Existe-t-il au Canada des communautés ethniques plus susceptibles que d’autres de se livrer au blanchiment d’argent dans le secteur de l’immobilier? Un organisme fédéral de surveillance financière a semblé répondre positivement à cette question.
Le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANFE) avait rédigé un document avertissant le secteur de l’immobilier de rester à l’affût par rapport à certaines communautés ethniques dont le pays natal est affecté par le terrorisme ou la guerre. L’agence a finalement retiré cette requête à la demande d’une association du secteur.
Des échanges entre le CANFE et l’Association canadienne de l’immeuble (ACI) révèlent que le groupe immobilier s’est inquiété qu’un tel avertissement puisse dissuader les agents de faire des affaires avec certaines personnes en raison de leur ethnicité.
Le CANFE critiqué
La version préliminaire du document visait à aider les entreprises à respecter leurs obligations pour détecter le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Il énumère une série de facteurs qui pourraient accroître le risque pour les entreprises d’être emmêlées dans des crimes financiers. L’organisme mentionne par exemple le fait d’être impliqué avec des communautés ethniques qui affrontent des événements particuliers (par exemple le terrorisme, le blanchiment d’argent, la guerre, etc.) dans leur pays natal.

Une telle requête violerait la Loi sur les droits de la personne, a déclaré l’association dans une lettre. Le porte-parole de l’ACI, Randall McCauley, a fait valoir que les Canadiens étaient fiers d’avoir leur Loi sur les droits de la personne, surtout au regard de ce qui se passe actuellement aux États-Unis.
« Nos avocats auraient souligné avec raison ou rappelé au CANFE que les Canadiens ne peuvent se discriminer entre eux ou refuser l’accès à un service selon l’origine », a-t-il soutenu.
L’organisme fédéral a mentionné qu’il n’avait fait référence à aucune ethnie en particulier dans le document.
Mea culpa
« L’intention de la directive était de souligner généralement que les entreprises réglementées peuvent faire affaire avec des clients qui ont une connexion matérielle avec des instances à haut risque ou d’autres instances qui font face à des événements précis, dont le terrorisme, ou le blanchiment d’argent, la guerre, un haut niveau de corruption ou le crime organisé », a affirmé Renée Bercier, porte-parole de l’agence.
Elle ajoute que le CANFE a choisi de retirer la terminologie quand il a pris conscience du potentiel de mauvaise interprétation ou de déformation qu’elle pouvait engendrer.
Les entreprises dans certains secteurs, dont les banques, les casinos et les sociétés immobilières, sont tenues par la loi d’identifier leurs clients, de garder des dossiers, et d’informer les autorités du CANFE de toute transaction élevée ou suspecte. Elles doivent aussi évaluer leur risque d’exposition au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme.

Le CANFE avait fourni la version préliminaire de son document en 2014. Dans une lettre transmise au CANFE datant du 23 décembre 2014, l’ACI qualifie cette référence à l’ethnie d’inappropriée, surtout en parallèle avec une autre section du document qui invite les entreprises à adopter des mesures pour mettre fin à une relation d’affaires.
« Si cette directive est suivie, elle pourrait amener les agents à être tenus responsables d’avoir violé la Loi sur les droits de la personne », met en garde l’ACI. Le CANFE a répondu à l’organisation le 6 février 2015 pour dire qu’il avait retiré la référence à l’ethnie et celle sur les mesures pour mettre fin aux relations d’affaires.
(Avec La Presse canadienne)
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