Malade, Lucy Granados porte plainte contre les services frontaliers du Canada

Lucy Fancineth Granados, une Guatémaltèque sans-papiers arrêtée le 20 mars par les agents des services frontaliers en vue de sa déportation, s’est très brièvement adressée aux journalistes jeudi par téléphone depuis sa cellule du Centre de surveillance de l’immigration à Laval pour demander de l’aide, a indiqué La Presse canadienne. 

« Je pense que je vais sortir d’ici morte […] Je ne dors pas, je ne mange pas, je ne peux pas être tranquille. Je veux juste sortir. »

Nazila Bettache, spécialiste en médecine interne au CHUM ayant traité Mme Granados lors de son hospitalisation la semaine dernière, a déclaré que son état de santé était préoccupant. Lucy Granados aurait possiblement été victime d’un arrêt cardio-respiratoire avant la première hospitalisation et souffrirait de trouble de stress aigu avec un risque de trouble de stress post-traumatique.

« L’impact de la détention des personnes migrantes sur leur santé physique et mentale est dramatique. »Nazila Bettache

Dre Bettache est d’avis que le système d’immigration « est en train d’empirer la situation de santé de Mme Granados ». Elle a aussi parlé des pratiques de détention de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).

« L’Agence des services frontaliers est une institution qui a sur les mains, j’ai envie de dire, plusieurs décès de personnes migrantes. Au Canada, on sait qu’il y a plusieurs personnes qui sont décédées dans des conditions de détention qui demeurent très, très, très mystérieuses. »Nazila Bettache

Les déclarations de Mme Bettache concordent avec celles des proches de Mme Granados. Ces derniers avaient convoqué la presse jeudi matin pour annoncer qu’ils déposeront prochainement une plainte à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) dans le but de dénoncer le comportement qu’ils estiment abusif de l’ASFC et le traitement qu’elle subit actuellement.

© Solidarité sans frontières

La plainte reproche également à l’Agence fédérale d’avoir agi en contravention des lois lorsqu’un de ses représentants a téléphoné à Mme Granados en janvier dernier pour lui dire que son dossier de demande de résidence permanente pour des motifs humanitaires – le seul moyen pour elle de régulariser son statut – ne serait pas ouvert si elle ne se rendait pas pour faire face à une potentielle arrestation et à la déportation.

« Non seulement était-ce une fausse menace, car son dossier était déjà ouvert, mais il est important de souligner qu’il s’agit d’une fausse interprétation de la loi, qui oblige le ministre à se pencher sur toutes les demandes de cette nature. » Amy Darwish, de l'organisme Solidarité sans frontières

2007 – Lucy Granados quitte le Guatemala après avoir reçu des menaces de mort de la part des « maras » (bandes criminelles). Après la mort de son mari, elle a voyagé seule à travers le Mexique dans le train connu sous le nom de La Bête jusqu’aux États-Unis.

2009 – Lucy arrive au Canada et demande l’asile.

2012 – La demande d’asile de Lucy est rejetée et une date d’expulsion est fixée. Elle reste à Montréal et reçoit un mandat d’arrêt pour son arrestation en tant que sans-papiers.

2017 – En septembre, Lucy dépose une demande de résidence permanente pour des motifs humanitaires.

2018 – Le 17 janvier, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) commence à traiter son cas.

26 janvier 2018 – L’avocat de Lucy reçoit un appel téléphonique d’un fonctionnaire de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) qui lui dit que le dossier de Lucy ne sera pas traité à moins qu’elle ne se présente au centre de détention de Laval.

8 février 2018 – L’avocat de Lucy a informé l’ASFC et l’IRCC que, selon la loi, le ministre a l’obligation inconditionnelle d’examiner les dossiers humanitaires et que Lucy n’est pas tenue de comparaître devant l’ASFC comme condition préalable au traitement de sa demande. Il n’a pas reçu de réponse.

20 mars à 6 heures du matin – Des agents de l’Agence des services frontaliers du Canada ont arrêté Lucy à son domicile. Elle a été emmenée au Centre de détention de l’immigration à Laval.

22 mars – Elle a comparu devant le comité de détention en compagnie de la présidente de la Fédération des femmes du Québec, Gabrielle Bouchard, qui a offert de la cautionner. L’ASFC a informé le Commissaire qu’elle a fixé la date de son expulsion au 27 mars. Le commissaire décide que Lucy doit rester en détention jusqu’à ce qu’elle soit expulsée.

27 mars 2018 – Lucy Granados a obtenu une trêve temporaire après son hospitalisation et aucune nouvelle date n’a été fixée pour son expulsion.

La Presse canadienne a tenté d’obtenir des réponses de la part de l’ASFC, mais l’agence a indiqué ne pas être en mesure de répondre aux questions dans l’immédiat.

Radio Canada International avec la Presse canadienne. 
Catégories : Immigration et Réfugiés, Société
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