Ottawa va dépenser le tiers de ses nouveaux revenus pour les familles, les travailleurs et les PME au cours des cinq prochaines années. L’énoncé économique du ministre des Finances Bill Morneau, dévoilé mardi, ne dit pas un mot sur un éventuel retour à l’équilibre budgétaire.
L’économie canadienne se porte bien. En tout cas, mieux que ce que le gouvernement avait prévu lors du budget de 2017. Le ministre Morneau y voit là le signe que la stratégie des libéraux fonctionne. « Non seulement notre plan fonctionne-t-il, il fonctionne encore mieux que prévu », a souligné M. Morneau dans son discours à la Chambre des communes.
Avec le bon niveau de croissance de l’économie, Ottawa peut à la fois être responsable et améliorer la situation des familles. Telle est la conviction de M. Morneau. La situation favorable de l’économie va engendrer de nouveaux revenus de 8,9 milliards de dollars en 2017-2018. En tout, le gouvernement prévoit recevoir 46,6 milliards supplémentaires jusqu’en 2021-2022 qui seront générés par la croissance économique.

4,2 milliards jusqu’en 2021-2022 pour les enfants
Ottawa utilisera le tiers de cette somme, soit 14,9 milliards, pour financer une série de mesures. La plus coûteuse est l’indexation de l’Allocation canadienne pour enfants qui sera effectuée dès juillet 2018, soit deux ans plus tôt que prévu. Cette dépense, qui peut représenter quelques centaines de dollars supplémentaires par famille annuellement, coûterait en tout 4,2 milliards jusqu’en 2021-2022.
Le gouvernement libéral va cibler également les travailleurs à faible revenu en bonifiant la Prestation fiscale pour le revenu de travail de 500 millions de dollars par année dès 2019. Cela permettra d’augmenter le montant des prestations individuelles et le nombre de personnes qui en bénéficieront. Ce programme vient en aide aux Canadiens démunis qui ont un emploi et incite les autres à réintégrer le marché du travail. Le coût de cette nouvelle mesure serait de 1,6 milliard jusqu’en 2021-2022, selon les prévisions actuelles.
La baisse d’impôt pour les petites entreprises, déjà annoncée la semaine dernière, coûtera quant à elle 1,7 milliard, de son entrée en vigueur le 1er janvier 2018 jusqu’à l’année financière 2021-2022. Le gouvernement Trudeau prévoit diminuer leur taux d’imposition de 10,5 % à 10 % en 2018 et à 9 % l’année suivante.
Malgré ces mesures coûteuses, le gouvernement dispose d’une marge de manoeuvre qui lui permettra de réduire le déficit chaque année. Celui-ci, qui s’élevait à 25,5 milliards selon les prévisions du budget de 2017, sera finalement de 19,9 milliards selon l’énoncé économique. Le déficit diminuerait ainsi annuellement jusqu’à atteindre 13,9 milliards en 2021-2022, soit 2 milliards de moins que prévu.

Opposition déçue, société civile satisfaite
Les partis d’opposition accusent les libéraux d’avoir préparé un exercice de relations publiques plutôt qu’un véritable énoncé économique pour détourner l’attention de la controverse entourant M. Morneau sur la réforme fiscale et les allégations de conflit d’intérêts. Il s’est finalement résigné à annoncer la semaine dernière qu’il placerait les actions de son entreprise familiale Morneau Shepell dans une fiducie sans droit de regard.
Le chef du Parti conservateur, Andrew Scheer, rappelle que les libéraux avaient promis en campagne électorale de retourner à l’équilibre budgétaire durant l’année financière 2019-2020. En 2015, les libéraux avaient promis que le déficit ne dépasserait pas les 10 milliards de dollars en 2017-2018, or il sera finalement de plus de 19 milliards.
« C’est une goutte dans l’océan, a remarqué le porte-parole néo-démocrate en matière de finances, Alexandre Boulerice. Ça ne fait pas une grande différence pour les familles et ça fait des années que les libéraux parlent d’un programme national de garderie. Ça, ça ferait une vraie différence dans la vie des gens. Ça créerait des places abordables pour leurs enfants, ce qui n’est pas du tout le cas en ce moment. »

Le Bloc québécois croit pour sa part que les revenus générés par la croissance économique auraient dû être retournés aux provinces. « Plutôt que d’augmenter les transferts aux provinces pour la santé, ils disent : « On va se servir de cette marge de manoeuvre là pour redorer l’image de notre ministre des Finances » », a dénoncé le député bloquiste Gabriel Ste-Marie.
Cela dit, l’économiste en chef de la Banque Scotia, Jean-Francois Perrault, trouve les mesures annoncées par le gouvernement Trudeau « raisonnables ». La crainte selon lui était que ces mesures « coûteraient beaucoup plus que ce qu’ils ont fini par annoncer ».
Anita Khanna, coordinatrice nationale du groupe antipauvreté Campagne 2000, se félicite quant à elle de ce qu’Ottawa ait reconnu que « mettre de l’argent dans les poches des citoyens non seulement améliore leurs conditions de vie et celles de leurs enfants, mais également cela stimule aussi l’économie ».
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