Des chercheurs estiment que le fait de criminaliser la non-divulgation de la séropositivité nuit à la lutte contre le sida. REUTERS/Gleb Garanich

VIH/Sida : criminaliser les séropositifs est contre-productif

Des experts du sida, réunis à Amsterdam aux Pays-Bas, appellent à l’abrogation des lois qui criminalisent les séropositifs qui ne dévoilent pas leur état. Ces lois, selon les experts, nuisent au contrôle de l’épidémie.

Dans une déclaration rendue publique à la 22e Conférence internationale sur le sida, 20 experts ont dénoncé le fait que des séropositifs soient poursuivis pour non-divulgation de leur séropositivité. Au moins 68 pays ont des lois qui punissent cette non-divulgation parce qu’elle expose d’autres personnes à une transmission du virus.

Or, pour les signataires de la déclaration, il y a des cas où « il n’y avait aucune intention de nuire, où la transmission du VIH ne s’est pas faite et où cette transmission était extrêmement improbable, voire impossible ». Linda-Gail Bekker, chercheuse à l’Université du Cap (Afrique du Sud) et signataire de la déclaration, affirme que « ces lois sont inefficaces et sans justification ».

La chanteuse pop allemande Nadja Benaissa avait été condamnée à deux ans de prison avec sursis en 2010 pour avoir transmis le virus du sida à un partenaire sexuel à qui elle avait caché sa séropositivité. (REUTERS / Boris Roessler)

Méconnaissance et mythes

Selon Linda-Gail Bekker, plutôt que de réduire l’infection au VIH ou de protéger quiconque, ces lois mal conçues ont toutes les chances d’aggraver l’épidémie en détournant les gens des services et de l’information, les poussant dans la clandestinité. « La criminalisation du VIH est un phénomène croissant dans le monde qui vise injustement les séropositifs », observe pour sa part Sally Cameron de l’organisation HIV Justice Worldwide, citée par l’ONUSIDA.

Les scientifiques, dont la Française Françoise Barré-Sinoussi, prix Nobel de médecine pour la découverte du virus du sida, ont rappelé que le virus responsable du sida « n’est pas facilement transmis d’une personne à une autre ». Le risque de transmission au cours d’un rapport sexuel non protégé unique est faible. De plus, renchérit ONUSIDA, on sait aujourd’hui qu’il n’y a « aucun risque de transmission du VIH quand on embrasse, mord, érafle ».

Des souches mutantes du VIH ont été découvertes en Saskatchewan.

Souches mutantes de VIH en Saskatchewan.

Sur le front de la recherche, l’une des nouvelles préoccupantes rendues publiques à la conférence, c’est la découverte en Saskatchewan dans l’Ouest canadien de souches mutantes de VIH. Leur particularité : elles déclenchent plus rapidement les maladies liées au sida.

Des chercheurs du Centre d’excellence sur le VIH/sida de la Colombie-Britannique et de l’Université Simon Fraser ont constaté des niveaux élevés de mutations immunorésistantes dans les souches du virus chez les Autochtones de la Saskatchewan. Ce qui contraste avec ce qui a été constaté dans d’autres régions du Canada et des États-Unis.

Certaines communautés autochtones de la Saskatchewan ont un taux d’infection au VIH/Sida comparable à celui de certains pays africains.
Des communautés autochtones de la Saskatchewan ont un taux d’infection au VIH/Sida comparable à celui de certains pays africains. © ICI Radio-Canada

En présentant cette découverte jeudi à Amsterdam, Zabrina Brumme, auteure principale de l’étude et professeure agrégée en sciences de la santé à l’Université Simon Fraser, a dit que cette variante du virus avait l’air plus virulente. Les personnes infectées tombent malades beaucoup plus rapidement.

Le virus s’adapte à son hôte

L’hypothèse des chercheurs est que les maladies qui s’aggravent sont liées à des souches résistantes qui se sont adaptées au profil immunitaire spécifique des populations autochtones. Comme ailleurs dans le monde, observe Mme Brumme, le VIH s’est adapté aux populations autochtones de la Saskatchewan.

Environ 6800 patients de la clinique de la Dre Farazli auraient pu avoir été infectés par le virus de l’hépatite B et C ou par le VIH.
Le dépistage rapide du VIH et la prise de médicament sont indispensable, même en présence de souches mutantes.

La province de la Saskatchewan a l’un des taux de prévalence du VIH les plus élevés en Amérique du Nord. Certaines régions présentaient des taux de plus de 10 fois supérieurs à la moyenne nationale en 2016. Près de 8 Saskatchewanais infectés au VIH sur 10 sont des Autochtones.

Pour Jeffrey Joy, chercheur au Centre d’excellence sur le VIH/sida de la Colombie-Britannique, même si les résultats sont préoccupants, il ne faut pas s’alarmer outre mesure. Si les gens subissent des tests, ils peuvent recevoir des traitements qui restent encore efficaces même sur des souches immunorésistantes.

(Avec l’AFP, Reuters et PC)

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