Les 48 dernières heures ont été riches en rebondissements dans les tensions commerciales entre les États-Unis et certains de leurs partenaires. Bousculés par les mesures protectionnistes américaines, l’Union européenne et le Japon ont signé mardi un important accord qui effacera presque toutes les barrières douanières sur les produits qui circulent entre les deux entités économiques. La veille, Washington avait saisi l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour contester les mesures prises par cette même Union européenne, le Canada, la Chine, le Mexique et la Turquie en représailles aux taxes américaines sur l’acier et l’aluminium.
L’accord signé mardi à Tokyo annule la quasi-totalité (99 %) des droits sur les produits japonais vendus au sein de l’Union européenne. En retour, cette dernière supprime environ 94 % des droits de douane sur les exportations européennes vers le Japon. L’objectif de l’UE est d’atteindre les 99 % dans les prochaines années.
L’entente colossale couvre un tiers de l’économie mondiale et des marchés de plus de 600 millions de personnes. Le partenariat entre les deux parties sera renforcé dans des domaines aussi variés que la défense et les changements climatiques.
Pour l’UE, l’accord va contribuer à la hausse des exportations européennes de produits chimiques, de vêtements, de cosmétiques et de bière vers le Japon. Les Européens verront une baisse dans leurs factures de pièces de machines japonaises, de thé et de poisson. De leur côté, les consommateurs japonais payeront moins cher leur fromage (parmesan, gouda et cheddar), chocolat, porc, et bien d’autres produits européens dont ils sont friands. Les producteurs japonais de vin, de lait et de fromage pourraient cependant subir une baisse de leurs ventes avec cet accord.

Le président du Conseil européen, Donald Tusk, a salué l’entente, la qualifiant du « plus important accord commercial bilatéral jamais conclu ». Dans une pique adressée indirectement aux États-Unis, M. Tusk a ajouté que l’entente UE-Japon envoie un « message clair » contre le protectionnisme. Les mesures, approuvées l’année dernière, ne seront pas appliquées immédiatement et nécessitent l’approbation des parlementaires.
Les États-Unis ripostent aux représailles de leurs partenaires
Les États-Unis ont le droit de punir les autres, mais pas de se faire punir. C’est ainsi qu’on pourrait résumer la pensée du représentant américain au commerce, Robert Lighthizer. Dans un communiqué lundi, il a soutenu que les tarifs douaniers américains supplémentaires de 25% sur l’acier et de 10 % sur l’aluminium imposés par le président Trump début mars étaient justifiés par les accords internationaux que les États-Unis et ses partenaires commerciaux ont approuvés.
Selon lui, les actions prises par M. Trump sont totalement légitimes et pleinement justifiées à la fois par la législation américaine et les règles du commerce international. Ce qui est illégitime à ses yeux, ce sont les taxes douanières décrétées contre les États-Unis par le Canada, l’Union européenne, la Chine, le Mexique et la Turquie en représailles aux taxes américaines sur l’acier et l’aluminium.

Les relations entre le Canada et les États-Unis se sont détériorées au cours des derniers mois à cause des tensions commerciales.
Rappelons qu’Ottawa et Mexico, liés à Washington par l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), ont respectivement imposé des taxes additionnelles de 10 à 25 % sur 12,7 milliards de dollars d’importations américaines (depuis le 1er juillet) et de 7 à 25 % sur 3,6 milliards (en vigueur depuis le 5 juin). La Chine quant à elle a ciblé l’équivalent de 3 milliards de dollars de produits américains avec des tarifs de 15 à 25 %. Pourcentages et sommes presque identiques du côté de l’Union européenne (de 10 à 25 % sur 3,2 milliards d’importations américaines). La Turquie a visé des importations américaines de l’ordre 1,8 milliard avec des taxes de 4 à 70 %.
Pour Robert Lighthizer, « ces taxes douanières semblent rompre l’engagement pris par les membres de l’OMC ». Des propos qui ont fait bondir le ministère mexicain de l’Économie. Ildefonso Guajardo a répliqué que « les mesures mises en oeuvre par le Mexique étaient une réponse aux taxes douanières imposées de manière injuste sous couvert (de défense) de la sécurité nationale. » Il a aussi précisé que « les achats américains d’acier et d’aluminium mexicain ne constituent pas une menace pour la sécurité nationale de ce pays ».
Lundi, le chef économiste du Fonds monétaire international (FMI) Maurice Obstfeld a souligné que les tensions commerciales représentaient « la plus grande menace à court terme » pour la croissance mondiale. Il a appelé les pays à coopérer pour faire évoluer le système multilatéral et ainsi résoudre les tensions, pour le plus grand bien de la croissance mondiale.
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