Le dernier rapport d'Onusida comporte des éléments positifs et des points très préoccupants.

Lutte contre le sida : progrès notables, mais reculs préoccupants

Quelques clignotants sont au rouge dans la lutte contre le sida : hausse des nouvelles infections à VIH dans une cinquantaine de pays, surtout parmi les populations n’ayant pas accès aux services dont elles ont besoin, stagnation des ressources, faible diminution du nombre de décès liés au sida… Le dernier rapport d’ONUSIDA appelle à une action immédiate, sinon les objectifs primordiaux de 2020 ne seront pas atteints.

Le bon et le moins bon se côtoient dans la lutte contre le sida. D’un côté, la proportion de séropositifs ayant accès aux traitements est plus élevée que jamais. Près de trois séropositifs sur cinq dans le monde, soit 21,7 millions sur 36,9 millions prennent des traitements antirétroviraux. C’est la plus haute proportion jamais atteinte, selon le rapport d’ONUSIDA publié mercredi.

Quelque 940 000 personnes sont mortes de maladies liées au sida l’an dernier. Ce qui est un progrès notable comparé à l’année 2005, où, au plus fort de l’épidémie, ONUSIDA dénombrait 1,9 million de décès. À l’époque, sur 30 millions de séropositifs, seuls 2 millions avaient accès aux traitements antirétroviraux, qui préviennent le développement du sida.

De réels progrès

À l’époque aussi, « personne n’aurait cru que nous aurions pu mettre 22 millions de personnes sous traitement en 2018. C’était un rêve », a rappelé le directeur général d’ONUSIDA, Michel Sidibé, lors d’une conférence de presse à Paris. De nouveaux médicaments sont aussi venus enrichir la panoplie de traitements déjà disponibles.

Michel Sidibé, directeur général d’ONUSIDA, présente son rapport lors d’une conférence de presse à l’Institut d’études politiques de Paris, le 18 juillet 2018. / AFP / Thomas SAMSON

Mais seulement voilà : ces nouvelles encourageantes ont peut-être eu un effet pervers. Il y a eu un relâchement dans la prévention. « Malheureusement, se désole M. Sidibé, nous sommes un peu victimes de ces résultats. » Il déplore en particulier une « crise de la prévention » et une « complaisance » qui risquent de mettre en cause ces acquis. Pour lui, ce n’est donc pas le moment de baisser la garde.

Ce qui inquiète le plus le patron d’ONUSIDA c’est la chute des contributions financières. « Il manque 7 milliards de dollars américains par an […] pour nous permettre de maintenir nos résultats », a indiqué M. Sidibé à l’AFP. ONUSIDA disposait d’environ 20,6 milliards de dollars en 2017, soit une augmentation de 8 % par rapport à 2016. Ce montant représente 80 % de l’objectif fixé par l’Assemblée générale des Nations unies pour 2020.

De nombreux progrès ont été réalisés dans la recherche sur le sida au cours des dernières années.

Les objectifs primordiaux de 2020, rappelons-le, sont notamment que 90% des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut, que 90% de ces dernières soient sous traitement, et que parmi celles-ci, 90% aient une charge virale indétectable.

Besoins financiers pressants

En l’absence d’un important nouvel engagement financier, il est peu probable, selon ONUSIDA, que les objectifs 2020 soient atteints. On s’attend déjà une baisse de la quote-part américaine. Les États-Unis de Donald Trump, qui ont toujours été le contributeur majeur de la lutte contre le sida, ont prévu des coupes budgétaires.

Michel Sidibé redoute un effet domino en cas de démobilisation de la communauté internationale. « La crainte est que la diminution des contributions des bailleurs internationaux n’entraîne une diminution des investissements internes des pays touchés. » Or, observe-t-il, « au moins 44 pays dépendent à 75% de l’aide internationale pour combattre l’épidémie ».

Si l’on ne dispose pas de ces ressources, il y a un risque important de rebond de l’épidémie, avec un risque de résistance grandissante et d’augmentation de la mortalité due au sida

Michel Sidibé, directeur général d’ONUSIDA
L’Organisation mondiale de la santé a noté une augmentation alarmante des infections chez les hommes gays par le VIH, le virus du Sida. L’OMS appelle les homosexuels à prendre des antirétroviraux à titre de prévention. Cécile Tremblay est Professeure au département de microbiologie, infectiologie et immunologie de l’Université de Montréal et directrice scientifique du laboratoire de Santé publique du Québec
L’accès aux traitements reste inégal à travers le monde, selon l’Onusida.

ONUSIDA souligne qu’il y a eu 1,8 million de nouvelles infections l’an dernier, un nombre stable par rapport aux années précédentes. Cependant, au rythme actuel, il sera difficile de « briser la colonne vertébrale de cette épidémie » comme souhaité. L’objectif était de parvenir à 30 millions de patients traités en 2020.

Les résultats globaux dévoilés mercredi cachent de fortes disparités. En Afrique de l’Ouest et centrale, seulement 26 % des enfants et 41 % des adultes ont eu accès au traitement en 2017. En Afrique de l’Est et en Afrique australe, en revanche, ces chiffres sont de 59 % pour les enfants et de 66 % pour les adultes. Depuis 2010, le nombre de décès liés au sida a diminué de 24 % en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, contre 42 % en Afrique de l’Est et australe.

Le cas des pays comme le Nigeria inquiète particulièrement Michel Sidibé. Le Nigeria concentre plus de la moitié (51 %) de la charge de morbidité du VIH en Afrique de l’Ouest et peu de progrès y ont été réalisés en matière de réduction des nouvelles infections ces dernières années. De plus, seule une personne sur trois vivant avec le VIH est sous traitement, même si la couverture du traitement contre le VIH y a augmenté de 24 % par rapport à deux ans plus tôt.

Autre source d’inquiétude pour Michel Sidibé, « l’épidémie en Russie est en train de se généraliser. Alors qu’elle était concentrée sur les populations qui s’injectent des drogues, elle touche de plus en plus la population générale ».

Des Ougandais
Seulement la moitié des enfants vivant avec le VIH reçoivent des traitements. © iStockphoto

Les enfants, laissés pour compte

Les progrès du côté des enfants ont été faibles. Les nouvelles infections n’ont diminué que de 8 % au cours des deux dernières années. Seulement un enfant sur deux (52 %) vivant avec le VIH reçoit un traitement et 110 000 enfants sont morts de maladies liées au sida en 2017. Bien que 80 % de femmes enceintes séropositives aient eu accès à une thérapie antirétrovirale pour prévenir la transmission du virus à leur enfant en 2017, 180 000 enfants ont contracté le VIH pendant à la naissance ou pendant l’allaitement. On est très loin de l’objectif de moins de 40 000 transmissions mère-enfant d’ici fin 2018.

M. Sidibé reconnaît que la lutte contre le sida chez les enfants a été défaillante, que les enfants ont été « laissés pour compte ». Il admet que « Même si on a évité 1,4 million de nouvelles infections chez les enfants depuis 2010, on constate malheureusement que nous n’avons pas fait suffisamment de progrès ».

Selon le patron d’ONUSIDA, « Un enfant nouvellement contaminé par le VIH, ou un enfant qui meurt du sida, c’est encore trop ». En somme, dit-il, « rien n’est acquis d’avance dans la lutte contre l’épidémie de sida. Le monde doit tenir compte de ce signal d’alarme et lancer un plan d’accélération afin d’atteindre ses objectifs ».

(Source : ONUSIDA, AFP)

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