Les enfants nés au Canada d'espions russes sont-ils des Canadiens? La Cour suprême accepte d’entendre les arguments. (Kirill Kudryavtsev/AFP/Getty Images)

Les enfants nés au Canada d’espions russes sont-ils des Canadiens? La Cour suprême accepte d’entendre les arguments

La question se pose depuis que deux enfants, aujourd’hui jeunes adultes de 23 et de 27 ans, nés de parents au cœur de l’organigramme de l’espionnage russe en Amérique du Nord – États-Unis et Canada – ont obtenus, du moins l’un d’eux, une reconnaissance de citoyenneté canadienne en 2017.

Ottawa conteste cette décision. Et, aujourd’hui, la Cour suprême du Canada accepte d’entendre les arguments du gouvernement fédéral, car, peut-on lire dans la décision du plus haut tribunal au pays, « ces appels offrent l’occasion d’examiner la nature et la portée du contrôle judiciaire de l’action administrative ».

Une histoire pour le moins rocambolesque  

Reportons-nous il y a une trentaine d’années. Donald Heathfield et Tracey Ann Foley forment un couple tout ce qu’il y a de plus normal.

Alors qu’ils vivent au Canada, ils ont deux enfants, Alexander et Timothy. Sauf que le couple ne s’appelle pas Donald Heathfield et Tracey Ann Foley, mais plutôt Andreï Bezrukov et Elena Vavilova.

Bezrukov et Vavilova ont été arrêtés il y a huit ans aux États-Unis et accusés de complot et d’espionnage, leur « commanditaire », le donneur d’ordre, serait le Service des renseignements extérieurs de la Fédération de Russie.

Avant le démantèlement de l’URSS, cette organisation s’appelait KGB – (КГБ), Komitet gossoudarstvennoï bezopasnosti, soit le Comité pour la sécurité de l’État.

Ils ont par la suite pu rentrer en Russie dans le cadre d’un échange de prisonniers qui s’est déroulé le 9 juillet 2010 sur le tarmac de l’aéroport de Vienne en Autriche.

Les enfants

Thimothy et Alexander en 2010 Photo : Associated Press

Alexander et Thimothy Vavilov sont nés au Canada.

Ayant suivi leurs parents lors de l’échange, les enfants ont poursuivi leurs études en Russie, Alexander y terminant ses études secondaires.

C’est sous la recommandation de responsables de l’ambassade canadienne dans la capitale russe que l’aîné a changé son nom de famille afin, a-t-il déclaré, d’obtenir un passeport canadien.

Août 2014, rejet

Le greffier de la citoyenneté canadienne rejette cette demande en août 2014.

Bien qu’il soit né au Canada, Alexander est le fils de personnes employées d’un gouvernement étranger. Ainsi, le fameux droit du sol ne s’applique pas dans ce cas-ci, tel était l’argument des autorités canadiennes.

Qu’est-ce que l’immunité diplomatique
Immunité dont jouissent les diplomates à l’égard du droit de juridiction du pays dans lequel ils se trouvent. Ces immunités sont réglementées par le droit coutumier international et par la convention de Vienne sur les relations diplomatiques (1961).

Notons que les États non signataires de la convention de Vienne peuvent accorder des immunités plus limitées.

En vertu de cette convention, les agents diplomatiques (principalement les ambassadeurs, les envoyés et chargés d’affaires) et leur famille bénéficient de l’immunité de juridiction de l’État qui les reçoit, au point de vue pénal et, avec quelques exceptions de détail, au point de vue civil.

Les membres du personnel technique et administratif d’une mission diplomatique bénéficient d’immunités de même ordre, bien que moins importantes. Le personnel des services, tels les domestiques et les chauffeurs, jouit de l’immunité pour les actes accomplis au cours de leurs fonctions sous réserve qu’ils ne soient pas des nationaux ni des résidents permanents de l’État hôte.

L’immunité diplomatique va de pair avec certains privilèges fiscaux, principalement l’exemption de l’impôt sur le revenu de l’État qui reçoit.

Jacqueline Barbin, « Immunité diplomatique », Encyclopædia Universalis 

Par contre

Après avoir vu cette décision administrative être validée par la Cour fédérale, la Cour d’appel du Canada infirme le jugement.

La décision de la Cour d’appel analyse les dispositions de la Loi sur la citoyenneté citées par le greffier comme étant non applicables, car les parents ne jouissaient pas de l’immunité diplomatique au moment de leur séjour au Canada.

Depuis, Alexander a renouvelé son passeport canadien et il espère s’installer au Canada.

Quant à Timothy, la Cour fédérale a conclu en avril que le jugement dans la cause d’Alexander devrait aussi s’appliquer à lui également

CP, PC, Slate, Le Monde, Radio-Canada, Gouvernement du Canada

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