La protection du bébé contre le virus du sida ne le met pas à l'abri d'autres maladies. (Archives). Crédit Radio-Canada

8 bébés tués dans un hôpital britannique par une employée : quelle sécurité en néonatologie au Canada?

L’information émane de la police britannique. Une dame aurait tué huit bébés et tenté d’en tuer six autres, d’après une enquête ouverte l’année dernière sur la mort de 15 bébés dans une unité néonatale du Countess of Chester Hospital, l’un des plus importants hôpitaux de la ville fortifiée à Cheshire, en Angleterre, sur la rivière Dee, près de la frontière avec le pays de Galles. Cela nous amène à nous interroger sur la sécurité des nouveau-nés dans les maternités du Canada, dont àe Sainte-Justine, l’un des plus grands centres de néonatologie du pays.

15 décès de bébés entre juin 2015 et juin 2016 : les circonstances à élucider

Dans cet hôpital britannique très réputé, une quinzaine de bébés sont morts en seulement un an. Un fait troublant, d’autant qu’il s’agit de morts soudaines et sans cause ni raison plausible dans cet hôpital considéré comme l’un des principaux NSH (National Health service ), hôpital à capitaux publics. En tant que telle, la qualité du service au citoyen est fortement encadrée par des règlements stricts, qui veulent que les soins répondent à un protocole bien défini, qu’ils soient intelligibles, universels, gratuits et de qualité supérieure.

À la suite de l’enquête ouverte l’année dernière par la police locale, une dame a été arrêtée mardi matin, mais il est difficile pour l’instant de savoir s’il s’agit d’une infirmière, d’une médecin ou d’une simple préposée.

La police, qui poursuit son enquête après l’arrestation de cette femme, entend désormais étendre ses investigations à la mort de 17 bébés et de 15 malaises de bébés entre mars 2015 et juin 2016.

En attendant l’aboutissement de cette enquête, nous avons pensé qu’il serait digne d’intérêt de nous pencher sur la question de la sécurité dans les unités de néonatologie canadiennes.

Hôpital Sainte-Justine, Crédit : Radio-Canada

Sainte-Justine : le cœur battant de la néonatologie canadienne

Le CHU Sainte-Justine est présenté comme le plus grand centre en néonatologie au Canada, avec une capacité d’accueil de 65 bébés. Le centre accueille plus de 1000 patients chaque année. Il s’agit notamment d’enfants prématurés, d’enfants nés à terme avec malformation, infections ou asphyxie.

L’hôpital, qui est reconnu pour sa prise en charge de diverses conditions liées souvent à la période néonatale, prodigue différents soins aux bébés, en ce qui concerne notamment la santé respiratoire, cardiovasculaire, rénale, hépatique et cérébrale, entre autres syndromes complexes. L’équipe néonatale est présente à chacune des étapes de la vie d’un bébé malade : conseil prénatal, réanimation, soins aigus et autres suivis de long terme.

Source : CHU Sainte-Justine

Cet hôpital est flambant neuf, car il a été entièrement rénové. Il se positionne comme un service universitaire pour la formation des externes, des résidents et des futurs néonatologistes. Ses équipements de monitorage et de traitement sont modernes, à la fine pointe de la technologie, et les bébés sont souvent transférés d’autres centres hospitaliers moins bien équipés du pays vers son centre de néonatologie pour y recevoir les soins dont ils ont besoin.

L’équipe soignante multidisciplinaire comprend des « néonatologistes », des consultants experts dans différentes spécialités pédiatriques et chirurgicales, des infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes, nutritionnistes, travailleurs sociaux, consultants en allaitement, etc. C’est toute cette équipe qui doit veiller sur les bébés qui y sont hospitalisés jusqu’à ce que leur état de santé s’améliore. L’ équipe travaille sous la supervision d’une coordonnatrice et de deux chefs d’unité.

Étant donné la délicatesse de la tâche de l’équipe qui doit prendre en charge des enfants nés prématurés ou ceux qui présentent des problèmes de santé à leur naissance, la collaboration et le respect strict des protocoles doivent être de mise en tout temps. C’est ainsi qu’il existe un partenariat entre le CHU Sainte-Justine et l’Université de Montréal pour assurer la mise à niveau des médecins résidents et autres internes, sous la supervision de médecins néonatologistes.

Le protocole des soins est défini par étape que chaque maillon de l’équipe est appelé à observer scrupuleusement. Le personnel soignant assurant la surveillance constante auprès du bébé doit maîtriser l’environnement et les équipements hautement techniques qui l’entourent, tout en se pliant au respect des mesures de sécurité édictées pour rendre les lieux plus sûrs et plus propices au rétablissement et à l’épanouissement du bébé.

Malgré tout, il n’est pas rare d’assister à des décès soudains de bébés, comme cela a été le cas à la fin de l’année 2016. Le CHU Sainte-Justine avait alors été secoué par le décès brutal de deux bébés, lié selon le rapport du coroner à des surdoses de potassium.

À lire à ce sujet : l’hôpital Sainte-Justine change ses pratiques après la mort accidentelle de deux patients.

Un texte de Davide Gentile

Le premier des deux décès est celui de Kaylynn Mianscum Kelly, âgée de 3 mois, survenu le 18 novembre 2016. Originaire de la communauté anichinabé de Lac-Simon, en Abitibi, l’enfant est transférée à Sainte-Justine peu après sa naissance en raison de multiples problèmes de santé. Trisomique, elle a des problèmes cardiaques et fait face à une possible déshydratation.

Les médecins prescrivent verbalement un soluté, auquel une infirmière doit ajouter du potassium. Malheureusement, l’infirmière se trompe dans le dosage.

« L’enfant a donc reçu 10 fois plus de potassium que ce qui était prévu à l’origine. » – Le coroner Jacques Ramsay

Kaylynn fait un arrêt cardiorespiratoire. On réussit à la réanimer, mais le pronostic est mauvais. En accord avec la famille, l’équipe médicale s’oriente vers « des soins de confort ». L’enfant meurt à 15 h 48, le 18 novembre.

Bébé hospitalisé. Crédit CHU Sainte-Justine

Quelques semaines plus tard, un autre enfant meurt à Saint-Justine.

Ghali Chorfi, 23 mois, combat alors un cancer. Il fait un arrêt cardiaque, est réanimé, mais son état se détériore. Il meurt peu après, aux soins intensifs.

« En aucun temps, il n’y a lieu de soupçonner un geste malveillant. »  Jacques Ramsay

Mais le coroner conclut que le petit est mort « probablement par l’injection par inadvertance d’une solution intraveineuse de phosphate de dipotassium en lieu et place de la solution saline prévue ». La proximité des deux décès et le fait que la manipulation du potassium ait pu jouer un rôle dans les deux cas interpellent le coroner.

« Si les circonstances de ces décès sont différentes, la principale cause souche est la même […] Si on a des solutés à préparer, il faut s’assurer que ce soit fait sous la supervision d’un pharmacien. » – Jacques Ramsay

Un parent en interaction avec son bébé prématuré. Crédit : Sainte-Justine

Étant donné que la famille et les parents des bébés font partie de la chaîne de personnes entourant ce dernier, ils doivent aussi se soumettre à l’observation des règles en vigueur dans l’hôpital, aussi bien au début qu’à la fin, au retour du bébé à la maison.

La politique de visites au centre est très encadrée, les parents sont encouragés à être au chevet de leurs bébés 24 h sur 24, les interactions avec celui-ci doivent tenir compte de sa vulnérabilité, surtout à cause des risques d’infection.

Le taux de mortalité infantile a varié entre 4,9 (IC à 95 % : 4,6-5,1) et 5,4 (IC à 95 % : 5,1-5,7) pour 1000 naissances vivantes entre 2002 et 2011. Le taux de mortalité chez les nourrissons de ≥ 500 g a varié entre 3,7 (IC à 95 % : 3,5-4,0) et 4,2 (IC à 95 % : 3,9-4,5) pour 1000 naissances vivantes entre 2001 et 2010. La mortalité néonatale représentait 73 % des décès infantiles en 2011. Entre 2007 et 2011, l’immaturité et les anomalies congénitales constituaient les principales causes de mortalité néonatale, alors que les anomalies congénitales étaient la principale cause de mortalité postnéonatale.
RCI avec l'AFP, des informations du CHU Sainte-Justine, de Statistique Canada et de Radio-Canada
Catégories : Santé, Société
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