Le journal français Le monde a récemment publié une série de reportages intitulés « Contaminations ». L’un dépeint l’Alberta comme une province où les fleuves, les lacs et les populations amérindiennes sont empoisonnés par l’or noir des sables bitumineux.
RCI avec Le Monde, Ressources naturelles Canada, Radio-Canada et You Tube
Entre rejet de la pollution et richesses: la population partagée
Partant du témoignage d’un pêcheur autochtone de 75 ans, qui a pratiqué son activité sur un lac en Alberta pendant de longues années, le reporter décrit la pollution progressive du lac au fil des ans. En cause, les déchets rejetés par les usines qui transforment le pétrole des sables bitumineux.
Le pêcheur a mal à son lac, mais en même temps, il affiche une certaine reconnaissance aux compagnies pétrolières qui ont permis à son fils d’avoir un travail. Sa communauté est fière des pétrolières qui investissent dans les infrsatructures, dont la construction des établissements scolaires, entre autres, pourtant elle est loin de négliger le mal qui se cache derrière toutes ces richesses.
Une ambivalence qui est, selon le reporter, Simon Roger, caractéristique de la population générale de cette province qui se retrouve partagée entre le rejet de l’exploitation des sables bitumineux et l’acceptation des biens matériels qu’ils leur procurent.
Qu’est-ce que le pétrole brut?
Le pétrole brut est un liquide à forte teneur énergétique qui est principalement composé d’hydrocarbures;
Au Canada, les sables bitumineux de l’Alberta représentent la plus grande réserve de pétrole brut du pays, bien que l’on retrouve aussi d’importants gisements de pétrole brut au large de la côte atlantique du Canada;
Les activités reliées au pétrole brut comprennent l’exploration, le forage, la production et le traitement préliminaire du pétrole, en plus de l’entreposage et du transport du pétrole;
Le Canada est le quatrième producteur en importance et le quatrième exportateur en importance de pétrole dans le monde;
98 % des réserves prouvées de pétrole au Canada proviennent des sables bitumineux;
99 % des exportations canadiennes de pétrole brut sont destinées au marché des É.‑U;
Les émissions de GES par baril de pétrole provenant des sables bitumineux ont diminué de plus de 29 % depuis 2000.
Déforestation, pollution, gaz à effet de serre et maladies : le pétrole, une malédiction pour l’Alberta?
Le Monde dépeint une situation apocalyptique dans laquelle les sables bitumineux engendrent des dommages multiples, aussi bien pour la planète que pour les humains, ce qui a inspiré le titre suivant pour le reportage: Contaminations : dans l’Alberta, la malédiction du pétrole.
Un symbole fort de cette malédiction est la région pétrolière de Fort McMurray et sa rivière Athabasca, qui connait très souvent des déversements de fluides toxiques issus de forages.
« Les scientifiques ont révélé la présence de métaux lourds, il y a du cadmium, du mercure, de l’arsenic, du nikel, du plomb dans l’eau. Ça pourrait impacter la faune, la flore locale, et puis il y a aussi la santé humaine qui est impactée […] — certaines communautés présentent des taux de maladies rares qui montent en flèche. On a un vrai problème de santé publique dans ces territoires du nord du pays », a observé le reporter du journal Le Monde.
Les sables bitumineux représentent 9,9 % des émissions de GES totales du Canada et 0,1 % des émissions mondiales.
L’extraction de ces sables entraîne l’accumulation de grandes quantités de résidus constitués d’un mélange d’eau, d’argile, de bitume non récupéré et d’agents solvants, de produits chimiques dissous, incluant certains composés organiques toxiques.
L’accroissement de la production annuelle pose divers problèmes environnementaux, notamment en ce qui concerne les sols, l’eau, l’air et l’économie d’énergie.
En 2014, les chercheurs ont mesuré la concentration dans l’eau et dans l’atmosphère de 13 hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), ce qui a permis de démontrer que les émissions cancérigènes issues des bassins de décantation des sables bitumineux sont très importantes.
Justin Trudeau à Davos, en Suisse, lors du Forum économique de 2016. Photo : Michel Euler, Associated Press
À qui la faute ?
Au gouvernement albertain qui accorde son soutien indéfectible aux pétrolières tout en prônant une exploitation intelligente pour sauver l’environnement ?
Au gouvernement fédéral? On se souvient que Justin Trudeau avait clairement souligné, en 2016, au forum économique de Davos, que la prospérité économique ne tient pas qu’à « ce qu’il y a sous nos pieds », mais aussi à ce que « nous avons entre les deux oreilles ». On sait aussi qu’un an plus tard, devant les pétrolières réunies à Houston, aux États-Unis, il avait apporté la nuance suivante: « Aucun pays qui possède dans son sol 173 milliards de barils de pétrole ne les laisserait là sans y toucher »
Le reporter du journal Le Monde relève que la réglementation est assez rigoureuse et que les entreprises ont l’obligation de la respecter, en vérifiant par exemple l’état des bassins de décantation dans lesquels les eaux toxiques sont rejetées, en restaurant aussi les terres. Mais, ni l’une ni l’autre de ces priorités n’est respectée.
Alors tous sont-ils coupables? Difficile à dire, car une certaine ambivalence prévaut à tous les niveaux, et les gouvernements mettent l’accent aussi bien sur la poursuite de l’exploitation que sur les mesures réglementaires pour préserver l’environnement, malgré quelques lacunes récemment dénoncées par la Commissaire fédérale à l’environnement et au développement durable.
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