Le député du Parti québécois (PQ) et doyen de l’Assemblée nationale, François Gendron, s’est excusé mercredi pour avoir utilisé le mot « nègre » lors d’une présentation dans une école secondaire.
Il y a des mots qui, en 2017, sont moins tolérés que dans le passé. « Nègre » en fait partie. Et le député péquiste François Gendron l’a appris à ses dépens. Élu la première fois en 1976 dans la vague qui a porté au pouvoir le mouvement indépendantiste dirigé par René Lévesque, M.Gendron est également troisième vice-président de l’Assemblée nationale du Québec.
C’est justement dans le cadre de ses fonctions de vice-président du parlement qu’il a visité l’École secondaire La Camaradière, à Québec, le mois dernier. Parlant de son expérience de ministre, M. Gendron a dit aux élèves qu’il a travaillé comme un « nègre ». Dans une plainte écrite obtenue par le réseau CTV, l’école mentionne que « quelques élèves d’origines africaine et haïtienne ont été choqués d’entendre l’expression […] qui n’a pas sa place, le terme nègre étant péjoratif ».
Exploitation exagérée de l’affaire?
Devant les journalistes mercredi, M. Gendron a dit avoir présenté ses excuses à l’école. Il s’est excusé du bout des lèvres devant les journalistes, disant regretter d’avoir utilisé l’expression, qui signifie « travailler fort ».
« Dans le contexte d’aujourd’hui, je reconnais que certaines personnes peuvent prétendre, alors que ce n’était pas du tout mon intention, et vous me connaissez, s’il y a quelqu’un qui est authentique, qui est-ce qu’il est, c’est bien celui qui vous parle », a-t-il déclaré, avant d’ajouter avoir compris « qu’on n’a pas le droit d’utiliser cette expression-là dans le contexte d’aujourd’hui ».
Gendron a du même souffle regretté qu’on « ait tenté de donner des proportions exagérées à l’affaire ». Le chef du PQ, Jean-François Lisée, a pour sa part invité les personnalités publiques à bannir l’expression « travailler comme un nègre » de leur vocabulaire. « La société évolue, on a toutes sortes d’expressions qui viennent de notre passé. À mesure que la société évolue, on n’a plus conscience de l’importance de l’égalité et de l’impact de certains mots face à certaines communautés », a-t-il dit, estimant le dossier clos.
Mais le ministre de l’Immigration David Heurtel ne s’est pas satisfait des excuses de M. Gendron, les qualifiant de « premier pas ». « Ce mot-là est complètement inacceptable, a-t-il affirmé. M. Gendron est un député du Parti québécois. Alors, d’abord et avant tout, je suggère justement que peut-être qu’il a besoin d’être plus sensibilisé à l’emploi de ces termes-là. »
« Nègre », un mot émotivement chargé
Nègre vient de l’adjectif latin niger qui signifie noir, sombre. Il a donné le mot negro en espagnol et portugais. Sous l’influence des Portugais, ce mot est utilisé pour désigner des êtres humains à la peau noire à partir du 15e siècle. Auparavant, les Africains étaient connus en Europe, sous les vocables Mores, Maures, Éthiopiens, Sarrasins, etc.
L’emploi du mot « nègre » en tant que substantif commence donc la traite négrière, l’esclavage et la colonisation. Avec la déshumanisation graduelle de l’Africain qui en résulte, le mot nègre devient synonyme d’esclave. D’où l’expression française bien connue utilisée par le député François Gendron « travailler comme un nègre ». On parle aussi de « nègre », en littérature, pour désigner une personne qui met sa plume au service d’une autre, contre rétribution. Là aussi, l’allusion à la relation de sujétion entre « maître » et « esclave » est claire.
Même si officiellement l’esclavage et la traite négrière ont été abolis, le mot « nègre » reste émotivement chargé pour les Noirs. Il a conservé un caractère dévalorisant, injurieux, voire raciste. Il n’est plus utilisé pour désigner les Africains ou toutes les personnes ayant des racines africaines. Cependant, l’utilisation spontanée des expressions idiomatiques françaises contenant encore le mot « nègre », pour malheureuse qu’elle puisse être, ne saurait automatiquement être assimilée à du racisme.
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