Les jeux vidéos peuvent-ils créer une dépendance ?

Le trouble du jeu vidéo fait désormais partie de la liste des maladies mentales de l'OMS

Le trouble du jeu vidéo déclaré maladie mentale par l’OMS

Jouer compulsivement aux jeux vidéo est désormais considéré comme une maladie mentale. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) l’avait promis en janvier, c’est maintenant chose faite. En date du 18 juin, le trouble du jeu vidéo a été ajouté à la Classification internationale des maladies (CIM).

La classification du « trouble du jeu » comme condition spécifique, selon l’OMS, devrait servir un objectif de santé publique pour que les pays soient mieux préparés à gérer ce problème. Ils vont pouvoir mieux planifier leurs stratégies de santé publique et mieux surveiller les tendances de la maladie.

Shekhar Saxena, directeur du département de santé mentale de l’OMS, indique que l’organisation dispose de suffisamment de preuves scientifiques pour considérer le trouble du jeu comme un nouveau problème de santé mentale. En plus, il y a « du besoin et de la demande pour des traitements dans de nombreuses régions du monde ».

Deux fillettes jouent aux jeux vidéo
Il existe des critères pour distinguer un joueur compulsif des autres, selon l’OMS. © iStock

Jean-François Biron de la Direction régionale de la santé publique de Montréal

L’OMS décrit le trouble du jeu vidéo comme un comportement caractérisé par une « perte de contrôle sur le jeu, une priorité accrue accordée au jeu, au point que celui-ci prenne le pas sur d’autres centres d’intérêt et activités quotidiennes, et par la poursuite ou la pratique croissante du jeu en dépit de répercussions dommageables ».

Toutefois, pour qu’une personne reçoive un diagnostic de dépendance aux jeux vidéo, précise l’OMS, elle doit manifester un comportement assez sévère au point de nuire sérieusement à ses activités tant personnelles, sociales que professionnelles et se manifester clairement sur une période d’au moins 12 mois

Jean-François Biron, chercheur à la Direction régionale de la santé de Montréal réagit à la décision de l’OMS.

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Un tournant

La décision de l’OMS de considérer le trouble du jeu vidéo comme une maladie mentale constitue à coup sûr une avancée dans la perception de ce trouble. Certes, de nombreux chercheurs ont déjà indiqué qu’une partie importante des joueurs peuvent effectivement être accros. Mais la reconnaissance formelle de la plus grande instance internationale en matière de santé que cette dépendance est un problème de santé constitue un moment décisif pour le traitement et pour les joueurs.

Un jeune homme est concentré sur son jeu vidéo
Des intervenants en cyberdépendance se félicitent des clarifications de l’OMS. © g-stockstudio

À l’instar de Jean-François Biron, d’autres chercheurs et intervenants se sont félicités de la nouvelle classification de l’OMS, affirmant qu’il était essentiel d’identifier rapidement les personnes qui ont une dépendance aux jeux vidéo, car ce sont généralement des adolescents ou de jeunes adultes qui ne cherchent pas d’aide eux-mêmes.

« Nous rencontrons des parents qui sont désemparés, non seulement parce qu’ils voient leur enfant abandonner l’école, mais parce qu’ils voient s’effondrer toute une structure familiale », a déclaré Henrietta Bowden-Jones, une porte-parole du Royal College of Psychiatrists du Royaume-Uni qui n’était pas partie prenante dans la décision de l’OMS.

Risque de stigmatisation?

Selon Mme Bowden-Jones, les dépendances aux jeux sont généralement mieux traitées avec des thérapies psychologiques. Mais certains médicaments pourraient également fonctionner. Reste que, selon une porte-parole de la Société britannique de psychologie, seule une minorité de joueurs seront affectés par le trouble. Joan Harvey redoute que la nouvelle désignation ne cause des inquiétudes inutiles aux parents.

« Les gens doivent comprendre que cela ne signifie pas que chaque enfant qui passe des heures dans sa chambre à jouer à des jeux est un toxicomane, sinon les médecins vont être inondés de demandes d’aide », précise-t-elle.

Jusqu’à tout récemment, l’Association américaine de psychiatrie ne considérait pas que le trouble du jeu vidéo soit un nouveau problème de santé mentale. Dans une déclaration précédente, l’Association expliquait qu’on était en présence d’« une condition justifiant plus de recherches cliniques et d’expériences avant d’être considérée pour l’inclusion » dans son propre manuel de diagnostic.

Deux fois par semaine une quarantaine de personnes se rassemblent à l’Université de Calgary ou Mount Royal pour jouer aux jeux vidéo.
Tout en relevant les risques, les chercheurs se gardent de considérer le jeu vidéo comme une activité dangereuse. © Radio-Canada

Une légitimation salutaire

L’Association estime par ailleurs qu’une grande partie de la littérature scientifique sur les joueurs compulsifs est basée sur des preuves issues de l’observation de jeunes hommes asiatiques. « Les études suggèrent que lorsque ces individus sont absorbés dans des jeux en ligne, certaines portions dans leur cerveau sont activées de la même manière directe et intense que le cerveau d’un toxicomane est affecté par une substance particulière, a expliqué l’association en 2013. Le jeu provoque une réponse neurologique qui influence les sentiments de plaisir et de récompense, et le résultat, à l’extrême, se manifeste comme un comportement addictif. »

Mark Griffiths, qui étudie le concept du trouble du jeu vidéo depuis 30 ans, est d’avis que la nouvelle classification aidera à légitimer le problème et à renforcer les stratégies de traitement. « Le jeu vidéo est une sorte de pari non financier d’un point de vue psychologique, a dit le Dr Griffiths, qui enseigne à l’Université de Nottingham Trent en Grande-Bretagne. Les joueurs utilisent l’argent comme un moyen de garder le score, alors que les joueurs utilisent des points. »

M. Griffiths croit que le pourcentage de joueurs de jeux vidéo ayant un problème compulsif serait inférieur à 1 % et que plusieurs de ces joueurs auraient probablement d’autres problèmes sous-jacents, comme la dépression, le trouble bipolaire ou l’autisme. Il a rappelé que les jeux vidéo, pour la grande majorité des gens, sont une question de divertissement et de nouveauté, comme en témoigne la popularité de jeux comme Pokemon Go.

« Vous avez ces explosions courtes et obsessionnelles. Eh oui, les gens jouent beaucoup, mais ce n’est pas une dépendance », a-t-il dit.

Quoi qu’il en soit, Shekhar Saxena de l’OMS soutient que les parents et les amis des amateurs de jeux vidéo devraient toujours être conscients que la dépendance aux jeux est un problème potentiellement dangereux.

(Avec Associated Press, l’AFP et l’OMS)

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