(Rick Price Photography)

Le castor : quand un emblème national devient une espèce envahissante

En 1940, la Seconde Guerre mondiale faisait rage en Europe, en Afrique du Nord et en Asie.

Pendant ce temps, en Amérique du Sud, l’Argentine du président Roberto Marcelino Ortiz était neutre.

L’Argentine, voulant développer une industrie de la fourrure, se tourne vers le Canada et importe… des castors.

Tom Lamb

L’homme est pilote de brousse au Canada. Il reçoit la « commande » argentine d’une cinquantaine de castors, il en trouve 20 qu’il vend 650 $ chacun au gouvernement de Buenos Aires avec promesse de livraison.

En 1946, Juan Domingo Peron est alors président du pays. Dans un périple aux multiples aléas et escales américaines et brésiliennes, notre pilote libère sa cargaison particulière sur une rive d’un lac du grand sud argentin, le lac Fagnano, à une centaine de kilomètres d’Ushuaïa.

Lac Fagnano, sud de l’Argentine (Google Maps)

Et c’est là que le problème des castors canadiens en Argentine commence.

Pourquoi un problème?

Le gros rongeur canadien s’est tellement bien adapté au climat et à la végétation de la pointe sud du continent – et grâce aussi à une interdiction de chasse pendant 40 ans – qu’il ne s’est pas simplement répandu, mais plutôt qu’il est devenu une espèce envahissante. Et comme il n’y avait pas de prédateurs. De plus, l’industrie espérée de la fourrure n’a jamais pris son envol.

Il y aurait aujourd’hui plus de 150 000 castors rien qu’en Patagonie. Déjà en 2006, le Chili voisin a fait appel à des spécialistes canadiens pour montrer à ceux qui voudraient le chasser les techniques de trappes.

Cela dit, avec l’effondrement du marché de la fourrure, cette activité est devenue beaucoup moins attirante.

Et si vous interrogez à ce sujet, oui, le castor, ça se mange, mais c’est un autre dossier.

(Encyclopédie canadienne)

Le castor, une espèce invasive? Même au Canada?

De fait, avec le caribou, le bison et l’ours blanc, le castor est un de animaux les plus « canadiens » qui soient.

Le castor est devenu emblème officiel du Canada le 24 mars 1975 lorsqu’une « loi portant reconnaissance au castor (castor canadensis) comme symbole de la souveraineté du Canada » a reçu la sanction royale.

Mais, et c’est un « mais » de taille à l’échelle de la planète qui se décline sous l’appellation « réchauffement climatique ».

Ce qui fait que le castor canadien migre vers le nord, vers des terres où il n’a jamais grugé d’arbres ni bâti de barrages.

Avec le réchauffement viennent également d’autres espèces invasives végétales, des arbres et arbrisseaux, de la matière à ronger… et les castors suivent.

Voilà qu’après l’Argentine, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest accorde des primes de 100 $ pour chaque castor abattu après avoir fait la promotion de la trappe, sans succès d’ailleurs, depuis que chasseurs et pêcheurs de subsistance se plaignent de l’invasion de ces rongeurs.

Triste ironie de voir un pays devoir se résoudre à chasser son emblème animal pour cause de nuisance sociale, économique et écologique.

« Chaque flot du temps superpose son alluvion, chaque race dépose sa couche sur le monument, chaque individu apporte sa pierre. Ainsi font les castors, ainsi font abeilles, ainsi font les hommes. »

Victor Hugo, Notre-Dame de Paris

Plus :

Juste à temps pour la visite de Justin Trudeau, l’Argentine vise l’extermination de 100 000 castors canadiens (Radio Canada International)

Le castor (Encyclopédie canadienne)

La Patagonie rongée par les castors (L’Actualité)

Colonisation de la plaine côtière de Beaufort par le castor (en anglais) (The Canadian Field-Naturalist)

Castor, riz sauvage et pain bannik (Canal Vie)

Wanted castor canadensis : la gestion du castor canadien en Belgique (La Buvette des Alpages)

Catégories : Environnement et vie animale, International
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