposé un prix sur le carbone. À ses yeux, M. Trudeau devra « assumer pleinement ses contradiction » en 2017.
Les néo-démocrates reprochent à l’inverse aux troupes libérales de ne pas en faire assez pour le climat. Leur chef Thomas Mulcair insiste surtout sur le fait que les libéraux s’en tiennent aux cibles de réduction de GES fixées par les conservateurs, soit 30% de réduction d’ici 2030, par rapport à 2005. « Je ne crois pas que les Canadiens qui ont voté en 2015 pour Justin Trudeau s’attendaient au plan de Stephen Harper sur les gaz à effet de serre », a-t-il laissé tomber en point de presse, à la fin de la session parlementaire.
Une année 2017 fort chargée
Pour atteindre cette cible, Ottawa devra déployer son cadre pancanadien annoncé le 9 décembre et mettre de l’avant une série de mesures, comme la modernisation du code du bâtiment et des normes en matière de transport.
Il aura par ailleurs à peaufiner son plan, car selon le cadre présenté, le gouvernement n’a pas précisé comment il allait retrancher 44 mégatonnes de CO2, se contentant d’indiquer dans le document qu’elles proviendront « de mesures additionnelles »
Ottawa devra également surveiller comment se dérouleront les choses pour les deux nouvelles provinces qui mettront dès janvier un prix sur le carbone. L’Alberta imposera en effet une taxe de 20 $ la tonne, qui devrait passer à 30 $ la tonne l’année suivante. L’Ontario lancera quant à elle son marché du carbone, pour éventuellement se joindre à celui du Québec et de la Californie l’année d’après.
La mobilisation écologiste risque par ailleurs de s’intensifier, alors que des groupes contestent en cour l’approbation de Trans Mountain et promettent des manifestations anti-pipeline.
Le vent de protestation entourant le projet Énergie Est de TransCanada devrait lui aussi reprendre, alors que l’Office national de l’énergie relancera les audiences publiques, après plus de trois mois de pause.
Des zones de turbulence à l’horizon pour le gouvernement libéral? Justin Trudeau se dit prêt à être jugé par les électeurs au scrutin de 2019 en fonction de la trajectoire des émissions de GES sous son mandat.
(Avec La Presse canadienne)
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