Le prince héritier Mohammed ben Salmane en Arabie Saoudite (AFP/FAYEZ NURELDINE) et l'ancien ambassadeur du Canada en Arabie saoudite, Dennis Horak ( CBC)

Chicane entre Riyad et Ottawa : « Grave réaction excessive » de l’Arabie saoudite, affirme notre ex-ambassadeur expulsé

Dennis Horak, un diplomate de carrière qui a été expulsé au mois d’août par le Royaume, rompt son silence sur l’affrontement diplomatique alimenté par Twitter.

Dans une entrevue accordée à CBC News, l’ancien ambassadeur du Canada en Arabie saoudite dit comprendre que les dirigeants saoudiens ont été contrariés par un tweet de la ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland. « Mais réagir comme ils l’ont fait, c’était une grave réaction excessive », dit-il.

À la racine de la dispute qui a mis fin aux relations officielles du Canada avec l’Arabie saoudite, c’est ce message de la ministre canadienne : « Le Canada est gravement préoccupé par de nouvelles arrestations de militants de la société civile et des droits des femmes en Arabie saoudite, dont Samar Badawi. Nous exhortons les autorités saoudiennes à les libérer immédiatement, ainsi que tous les autres militants pacifiques des droits de l’homme. »

Ce qui s'est produit dans les six heures qui ont suivi l'envoi de ce tweet
– L’ex-ambassadeur Dennis Horak s’est vu interdire de retourner en Arabie saoudite.
– L’ambassadeur saoudien au Canada a été rappelé.
– De nouveaux échanges commerciaux ont été interrompus.
– Des ordres ont été donnés pour retirer les investissements saoudiens au Canada.
– 8300 étudiants saoudiens de niveau postsecondaire se sont fait dire de quitter le Canada.
– Les vols à destination du Canada de la compagnie aérienne saoudienne ont été annulés.

Réactions trop vives et exagérées de Riyad?

L’ancien ambassadeur du Canada en Arabie saoudite, Dennis Horak Photo : CBC

M. Horak est diplomate depuis près de 30 ans et en était à sa troisième année à titre d’ambassadeur du Canada en Arabie saoudite, sa deuxième affectation dans le Royaume.

« Je pense que nous sommes allés un peu trop loin. Je ne sais pas si nous pouvons nous en sortir, mais nous devons décider si nous le voulons ou pas », a-t-il précisé.

Dans les faits, Dennis Horak remet en question la stratégie diplomatique actuelle du Canada en ce qui concerne le Royaume. « Que nous aimions ou non ce que ses dirigeants monarchiques font n’est pas vraiment la question. Si vous voulez que ces changements se produisent, vous devez faire entendre votre voix… Vous devez les pousser à s’engager. Et on n’a pas fait ça. »

Voyez si le Canada a commis une erreur dans la forme et dans le fond en envoyant ce tweet

Riyad abrite les diverses ambassades internationales en Arabie saoudite. Photo : REUTERS

L’Arabie saoudite s’explique, persiste et signe

Prince Mohammed ben Salmane  Photo : BBC

Bien que le roi Salmane soit toujours à la tête du pays, c’est le prince héritier Mohammed ben Salmane, ou MBS comme on l’appelle, qui apparaît être le leader de facto. Or, dans une entrevue accordée à l’agence Bloomberg la semaine dernière, MBS a continué d’insister pour dire que le Canada va trop loin en demandant la libération immédiate des militantes des droits des femmes.

À l’ONU, le 26 septembre dernier, le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al-Joubeir a accusé le Canada d’avoir traité par ce tweet le Royaume d’Arabie saoudite comme s’il était une république de banane. « Vous pouvez nous parler des droits de la personne tant que vous voulez, nous serons heureux d’avoir cette conversation comme nous le faisons avec tous nos alliés, mais nous faire la morale. Ce n’est pas possible. Ça n’arrivera pas. »

Adel al-Joubeir à l’ONU Photo : AP

Il expliquait que les Saoudiens croyaient que, par ce message, le Canada ciblait les citoyens de son pays directement alors que l’Arabie saoudite se trouve en période de volatilité.

« Certaines des réformes, la conduite automobile des femmes, l’introduction de cinémas publics, etc. s’avèrent populaires auprès du peuple saoudien. Mais d’autres éléments ne sont pas satisfaits des réformes et estiment que l’Arabie saoudite est peut-être trop conforme aux exigences occidentales », disait-il.

« Cela leur donnerait des munitions pour dire : « Regardez, regardez, nous sommes bousculés par l’Occident, ils exigent maintenant que notre système judiciaire fasse X, Y et Z. » »

Depuis le mois de juin, les Saoudiennes peuvent enfin obtenir le droit de conduire une auto sans craindre d’être fouettées ou d’être emprisonnées. Photo : AP/Hasan Jamali

RCI avec La Presse canadienne et la contribution de Claude Bernatchez, Alain Gravel et Michel C.Auger de Radio-Canada et les informations d’Adrienne Arsenault de CBC News

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Catégories : International, Politique, Société
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